La très cosmopolite Albanie a décidé de s’inviter pour la première fois de son histoire à un grand tournoi international. La faute à qui ? À un drone, à Rui Patricio, à Hitzfeld, au serbe Mitrovic, au père Xhaka…Une chose est sûre, dans quelques jours la lanterne rouge au très réputé Indice FIST viendra parquer son stock de Ladas et de fumigènes dans les stades de l’Hexagone. Toutefois, avec un foot aussi sexy qu’Alain Morisod en string, ça m’étonnerait beaucoup que les aigles Balkans vous fassent oublier notre belle Nati, la véritable équipe d’Albanie.
1. Pourquoi j’ai choisi de présenter cette équipe.
Sur un bête malentendu. Durant un briefing pour cette couverture de l’Euro 2016, je fus très touché quand mon rédacteur en chef m’annonça que j’allais couvrir la Suisse. Chasse-gardée de Robin Chessex sur notre site, j’allais à mon tour pouvoir disséquer les Shaquiri, Behrami et autres âneries tactiques de Petkovic. Au fil de la conversation, je pris conscience de mon fourvoiement (peut-être à cause de son accent d’Echallens). «Ecris ton papier sur la Suisse bis, enfin l’Albanie si t’es un peu bouché» finit-il par hurler dans le combiné. Asphyxié de joie, je ne pus dire mot. L’Albanie serait mon fardeau, un peu comme la France avec François Hollande.
Quelle purge de partir à la découverte d’un football en quasi ruine, à l’image de ses stades tout juste ‘retapés’ pour satisfaire les sergents-majors de l’UEFA. En effet, les Shqiponjat qui pointaient à la 116e au classement FIFA en 1996 reviennent des catacombes du foot européen. Leur salut ne pouvait donc venir que de leur diaspora (en fait, un peu comme l’équipe de France). Phagocytant tous les espoirs formés aux frais de la princesse suisse ou italienne pour enfin pouvoir gagner, l’Albanie allait devenir le parasite du foot européen.
2. Comment se sont-ils qualifiés?
Grâce aux nouvelles technologies aérospatiales et un but emballé de Balaj lors de leur premier match gagné chez les Fangios du Tage. Bien lancée par ce succès, la troupe de Di Biasi put compter ensuite sur l’ingénuité d’un des leurs qui voulait juste taquiner l’ensemble des Fabio Fognini serbes réunis dans la fournaise du Partizan. Un drone de chez Lidl, enrobé d’un rideau rouge à l’effigie d’un aigle et tout partit en sucette. Corporatistes, les gros de l’UEFA sanctionnèrent les déplorables Balkanistes du Nord d’un match perdu par forfait et par la même mirent les ogres albanais en orbite finale.
Par la suite, profitant d’un gros coup de pompe de leur petit groupe des cinq avec notamment une Arménie en nets ‘progrès’ depuis le passage de Challandes, Xhimshiti et le principaliste Sadiku qualifièrent les leurs dans le match au sommet à Erevan.
3. Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée ?
Avec un entraîneur italien grisonnant, une bonne équipe de bourrins recyclés de Ligue 2 et des armoires à trophées aussi vides que les tirelires du FC Bienne, l’Albanie peut te soulever que dalle dans le foot fric en 2016. Mais bon, si vous avez des pulsions irrépressibles pour soutenir des Albano-Kosovars, misez plutôt sur la Suisse. Admir et Blerim finiront bien par nous démontrer qu’ils ont fait le bon choix.
4. Présente-nous la star de l’équipe.
L’ex du Dardania Lausanne (!), Lorik Cana, est le capitaine des Kuq e Zinjtë. Cet expérimenté routard européen (PSG, Marseille, Sunderland, Lazio et finalement le FC Kita) a donc un CV aussi bien fourni que Julien Esteban et Nassim Ben Khalifa réunis. Reconnu pour sa personnalité à la Couchepin et ses cisaillages ‘Gillette Mach 3’, Cana représente un socle indispensable pour sa patrie d’adoption ou d’origine, c’est selon.
5. Quel est le joueur qui va nous émerveiller?
Le versatile arrière-droit Elseid Hysaj est devenu un titulaire intouchable à Napoli, après son émergence du coté d’Empoli. Offensif à ses heures, percutant par des centres aussi précis qu’une tricoteuse Singer, l’Italo-albanais nous rappelle au bon souvenir de Ludovic Magnin. C’est donc pas peu dire qu’il va nous émerveiller.
6. Quel est le joueur qui va nous faire rire ou pleurer, peut-être même pleurer de rire?
Embourbé dans un football pas tant fait de tiki-taka mais plutôt d’hyper-tracas, Sokol Cikalleshi pourra faire l’objet de vos missiles verbaux et autres comparaisons avec la famille des caprins. Présent à chaque match des éliminatoires et jamais buteur, l’attaquant du Başakşehir d’Istanbul est, comme le souligne le facétieux Di Biasi, très important dans le football de replacement albanais.
7. C’est quoi leur philosophie de jeu ?
Un parcage à l’italienne de vieilles Ladas aux seize mètres associé à ce fameux ‘esprit de sacrifice’ prôné par Di Biasi (ndlr: «Si la balle passe, le joueur adverse finira à terre accompagné par la marque de tes crampons au niveau du genou»). Voilà les fondements rupestres du bétonnage, pardon, du football albanais. Ajoutez à cela les incalculables projectiles lancés en soutien par les Ultras de l’Elbasan Arena et quelques lestes contre-attaques à la Fred Chassot, et bien vous savez tout du ‘style’ de jeu albanais.
8. Mais il ressemble à quoi le championnat albanais ?
Leur Superliga n’est qu’une vulgaire copie de notre Raiffeisen Super League avec seulement 10 équipes en carton. Par contre, ils ont la classe pour façonner des noms de clubs bien plus risibles que nos Servette ou autre Xamax. Avec leurs Skënderbeu Korçë, Bylis Ballsh et autres Flamurtari Vlorë, les Albanais facilitent le travail des Yannick Paratte locaux. Cette année, Korçë se tire la bourre avec le Partizan Tirana pour le titre et le meilleur buteur saisonnier Hamdi Salihi a marqué trois fois plus de but que Konaté (9). Christian vas-y, c’est une bonne pioche ce Salihi.
9. Mais au fait c’est qui le personnage albanais le plus célèbre dans le monde ?
Supporter de cœur des footeux albanais, Mère Teresa restera dans nos mémoires comme la cheftaine des chiffonniers de Calcutta, défenseuse de la paix, de l’amour et de tout le Saint Frusquin. Tout un paradoxe quand on voit l’espèce de merdier qui règne dans les derbys balkaniques. Dès lors, vous pouvez parier sans crainte que les chiffonniers albanais viendront tester les carrosseries des camions de CRS durant cet Euro gaulois. Pourquoi changeraient-ils une formule qui gagne ?
10. Fais-nous rêver avec l’Albanie, mais dans un autre sport…
Le pilotage nocturne de drone (et si possible dans un chaudron rempli de nitroglycérine). Et si tu l’embellis d’un joli drapeau, alors là, c’est banco assuré auprès des copines.
11. Au fait ça mange et ça boit quoi les Albanais ?
Sur les terrasses de la Place Skanderbeg de Tirana, on se délecte de la boza, un dégueuli à base de maïs et de blé, très légèrement alcoolisé. C’est rafraîchissant et il paraît que ça fait gonfler la poitrine des femmes d’après mes sources touristiques! (à force de lire le Matin et de zieuter le Loft, même la Rédac de Carton Rouge part à cul)
Et si vraiment vous voulez du plus corsé, rabattez-vous sur le raki qui est distillé à partir de marc de raisins ou de prunes. Même les Liqueurs Morand n’en ont pas voulu à leur stand du Comptoir de Martigny, c’est dire l’infection.
12. T’as quelque chose à rajouter ?
L’imprononçable Panajot Pano fut jusqu’à cet Euro le meilleur joueur albanais de tous les temps en gagnant 5 Coupes d’Albanie en plus de la très explosive Coupe des Balkans en 1970. Pano, alias le «Petit Puskas», reçut un hommage national lors de sa mort en 2010, avec pas moins de 100’000 personnes descendues dans les rues pour lui dire merci pour ses dribbles. On n’ose pas imaginer les bouchons sur le pont du Rhône quand Vincent Rüfli passera l’arme à gauche.
Soyez le premier à commenter