Baixa Brazilinho – Impotente Colombia

Fortaleza, Castelao, 23 heures 45 : je regarde James Rodriguez en larmes, David Luiz qui invoque les Dieux de je ne sais où, une foule jaunasse se lancer dans de multiples libations que j’imagine night long, Pekerman digne dans son costume de bonne coupe (pas du monde), Scolari dans sa défroque mal taillée d’entraîneur soulagé, David Luiz, encore lui, prendre dans ses bras le prénommé James pour le consoler et je me dis « et moi ? qui va me consoler du spectacle de ce minable Brésil au cul commack et à l’absence de jeu crasse ? »

1. Le résumé du match.Départ en fanfare du Brésil. 7ème minute : corner. Neymar au coin. Ça passe tout le monde et Thiago Silva, au second poteau, libre de tout marquage, ouvre la marque de l’intérieur du genou. Révolte immédiate des Cafeteros et belle occasion pour Cuadrado qui met un missile à raz le montant gauche de Julio César. Encore quelques occasions pour les Cariocas, par Hulk notamment mais Ospina met son veto. Un Brésil sans imagination domine mais reste stérile. Par contre, les fautes tactiques (ces fameuses fautes dont j’ai parlé à réitérées reprises et que je hais) se multiplient. James Rodriguez (sans doute la plus belle révélation de ce Mundial) est mis sous l’éteignoir de Paulinho et de Fernandinho et ne peut, comme il le voudrait, orienter le jeu colombien sauf en une circonstance où, d’un seul dribble, il met la défense locale hors de position et offre à son équipe la possibilité d’un quatre contre un, lamentablement galvaudée par Cuadrado qui permet à Silva d’intervenir  efficacement. Mi-temps. Ospina a su garder son équipe dans le match. C’est brouillon, peu atttractif. Bref, ma déception est à la hauteur de mes attentes.
Pekerman fait quelques ajustements à la mi-temps en remplaçant Ibarbo par Ramos et en repositionnant Rodriguez pour lui donner plus de liberté. Le jeu est dur, les fautes se multiplient mais la Colombie, petit à petit, s’installe et domine un Brésil dans ses toutes petites godasses. Irais-je jusqu’à dire que seuls Luiz et Silva tirent leur épingle du jeu : les deux défenseurs centraux !!!! Et la Seleçao déjoue (si tant soit qu’elle ait joué). Elle parvient parfois à attaquer. Faute de Rodriguez (et je ne suis pas du tout certain que le Velasco Carballo de service (l’arbitre espagnol, misérable canaille au sifflet auriverde) ait eu raison et de siffler et d’avertir James. Coup-franc à 30 mètres. David Luiz envoie un de ces ballons dont il a le secret de l’intérieur du pied droit dans la lucarne gauche d’Ospina. Goal magnifique, il faut l’admettre, C’est, à peu près, la seule belle chose du Brésil en cette seconde période. Et c’est 2-0. Immérité mais il parait que c’est le foot :O(
Les Colombiens, après un petit moment de flottement, se reprennent et poussent, poussent. 77ème minute : pénalty. Ouverture géniale de Rodriguez sur Bacca qui se fait découper par Julio César qui, malgré le fait qu’il soit manifestement le dernier défenseur, s’en sort avec un jaune alors que le rouge était évident. Sur le coup, je me remémore les propos de Nico Kovacs après le match d’ouverture… Pénalty transformé 2-1. Face à ce Brésil minable, je l’avoue, j’aimerais voir les Cafeteros revenir et passer l’épaule. Déjà que sur un cafouillage improbable devant la cage brésilienne, ils se sont vus refuser un but qu’en d’autre circonstances on eut accordé. Mais rien n’y fera. La Colombie ne battra pas Penthéréaz et c’est bien dommage.
2. L’homme du match.
David Luiz : intransigeant, engagé (parfois trop), souvent déterminant et son compère Thiago Silva, pour les mêmes raisons. Au surplus, tous les deux marqueurs. J’aimerais ajouter James Rodriguez parce que lui, c’est un tout bon et qu’il porte le jeu colombien avec talent. Et Ospina qui a longtemps retardé l’échéance en gardant son équipe dans le match, notamment en première mi-temps. Ceci dit, avec ces deux lulus en défense, le PSG va contrarier bien des Cristiano et des Lionel la saison prochaine en Europe.
3. La buse du match.
Thiago Silva qui se prend un averto pour un geste que même en junior on ne fait plus. Piquer le ballon au gardien alors qu’il est en train de dégager… corniflet ! Et le voilà privé de demi-finale. Quand on sait que le Brésil repose sur ses deux centraux ! Les Germains peuvent se réjouir. J’ajoute, pour faire bon poids, une autre buse : le colombien Zuñiga. Son coup de genou dans le dos de Neymar, inutile, la conquête de la balle étant impossible sur l’instant, sort la star brésilienne du Mundial : 3ème vertèbre fissurée. Bravo, connard ! Et ce Scolari à deux balles, sapé classieux comme un oriflamme sous la pluie, gesticulant comme une manche à air dans la vallée du Rhône, vociférant tel le jardinier amateur cherchant le réservoir sur une tondeuse électrique au cordon sectionné et, malgré ce festival de mauvais goût, incapable de faire jouer son équipe. Dans ce match, j’ai vu un entraîneur mais ce n’était pas Scolari.
4. Le tournant du match.
Le but annulé de Yepes et, deux minutes plus tard, le coup-franc magnifique de David Luiz. Il me semble que si la Colombie avait égalisé, on n’aurait plus revu le Brésil.
5. Le geste technique du match.
Le dégagement de Marcello dans la zone libre. Fantastique ! Il intercepte, se lance dans une traversée de terrain magique, dans le sens de la largeur, en longueur et, dans un geste d’une élégance quasi Béjardienne, prenant la balle exactement là où elle est la plus sensible, l’expédie dans le no man’s land qu’il avait perçu, là-bas, avec l’acuité tactique propre au joueur de génie. Comme un seul homme (d’ailleurs, j’étais seul, ma compagne s’était depuis longtemps endormie) je me suis levé de bonheur et j’ai fait trois fois le tour de mon whisky sur le petit orteil du pied gauche (le moins bon des trois). Punaise, quelle daube !

6. Le geste pourri du match.
Le coup de genou de Zuñiga sur Neymar. Pour péter une vertèbre, faut quand même y mette de l’enthousiasme.
7. Ce match m’a fait penser…
…qu’il faut vraiment que je me remette en question ! Allez, Didier : 1970, c’est trop loin pour que quiconque puisse encore s’y référer. Oublie les Pelé, Gerson, Tostao, Rivellino, Clodoaldo, Jairzinho et tous les autres. Tempi passati… il faut te résoudre, mon cher (dans l’intimité il m’arrive de me tutoyer, c’est dire la proximité que j’ai avec moi sans pour autant que je cède à une familiarité de mauvais aloi) à accepter que le peut-être champion du monde n’est plus que l’ombre de ce qui t’a fait rêver. Il est vrai que depuis le coup de coude de Leonardo à un Américain en 1994 (qui avait déjà provoqué en moi une ire incontrôlable) le Brésil est devenu triste et calculateur. Adonc, mon vieux (il m’arrive de me manquer de respect mais en de brefs instants seulement), prends conscience que seule la victoire compte et que le plaisir du jeu n’est plus qu’une notion surannée. Et, à moins que tu n’aies encore un papier à pondre pour RedCartoon, fous-moi ce putain de poste de télé par la fenêtre avant de sombrer dans une prostration dépressive qui pourrait aller jusqu’à ne plus parler de foot (je suis excessif parfois mais mes craintes se transforment rarement en résolutions).
8. L’anecdote.
Il y a quelques années, lorsque ma motricité me permettait encore d’envisager de mettre des crampons, le club dans lequel je prétends avoir fait carrière, qui me laisse, et c’est un cas rare, de marbre, a décidé de voyager. C’est ainsi que nous partîmes (pas cinq cents) et nous retrouvâmes au Sénégal. À M’Bour, sympathique bourgade de la Petite Côte, à quelques beaucoup de kilomètres au sud de Dakar (au Sénégal, compte tenu des routes, un kilomètre c’est déjà beaucoup de kilomètres). Notre intention était de pratiquer notre art (quoi !? c’est un art, le foot de 4ème ligue, non ?) en nous confrontant à l’élite locale. Nous n’avions d’autre prétention que de nous amuser fraternellement et c’est ainsi (je vous passe la narration de tout le périple qui pourrait s’avérer fastidieuse pour le non initié) que nous jouâmes sur une sorte de terrain sablonneux, pentu. Nous n’y étions, ce jour-là,  que pour un entraînement. Mais, en Afrique, le ballon a une force d’attraction quasi solaire et induit la gravitation immédiate de joueurs autochtones aux sourires incitatifs. Ainsi, nous eûmes droit à notre première confrontation avec une équipe locale. Juste merveilleux ! Rires, tapes amicales, les enfants (ah, les enfants d’Afrique) aux anges quand, soudain, alors que nous étions en mesure de marquer, le match s’interrompit, Un homme d’âge certain, juché sur une brinquebalante tirée par un baudet famélique, traversait le champ sans aucun égard pour les sportifs qui s’agitaient. Quoi de plus normal : il allait de là à là et son chemin passait par ici. Il souleva son chapeau de paille, nous salua comme il sied à celui qui passe et qui est bien élevé, indifférent aux vociférations des spectateurs sénégalais qui lui enjoignaient de s’activer. « Mon âne va à son pas et il est vieux, comme moi, donc son pas est lent ». Le match reprit et se termina, dans un moment inoubliable de gentillesse et de partage, sur un score nul de beaucoup à la même chose. Encore tout abasourdis de joie et d’étonnement, nous quittâmes l’endroit, nous jurant d’y revenir pour plus d’émotions encore. Et l’âne ? me direz-vous, curieux que vous êtes et vous demandant où je veux en venir. Eh bien, jamais nous ne le revîmes et, malgré de nombreuses recherches, nous ne pûmes qu’imaginer son nom. C’était l’âne Ecdote.
9. Le tweet à la con.
#CDM2014 : «En Suisse, on a de la grêle et du grésil. À Fortaleza, z’ont de la brèle et Brésil. Sale temps pour le foot » M.Meteo@ipleu.com
10. Le prochain match.
Va y avoir du mou dans les favellas : les Auriverde, coaché par Sconlari, privés de Neymar et de Silva, avec un Fred inexistant, un Oscar qu’il ne recevra pas, et avec une pression que la bière, à côté, elle explose si elle est soumise à la même, se fait atomiser par une Allemagne sans génie mais avec une tactique, elle. Les manifestations reprennent dans tout le Brésil. La finale se jouera, l’an prochain, sur terrain neutre, sis entre le Qatar et l’Arabie Saoudite entre la Germanie et………… c’est une autre histoire.


Mercredi 9 juillet dès 18 heures, quelques rédacteurs de CartonRouge.ch viendront boire l’apéro au Bamee Bar, avenue de la Gare 32 à Lausanne. Un rédacteur t’a fait marrer ? Viens lui payer un coup ! Un autre t’a énervé ? Peut-être pourras-tu le convaincre de t’offrir une bière… On t’attend de pied ferme pour refaire le monde… Ou le Mondial !

A propos Bertrand Jayet 21 Articles
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7 Commentaires

  1. Magnifique commentaire, tout est dit, il n’y a rien à rajouter.
    Merci
    P:S: Le geste technique du match…….la grande classe !!!!

  2. Magnifique ! Superbe ! Personnellement, je déteste l’équipe du Brésil depuis 1994 (inclus) et cet article dit tellement admirablement ce que je n’aurais jamais su écrire, bravo !

    Et l’anecdote est délicieuse ! Ainsi que le geste technique du match !

    Mercredi 18h, tu dis ? Je vais essayer !

  3. tout simplement magnifique.
    Le passage ‘le match m’a fait penser’ est d’un autre monde…du Camus ou du Sartre…
    C’est pour ça que CR existe.

    Je l’imprime et l’affiche celui-ci !

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