Cap sur le nord

Parmi les quelques nations dominantes en matière de hockey sur glace, deux d’entre elles entretiennent une relation particulière, sportivement mais également culturellement et historiquement : la Suède et la Finlande. Au travers de cet article, nous vous invitons à une brève immersion dans le hockey scandinave, souvent mal connu sous nos latitudes. Nous laisserons de côté les cas de la Norvège et du Danemark, qui ont beaucoup progressé ces dernières années, mais qui restent des pays où le hockey sur glace n’a pas la même popularité que dans les deux premiers cités.

Ceux qui suivent régulièrement les championnats du monde de hockey ou les tournois olympiques auront peut-être été étonnés de voir, d’année en année, de nombreux joueurs finlandais portant un nom suédois (par exemple Niklas Hagman, Antti Pihlström ou encore Mikael Granlund, héros de tout un peuple depuis qu’il a réussi le plus beau air hook de l’histoire lors de la demi-finale des championnats du monde 2011 contre la Russie, on s’en souvient). Le contraire est plus rare, mais arrive aussi (Magnus Pääjärvi a bien porté le maillot suédois, contrairement à ce que peut laisser penser son nom de famille). La raison de cette curiosité est historique : pendant 700 ans, la Finlande a appartenu à la Suède, favorisant le mélange de population sur le territoire actuel finlandais. Aujourd’hui, la Finlande compte deux langues nationales officielles, la seconde étant le suédois, qui est la langue maternelle de près de 10% de la population (parlée avec un charmant accent d’ailleurs). En ajoutant à cela les nombreux immigrés finlandais vivant en Suède, il est dès lors aisé de livrer une explication claire quant à ces histoires de patronymes sur les maillots des hockeyeurs. Et nous comprenons du même coup que, ô miracle, les Finlandais n’ont pas cédé aux sirènes anglophones pour désigner le nom de leur pays sur le maillot national : le «Finland» qui apparaît parfois aux côtés du fameux «Suomi» est bien le nom du pays en langue suédoise.
Les affrontements hockeyistiques entre les deux voisins nordiques possèdent donc une saveur particulière, puisqu’ils touchent à des aspects extra-sportifs. Ils ressemblent parfois à une guerre fratricide, entre deux pays qui se respectent et s’apprécient mais qui ne peuvent supporter l’idée de se faire battre par l’autre… En 1995, la finale des CM disputée entre la Suède (pays organisateur) et la Finlande est assez révélatrice de cet état d’esprit. La veille du match disputé à Stockholm, la fédération suédoise de hockey a déclaré et promis que les supporters de l’équipe vainqueur pourraient fêter le titre mondial sans restriction pendant toute la nuit sur Sergels Torg, la grande place au cœur de la capitale. L’histoire a voulu que la Finlande l’emporte (grâce notamment à la fameuse triplette Koivu-Peltonen-Lehtinen) et que, chose promise chose due, ce sont pas moins de 15’000 Finlandais qui se sont retrouvés à chanter et à brandir leurs drapeaux bleus et blancs au cœur de Stockholm, dans une ambiance festive et sans le moindre débordement. Un peu comme si on autorisait les Brésiliens à célébrer le titre mondial de foutchébol en plein cœur de Buenos Aires ! De là à penser que les Suédois sont des mollassons et que leur fameux «consensus» s’apparente à du masochisme, il n’y a qu’un pas…

Mais c’est sans doute plus subtil que cela. Jonas Bergqvist, qui a participé à cette fameuse finale, ressent aujourd’hui encore une vive douleur en repensant à ces événements, et voit cette grande fête finlandaise à Stockholm comme une réelle humiliation. Mais ce qui avait été dit devait être respecté et honoré. C’est sans doute cela le vrai esprit du sport. Dix-huit ans plus tard, l’affront est-il enfin lavé ? Après neuf tentatives infructueuses, la Suède vient de remporter son premier titre mondial à domicile, en battant la Finlande 3-0 en demi-finale de surcroît. Cette fois-ci, Sergels Torg pouvait enfin revêtir son manteau bleu et or, et je peux vous dire que la fête fut belle.
D’autres finales, il y en a eu entre les deux équipes : la Suède a remporté celle de 1992 ainsi que celle de 1998 en Suisse. On se souvient de cette dernière puisqu’elle s’était déroulée en deux manches qui avaient donné les invraisemblables scores suivants : 1-0 et 0-0, faisant passer le catenaccio à l’italienne pour du football plein gaz. Si les amateurs de spectacle facile n’ont pas manqué de fustiger le hockey nordique, les esthètes, eux, se sont régalé de la perfection des systèmes mis en place. Calculateurs, les Suédois le sont assurément : dominés par la jouerie finlandaise en finale des Jeux Olympiques de Turin en 2006, ils ont subitement changé leur système de jeu au cours du match pour profiter de leur avantage dans le jeu physique et remporter le sacre. On se souvient d’ailleurs avec une certaine amertume que lors de ce même tournoi, ils avaient perdu volontairement leur dernier match de poule afin de tomber contre un adversaire facile en quart de finale (la Suisse).
En 2011, la Finlande tenait sa revanche et remportait la finale des CM contre la Suède sur le score de 6 à 1, avec un dernier tiers d’anthologie conclu sur la marque de 5 à 0. Certains supporters se souviennent encore du nombre de Lapin Kulta qu’ils se sont enfilé ce jour-là, la bière nationale. Pour que cette série de duels fratricides soit complète, il faut encore mentionner la demi-finale des JO de Sotchi remportée tout récemment 2 à 1 par la Suède, ainsi que le quart de finale des CM 2003 lors duquel les Suédois, menés 5 à 1, l’avaient finalement emporté 6 à 5, signant l’une des plus belles remontées de l’histoire du hockey moderne… Et sur territoire finlandais, s’il vous plaît !
Pour réellement comprendre ce que signifient ces séries de duels (qui n’ont pas forcément d’intérêt, énumérées ainsi à la suite, à part pour les vrais passionnés de hockey), il faut essayer de se rendre compte de la place qu’occupe ce sport dans ces deux pays. Si le hockey sur glace, comme presque partout ailleurs, est parfois concurrencé en Suède par le football (on y passe même les matchs du PSG dans les bistrots, tiens donc…), il est par contre indétrônable en Finlande dans son rôle de sport numéro 1. Les seuls sports susceptibles de lui faire temporairement un peu d’ombre sont le saut à ski et les sports mécaniques, confirmant définitivement que les Finlandais semblent avoir un faible pour les sports de casse-cou.

Toutefois, il faut savoir que cela ne fait pas si longtemps que l’équipe nationale de Finlande joue le haut du classement. L’élément déclencheur qui l’a fait se hisser dans le cercle très fermé des «top nations» est sans conteste sa médaille d’argent obtenue aux Jeux Olympiques de 1988, à la surprise générale. Le hockey sur glace a dès lors accru encore sa popularité dans le pays, le nombre de licenciés a augmenté et on a modernisé le système de formation chez les juniors. Dans la foulée on organisait les championnats du monde à domicile. Venait ensuite une première finale, perdue en 1992 contre la Suède, on l’a déjà évoqué. Puis une seconde finale, perdue elle aussi en 1994 contre le Canada, avant la consécration, le titre mondial de 1995. Depuis lors, les Finlandais ont accumulé les bonnes performances, se hissant systématiquement dans le dernier carré des compétitions internationales, et produisant des joueurs d’exception : Koivu, Selänne, Nummelin ou Jokinen, pour n’en citer que quelques-uns. Mais, preuve de la qualité et de la profondeur du hockey finlandais, la fédération arrive aussi à monter des équipes performantes sans faire appel à ses stars internationales : qui connaissait par exemple Petri Kontiola, véritable révélation des derniers CM, avant mai 2013 ? Bref, on l’aura compris, l’émergence de la Finlande en tant que nation dominante est un enchaînement d’éléments qui découlent en grande partie de cette première excellente performance réalisée il y a 25 ans à Calgary. Pourrait-on souhaiter pareil destin à une autre nation qui vient elle aussi de réaliser un premier exploit au niveau international ? Il est permit de rêver…
Pour conclure, un mot sur les championnats nationaux, la SHL et la SM-Liiga. Si un grand nombre de joueurs quitte le pays pour la NHL, mais aussi pour certains championnats européens, les championnats suédois et finlandais n’en restent pas moins de très bon niveau. Lors de cette saison 2013-2014, le hockey est de retour là où il doit être, aux confins du cercle polaire : les équipes du nord dominent en effet sans partage leurs championnats respectifs : Skellefteå en Suède et Kärpät Oulu en Finlande, au nez et à la barbe des grands clubs historiques du sud comme Färjestad ou les deux clubs d’Helsinki, l’HIFK (le club suédophone) et le Jokerit (le club finnophone). La rivalité entre les deux clubs de la capitale finlandaise mériterait à elle seule un papier, on s’en doute bien. Si de nombreux grands noms du hockey scandinave ont griffé les glaces de notre championnat suisse, qu’en est-il du contraire ? Actuellement, un seul joueur suisse évolue en Scandinavie, le jeune et discret Dean Kukan, défenseur de Luleå, qui a tout de même disputé la finale de SHL la saison dernière. Outre Martin Gerber, il faut bien sûr mentionner pour conclure notre exemplaire et valeureux Martin Plüss, capable de s’exprimer parfaitement en suédois à la télévision et qui, avant son retour en Suisse, a évolué pendant quatre saisons à Frölunda, club avec lequel il a remporté le titre de champion de Suède en 2005. Aujourd’hui encore il reste une icône dans le cœur des supporters à Göteborg. Chapeau, Martin !
Cet article a préalablement été publié en version papier dans le fanzine gratuit Sporting Kimie

Écrit par J. Schmid et B. Schmid

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5 Commentaires

  1. Et en Finlande, il y a eu Timo Helbling et Philippe Seydoux et actuellement, il y a Dennis Saikkonen, qui joue à JYP.
    En Suède, en plus de Jenni et Fiala, on peut citer aussi Luca Bolthauser, le futur gardien de GC, qui jouait en D2

  2. Le traduction les Vrais Finlandais est un peu tmrpoeuse. Le nom du parti en finnois est Perussuomalaiset . Perus (suomalaiset=finlandais) pourrait eatre traduit vrais avec imagination, mais c est pas la meilleure traduction possible. Le sens original du mot est ordinaires ou habituels . En finnois il est impossible de voire une ligne de de9marcation entre eux et ab nous bb dans le nom du parti.Je ne suis pas un supporter de Vrais finlandais, mais c est mal-informe9 de faire ce genre de conclusions sur la base d une traduction e9trange8re qui n a pas le sens exact ou originel.Pardon mon francais, j ai utilise9 google translate un peu.

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