Crans fête un tout grand

C’est l’histoire d’un mec… 6 °C dans l’aire d’arrivée… Tout droit venu des Bugnenets, il vend du rêve à toute une nation. Un palmarès extraordinaire ; 66 podiums dont 21 victoires, 6 globes de cristal et un titre de champion du monde. Recordman du nombre de victoires sur la célèbre Steif, il est respecté et apprécié de tous. Son péché mignon l’Ovomaltine, sa signature le ski-flip, j’ai nommé… Didier Cuche.

Une station Crans-Montana, une piste «La nationale» et là me viennent en tête les paroles d’une chanson d’Aznavour : «Je vous parle d’un temps… que les moins de vingt ans… ne peuvent pas connaître…». L’année 1987, âge d’or du ski suisse, restera à jamais gravé dans nos mémoires. Hess, Schneider, Walliser, Zubriggen, Müller et cie, on avait tout raflé. Alors me vient une question, est-ce le hasard ou le destin qui veut que le légendaire Didier Cuche tire sa révérence sur sol helvétique en ce lieu mythique, panthéon du ski suisse ? La réponse m’importe peu, les faits sont là, les habitants du Haut-Plateau vous le diront, à lui tout seul, ce grand champion a permis aux rues de Crans de retrouver la ferveur et la passion qui les habitaient durant ces fameux championnats du monde.

Une première pour l’éclair du Pitztal

Mais avant les festivités, place à la compétition. 23’000 personnes munies de drapeaux à croix blanche se sont déplacées en espérant assister à un remake du Super-G de la veille ou, encore mieux, à un doublé Cuche-Feuz. Il en fut tout autre, le résultat vous le connaissez, en cette deuxième journée c’est un représentant de l’Aigle qui triompha sur la meilleure piste de Super-G au monde dixit Russi, une première pour l’éclair du Pitztal, comme on le surnomme dans le milieu. Un Autrichien qui gagne en Hélvétie ça fait mal, mais fort heureusement le compagnon de Marlies Schild n’a pas l’arrogance d’un Herminator ou d’un Eberharter, il est respecté du public et le public le lui rend bien. Un bon type ce Beni.
Lorsque le dossard 19 fait son entrée dans le portillon, la foule s’embrase. Pendant 1 minute 34 secondes et 73 centièmes, les drapeaux s’agitent et, au vu des décibels, les cris d’encouragement ont dû retentir dans toute la plaine du Rhône… La première place lui échappe pour 36 centièmes, certes il finira «que» troisième mais qu’importe, le héros du jour, c’est bien lui… Ovationné comme il se doit dans l’aire d’arrivée, le public en oublierait presque la descente d’Adrien Théaux qui a le «culot» de venir se glisser entre les deux seuls skieurs encore en activité ayant goûté à «La nationale», en 1998, lors des finales de la coupe du monde.

Raich, Cuche, Théaux, voilà le trio de tête de ce cinquième Super-G de la saison, trio qui se donnera rendez-vous dans l’aire d’arrivée après le passage des 72 coureurs pour la traditionnelle Flower’s Ceremony. P’tit clin d’œil à 87, c’est Erika Hess accompagnée du Conseiller d’Etat valaisan Maurice Tornay qui aura le privilège de leur remettre un bouquet de fleurs.
Et les autres Helvètes, me direz-vous ? Defago, un vieux de la vieille du cirque blanc, n’avait jamais participé à une course de coupe du monde sur ses terres d’origine. La première fois restant…la première fois, et revenant de blessures, il ne s’en sort pas si mal avec ses 11ème, 19ème et surtout 5ème places en géant.
 
Que dire de Janka, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, où est donc passé le Carlo qui nous faisait vibrer il y a de çà deux saisons ? A l’arrivée, même attitude peu convaincante que deux de ses compatriotes dans une certaine arène fribourgeoise début février. Iceman, reprends-toi, ne devient pas le Wawrinka du cirque blanc…
Quant à Beat, le Feuz sacré qui l’habitait en début de saison l’a-t-il délaissé ? Le Bernois avait tout pour s’envoler au classement général et celui du Super-G, mais il n’en fut rien. Craignait-il la présence d’un Kostelic dans l’aire d’arrivée ? Car même absents de la compétition, les Croates suivent l’affaire de près et envoient une représentante de marque comme espionne. En quittant l’aire d’arrivée, on attendit avec la délicatesse valaisanne «djeu c’est Janica Kostelic, t’as vu comme elle est bonne»… Et après coup d’œil, je dois dire que comme le vin elle s’est bonifiée avec le temps…
Et c’est ainsi que fut écrite l’histoire de ce Super-G. Y a pas à dire, en Suisse, soit en tennis soit en ski, derrière les Maîtres, il y a comme un petit vide…

Un feu d’artifice en l’honneur de Cuche

18 heures, la place de la patinoire avait un air de Planta une nuit de victoire en Coupe de Suisse de ce cher FC Sion. Je vous laisse donc imaginer l’ambiance qui y régnait. Remise des prix du Super-G, tirage au sort des dossards du géant mais surtout cérémonie en l’honneur de Cuche étaient au menu.
Ces parties officielles, qu’on a rarement l’occasion de visionner à la télé, furent courtes et très protocolaires. Pour le podium une poignée de mains d’Urs Lehmann, un hymne, une p’tite photo et puis s’en va. Quant au tirage au sort, rien à dire, seuls les 15 meilleurs de la discipline – dont un seul Suisse… Janka ! – sont conviés, et pour satisfaire la curiosité de la ménagère de 50 ans, j’ajouterai que Ted Ligety trouve le chocolat suisse «not bad», que Svindal apprécie fortement le public helvétique et trouve Crans très charmant ; le Norvégien sera-t-il tenté par un week-end en amoureux avec sa belle Julia sur le Haut-Plateau ? Réponse en fin de saison…

Puis vint le moment tant attendu, la remise du trophée du «Suisse de l’année» par les lauréats 2010, Marianne Barthelmy-Kaufmann et Rolf Maibach. Une foule surexcitée scandant des «Didier» à pleine voix… Avec comme fond sonore les commentaires de Jaton lors de sa victoire au géant d’Adelboden de 2002, l’arrivée de Cuche fut très hollywoodienne. Il y aura peu de discours – «L’émotion ressentie en ce moment est le centuple des sensations que j’éprouve lors d’une course» dira simplement Cuche – mais plusieurs cadeaux ; il devient membre d’honneur du club de golf de Montana, car à l’instar d’un Pirmin Zubriggen ou d’un Jean-Claude Killy, le Neuchâtelois pratique également ce sport. On lui offre une paire de ski… en chocolat et pesant 8 kilos, ainsi que 60 bouteilles de vins valaisans millésimés à sa date de naissance et aux années correspondant à ses victoires sur le cirque blanc. La foule lui crie une dernière fois son admiration, avant qu’un magistral feu d’artifice embrase le ciel de Montana.
«Merci et bravo Didier, tu vas nous manquer…» tels étaient les messages qui ornaient les balcons de la station. Ça résume en toute simplicité ce qu’on peut dire à ce grand champion… qui va laisser un grand vide !

Écrit par Jonas Salamin

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6 Commentaires

  1. « Et après coup d’œil, je dois dire que comme le vin elle s’est bonifiée avec le temps… »

    C’est plutôt avec les verres (bouteilles?) de vin dans ton sang qu’elle s’est bonifiée parce que … quoi !

  2. Très joli reportage made in VS !

    Ce week-end fut une grande réussite, gageons que Crans pourra très vite accueillir de nouvelles épreuves !

    Seul point noir, les immenses contre-performances de Beat Feuz… Qui a certainement perdu le général ce week-end.

  3. – Cuche, Raich et Blardonne ont étés un cran au dessus des autres ce week-end…

    – Bon, celle-là j’en suis pas très fière, mais de toute manière il n’est pas bon qu’il soit troisième, Raich…

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