Apologie du Bayern Munich (si, si…)

Il m’en coûte de l’avouer mais actuellement le Bayern Munich joue sur une autre planète. En Allemagne et peut-être même aussi en Europe. Le fait d’avoir assisté à la démonstration de puissance du Rekordmeister dimanche à Hanovre ne m’aura pas rassuré sur l’éventualité de ne pas voir cette équipe à nouveau tout rafler en fin de saison.

Ce n’est un secret pour aucun de nos lecteurs réguliers : je n’aime pas le Bayern Munich, la vision du football qu’il incarne, ses méthodes, son fric, son arène pour VIP, ses dirigeants peu scrupuleux et imbus d’eux-mêmes… La simple lecture de l’interview suffisante et provocatrice de Mathias Sammer dans le Bild du jour aura suffi à me faire avaler mes bières de travers dans l’ICE qui m’emmène d’Hambourg à Hanovre, alors que l’arrogance des clients du Rekordmeister aura (presque) failli me gâcher le plaisir d’un après-midi ensoleillé au Waterloo-Biergarten. En arrivant au stade, je fais même un crochet chez les ultras locaux, histoire de m’affubler de la panoplie du vrai petit hooligan local. En vain. Car mon objectivité légendaire me force à constater qu’aujourd’hui le Bayern Munich constitue une mécanique impressionnante qui n’a pas d’équivalent à l’heure actuelle sur la planète football et que, aussi imbuvables soient-ils, les Sammer, Hoeness et autres Rummenigge sont parvenus à créer un monstre, sans même avoir recours à la manne artificielle d’un mécène sorti de nulle part. Et je l’ai constaté à mes dépens dimanche au Niedersachsenstadion.   

Comparaison n’est pas raison

C’est la question qui taraude les médias allemands (et pas que…) : le Bayern Munich version Josep Guardiola est-il meilleur que le Bayern de Jupp Heynckes qui a tout raflé l’an dernier ? Le Rekordmeister de Don Jupp était plus impressionnant en ce sens qu’il entamait ses matchs tambour battant en imposant un pressing infernal et avec la volonté claire d’étouffer l’adversité dès les premières minutes. Il n’était pas rare de voir le Bayern d’Heynckes plier ses rencontres en vingt minutes, sans que l’adversaire n’ait dépassé le milieu de terrain, sinon sur l’engagement après chaque but et, éventuellement, au coup d’envoi, ni eu l’impression d’avoir la moindre chance.
Le Bayern de Guardiola laisse davantage d’illusions à l’adversaire, comme s’il jouait au chat et à la souris. Il débute ses matchs de manière moins furieuse, plus posée, et il est fréquent qu’il concède les premières occasions à l’adversaire, fût-il modeste, on l’a vu récemment contre Nürnberg ou Arsenal. Mais il y a généralement toujours une latte, une erreur d’arbitrage, une parade de gardien ou un Mesut Özil pour empêcher l’adversaire de prendre les devants. Puis la machine bavaroise se met en route, quand l’opposition éprouve le besoin de souffler, et fait parler sa qualité individuelle, renforcée par les arrivées de Götze et Alcantara par rapport à l’époque Heynckes, et collective pour finir par plier le match avec le même acharnement implacable que le champion d’Europe 2013.   

Vingt-cinq minutes d’illusions puis…

Cet Hanovre – Bayern est assez emblématique des matchs du Rekordmeister sous l’ère Guardiola. Cela débute dans une ambiance survoltée avec près de 50’000 fans bien décidés à voir leur club être le premier à faire tomber les Bavarois en Buli cette saison. Et l’entame de rencontre laisse croire à l’impossible exploit. Sechsundneunzig est bien en place, ne laisse pas le Bayern se montrer dangereux et parvient même à bousculer (un peu) la défense visiteuse. La première occasion est d’ailleurs hanovrienne : un frisson parcourt le stade lorsqu’Artjoms Rudnevs s’en va presque seul au goal mais le Letton échoue devant la bonne sortie du gardien Tom Starke. Puis vint la première incursion bavaroise devant la cage adverse : un centre de Rafinha, Thomas Müller surgit et place une tête imparable avec un froid réalisme pour jeter un premier coup de froid sur le Niedersachsenstadion. La machine sudiste était en marche et rien ne pourrait l’arrêter, pas même les deux parades du gardien Ron-Robert Zieler qui n’a fait que retarder l’échéance. C’est finalement sur une ouverture de Bastian Schweinsteiger reprise à bout portant par Thiago Alcantara que le Bayern a doublé la mise. Alors que la nuit tombait sur la Basse-Saxe, c’était (déjà) le crépuscule des espoirs de 96. Et, alors que dix minutes auparavant, le stade vibrait sous les claquements de mains et vociférations des fans locaux, on n’entendait plus que les murmures admiratifs du petit attroupement de clients en rouge dans leur coin, comme si tous les autres spectateurs s’étaient en même temps pris une charge de Zdeno Chara en pleine face sans l’avoir vue arriver. Un scénario malheureusement connu. 

Sans le moindre relâchement

Sans forcer outre-mesure son talent, le Bayern ajoutera deux buts après la pause, une superbe combinaison Alaba-Mandzukic-Müller puis un centre de Rafinha pour Mandzukic afin de sceller le score à 0-4. Si le Bayern domine aussi outrageusement la Bundesliga, c’est bien sûr en premier lieu une question de budget avec des moyens nettement supérieurs à la concurrence qui permettent de débaucher les meilleurs joueurs de la ligue. Mais il y a aussi une question de mentalité : depuis la triple humiliation du printemps 2012 (perte du titre, de la Coupe et la Ligue des Champions), le Rekordmeister a développé une capacité à aborder tous les matchs avec une implication et une concentration égales, ne lâchant presque jamais rien, même pas un but de l’honneur ici ou là, toujours tourné vers la victoire et rien qu’elle. Pourtant, après avoir tout raflé la saison passée et alors que le titre 2014 est déjà dans la poche, le Bayern pourrait laisser filer un match de temps en temps. Mais ce n’est pas le genre de la maison et, actuellement, à Munich on parvient à maintenir constamment un niveau d’exigences dont ne peuvent que rêver les rivaux nationaux, les Dortmund, Leverkusen et autres Schalke qui connaissent eux trop fréquemment des matchs sans. En ce sens, avoir engagé un entraîneur dont la conception du football est très différente de celle de son prédécesseur constitue peut-être la chance (ou le génie) du Rekordmeister : l’adaptation à de nouvelles méthodes et à un nouveau style de jeu constitue un nouveau défi empêchant l’équipe d’être rassasiée et la vulnérabilité (toute relative) des débuts de matchs ne lui permet pas de s’endormir sur ses lauriers et l’oblige à une concentration extrême, malgré tous les succès accumulés. 

Un monstre

J’en reviens à ma question liminaire, à laquelle je n’ai toujours pas répondu, ce qui ne me ressemble guère : le Bayern de Guardiola est-il meilleur que celui d’Heynckes ? En fait, il est prématuré d’y répondre. J’ai toujours trouvé que le Barcelone de Guardiola était surcoté car c’est dans la capacité à gagner les matchs décisifs – à la régulière s’entend – que l’on reconnaît les grandes équipes. On attendra donc les échéances capitales de fin de saison – en Pokal et en Ligue des Champions plus que dans une Bundesliga déjà pliée – pour évaluer ce Bayern 2013-2014. Mais à mon sens, Josep Guardiola, après quelques mois de règne seulement, dispose déjà du côté de la Säbener Strasse d’une machine mieux outillée pour devenir le premier double champion d’Europe depuis le Milan AC 1989-1990, voire triple depuis… le Bayern 1974-1976, que celle qu’il avait bâti au Camp Nou. Ce Bayern dispose de plus de variété dans son jeu que le Barça de Guardiola et peut, au besoin, revenir aux fondamentaux d’Heynckes avec son jeu rapide, direct et vertical en mode Vollgas-Fussball à l’allemande si la circulation de balle latérale, par passe courte et sans rythme est mise en échec. Ensuite, le Bayern actuel est beaucoup moins dépendant d’une individualité que ne l’était le FC Barcelone de Lionel Messi. La preuve : l’absence de Franck Ribéry pour blessure passe inaperçue. C’est dire que Guardiola, dans la patrie des Festzelte, dispose d’une profondeur de banc dont il n’a jamais disposé en Catalogne. 

Confidences pour confidences

Comme aiment à nous le rappeler certains de nos jeunes lecteurs – notamment genevois – personne ne lit jamais mes articles sur la Bundesliga, même s’ils savent tout ce qu’il s’y trouve. Alors, comme nous sommes en tout petit comité, je te fais une confidence et te révèle une pensée inavouable qui m’a traversé l’esprit dimanche en 2e mi-temps : plus que le démontage systématique sur sa pelouse d’un Hanovre pourtant considéré comme l’une des meilleures équipes de la ligue à domicile, ce qui m’a déprimé, ce sont les changements opérés par le Bayern : Robben pour Müller et Kroos pour Götze ! Soit le buteur décisif de la dernière finale de C1 pour le meilleur buteur de la dernière Coupe du Monde et le meilleur joueur de la dernière journée de C1 pour l’un des plus sûrs espoirs du foot mondial. C’est là que j’ai eu cette pensée affreuse : il vaudrait peut-être mieux que mon Borussia Dortmund perde la demi-finale de DFB-Pokal contre Wolfsburg pour ne pas aller se faire démonter en finale par cette machine implacable et se fasse éliminer rapidement en Ligue des Champions pour éviter de croiser cet ogre une nouvelle fois. Depuis, je te rassure, les excès de l’Haßeröder sont dissipés et je suis revenu à des sentiments plus fiers et dignes : oui, ce Bayern laisse une impression monstrueuse mais cela n’en rendra que plus grandiose l’exploit de celui qui le fera tomber, alors j’espère que mon équipe du Borussia recevra une ou plusieurs nouvelles chances d’aller défier le monstre avec nos armes, nos atouts et nos valeurs. En espérant, pourquoi pas et contrairement à Arsenal, Hanovre et tant d’autres, profiter des quelques moments de vulnérabilité bavaroise de début de match pour aller vérifier si les pieds du colosse ne sont pas d’argile.       

Hannover 96 – Bayern Munich 0-4 (0-2)

HDI-Arena, 49’000 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Kircher.
Buts : 25e Müller (0-1), 34e Alcantara (0-2), 59e Müller (0-3), 66e Mandzukic (0-4).
Hanovre : Zieler; Rajtoral, Marcelo, Schulz, Pocognoli; Huszti, Schmiedebach, Stindl (68e Andreasen), Bittencourt (37e Prib); Rudnevs, Diouf (78e Sobiech).
Bayern : Starke; Rafinha, Martinez, Boateng, Alaba; Lahm, Schweinsteiger (72e Pizarro); Müller (62e Robben), Alcantara, Götze (67e Kroos); Mandzukic.
Cartons jaunes : 21e Diouf, 23e Rafinha, 26e Huszti.
Notes : Hanovre sans Pander, Hoffmann, Ya Konan, Cherundulo ni Felipe (blessés), Bayern privé de Badstuber, Ribéry et Shaqiri (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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10 Commentaires

  1. Le Bayern joue certes sur une autre planète en Allemagne, sauf que l’Allemagne est un championnat de seconde zone! 19 points d’avance!!! En d’autres temps, avec les mêmes résultats et le même écrasement de la concurrence, je me rappelle que tu accablais Barcelone et le championnat espagnol d’un torrent de commentaires ironiques!
    Leverkusen-PSG: 0-4
    Leverkusen est 2ème de la Bundesliga!
    Schalke 04-Real: 1-6
    Schalke est 4ème de la Bundesliga!

  2. Moi, je lis.

    Merci de nous rapporter régulièrement ce qui se passe en matière de football chez nos voisins germaniques, même si c’est (souvent) par la lentille déformante d’un partisan du BVB…

    Sinon, sur le match, pas de Neuer au but?

  3. « Clients » du Bayern… Ils sont d’une ville et sont alles au stade olympique avec papa a l’age de 4 ans la permiere fois, respirent ce club et cette ville…

    Surement comme vous M. Mouquin pour le LS ou LHC. Un peu de respect SVP.

    Ils ne sont pas tous devenus fans en 2006 a 30 ans d’une equipe de la Ruhr parce que l’ambiance et Geil !

    PS: pas d’accents sur mon clavier, desole.

  4. Moi aussi je lis régulièrement, tes articles sont intéressants car documentés et expérimentés, il faut cependant passer outre le manque d’honnêteté.

    Après, il faut arrêter d’associer les fans d’un club à son poids financier ou sa politique de transfert. La passion peut être la même et le terme « client » est particulièrement réducteur. D’autant plus qu’une partie des fans (je ne sais pas quel proportion ils représentent) se battent plutôt pour une vision d’un football populaire en opposé avec le business à tout prix et partagent une amitié avec les fans de St-Pauli, notamment. C’est eux qui suivent majoritairement le Bayern en déplacement, et qu’on ne peut définitivement pas qualifier de « client ».

  5. @ Julien Mouquin

    Je peux comprendre que tu n’aimes pas le Bayern, son côté VIP et notamment le fait qu’ils achètent systématiquement les meilleurs joueurs de leurs rivaux. Néanmoins, ne trouves-tu pas que « la vision du football qu’il incarne » mérites le respect, pour le moins à certains égards ?

    Je ne connais pas le détail, mais il me semble que ton Dortmund – qui soit dit en passant ne se prive pas d’aligner les millions pour recruter des Reus et des Mkhitarian – a presque fait faillite pour ne pas avoir su gérer ses comptes il n’y a pas si longtemps que ça.

    Par contre, le Bayern est un modèle de gestion financière quasi unique à ce niveau. C’est la preuve que l’on peut être compétitif et respecter les règles du fair-play financier que souhaite instaurer l’UEFA. Un article très intéressant du Temps le soulignait d’ailleurs (http://www.letemps.ch/Page/Uuid/54b43fe6-1ec0-11e1-bb9e-ae0c27c1e134%7C2).

    Bref, que tu tapes sur la Bayern t’arrange bien parce que, avoue-le, Dortmund a besoin d’avoir un tel rival pour exister. Maintenant, tu pourrais quand même reconnaître de temps en temps que le Bayern est objectivement beaucoup moins détestable que des Chelsea, Manchester City, Real Madrid ou Barcelone qui usent de tous les trucs et astuces possibles et imaginables pour vivre au-dessus de leurs moyens.

  6. @marcus:

    Je l’ai écrit noir sur blanc, même si les fraudes d’Hoeness et Rummenigge laissent quand même planer quelques doutes sur l’intégrité absolue qu’ils ont toujours prétendu incarner :

    « aussi imbuvables soient-ils, les Sammer, Hoeness et autres Rummenigge sont parvenus à créer un monstre, sans même avoir recours à la manne artificielle d’un mécène sorti de nulle part ».

    Après, ce que je dénonce, c’est l’approche mercantile du rapport aux spectateurs, d’où l’usage du terme client. Hoeness cherche absolument à réduire le nombre d’abonnés, au motif qu’un touriste occasionnel qui ne vient qu’une ou deux fois par saison va payer plus cher son billet au match et surtout dépenser davantage à la boutique que l’abonné fidèle.

    En 2008 (sauf erreur), après que le Bayern eût figuré deux ou trois fois de suite à la dernière place du classement du Bild des meilleures ambiances de Buli, des fans avaient lancé une pétition contre la VIPsation de l’Allianz et le faible nombre de places debout mais le culte du succès a complètement étouffé la contestation (comme les « koan Neuer » d’ailleurs). Aujourd’hui les quelques groupuscules ultras qui subsistent dans la minuscule Kurve place debout servent plutôt de curiosités pour VIP et mangent dans la main des dirigeants. Et n’importe qui fréquente les stades allemands sait que la ferveur à Munich y est bien moindre qu’ailleurs, c’est un fait.

    Il y a quelques jours, les abonnés du Bayern ont reçu un courrier menaçant de leur retirer leur abonnement s’ils ne voient pas suffisamment de matchs par saison, au motif que les nombreuses places vides pour les matchs moins attractifs font un peu tache pour l’image d’un club qui se vante de jouer tous ses matchs à guichets fermés et représentent un manque à gagner aux buvettes et à la boutique…

    Cette mercantilisation du spectateur et ceux qui la cautionnent, je le dénonce exactement la même chose lorsqu’elle touche un club qui m’est cher comme le LHC.

  7. Le Barca de Guardiola a été entre 2009 et 2012 la plus belle équipe de foot qu’on a pu voir jouer…depuis le Milan de Sacchi. Dire le contraire serait de la mauvaise-foi caractérisée !

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