Croche-patte : L’érection vacille

La psychanalyse ne dit pas que des conneries, elle en fait faire aussi… D’ailleurs, deux membres de mon illustre fratrie peuvent en témoigner mais là n’est pas le sujet. Mais à y regarder de plus près, force est de reconnaître que Freud et consorts pourraient nous être parfois utiles. Nous pourrions faire appel à eux, par exemple, pour comprendre ce qui pousse des millionnaires en short, le verbe haut et la queue basse à essayer de nous convaincre qu’ils ne sont pas des gonzesses.

Cela m’est venu brusquement, entre deux verres de rhum, dans cette position que j’affectionne, face aux Alpes, dans le silence ouaté d’une nuit de pleine lune dont le reflet lémanique me renvoie à mon obscurité pour le coup d’un flou lumineux, lorsque l’influence de notre satellite désagrège mes dernières inhibitions et me laisse pénétrer au sein du labyrinthe salace dans lequel mon esprit alors affûté glane de quoi vociférer calmement et souriant, à la face que j’imagine médusée des lecteurs et des rédacteurs de CR et malgré tout le respect que je leur porte, que le sport est devenu nettement meilleur pour le bien-être physique que pour la santé mentale (Reprenez votre souffle).En effet, je parcourais d’un œil distrait mais d’une main alerte une interview de Marc Rosset, le premier Romand à avoir fait rêver les mecs de ma génération en tennis, dont le commentaire – souvent avisé et empreint de cette spontanéité et de cette franchise rafraichissante qu’on ne rencontre plus guère que dans des classes de développement du canton de Vaud – est une goutte de fraîcheur dans un océan d’aigreur. La grande gueule du bout du lac donc commentait ainsi le futur-ex événement planétaire-de-toute-la-terre que devaient salement nous envier tous les ados chinois emmurés 12 heures par jour dans une usine d’assemblage de téléphones portables : la Coupe Davis c’est avant tout une «histoire d’hommes» puisqu’ «il ne faut pas seulement avoir de bons joueurs, mais savoir qui est prêt à aller au combat. On verra qui sont les hommes ce week-end-là».
A la lecture de ces paroles frappées au coin d’un bon sens qui m’échappe léger, un doute m’assaillit… Mais diantre ! Fichtre ! Palsambleu ! Se pourrait-il que le sportif, cet exhibitionniste médiatique, ce bucco-spasmique patenté, fût atteint lui aussi, à l’instar de bon nombre de ses contemporains, d’une légère angoisse concernant le gourdin qu’il voit aussi facilement dans son froc que la paille dans celui de son voisin ? Un rapide coup d’œil alerte, mais d’une main distraite, me confirma qu’en effet, un nombre non négligeable de sportifs souffrent d’un manque de reconnaissance de leur identité sexuelle ? Ainsi, pour Piétrus, le basket «… c’est un sport d’homme dans lequel il y a beaucoup de contact…». Tout comme pour Mesut Özil, pour qui le football anglais : «… c’est très physique, c’est un sport d’homme…».

De son côté, Mehmet Ekici interrogé après l’entraînement à propos d’une violente altercation avec un de ses coéquipiers expliquait que : «…ça fait partie du jeu. On joue pas à un sport de gonzesses, on fait un sport d’hommes». Sigmund, Mélanie, Sandor, Carl au secourssssssssss… Bref, alors que la liste n’est pas exhaustive, vous l’avez compris, il y a chez le sportif, un irrépressible besoin d’expliquer à la galaxie qu’il est un homme, un vrai, un combattant de l’extrême, un guerrier digne des 300. Reste à déterminer à qui s’adresse la supplication sous-jacente : «JE SUIS UN HOMME», affirmation péremptoire aussi bien partagée chez les sportifs que les petits fours et les coupes de champagne entre VIP dans les loges de tout nouveau temple du sport qui se respecte. La moitié féminine de la planète sport n’éprouvant pas ce besoin d’identification forcenée à longueur de caractères, j’en conclus donc que le sport n’est pas un déclencheur, mais juste un support à l’affichage indécent d’un étendard dressé de plus en plus haut et avec de plus en plus de vigueur sur les platitudes lyriques des colonnes dans les pages sportives de nos quotidiens et hebdomadaires favoris. Enfin favoris (…), faut pas exagérer non plus, on n’a que ça aussi !
«JE FAIS DONC JE SUIS»… Cette récurrente invocation cartésienne dans l’esprit et la forme, légèrement remaniée par nos champions du bulbe, est trop fréquente pour n’être que le fruit du hasard. Cette identification introjective est trop insistante pour ne pas cacher un mâle sournois. Etendez-vous, mon cher, et expliquez-moi ce qui vous tracasse ? Quel est ce besoin insistant qui vous pousse, alors que vous présentez tous les signes extérieurs de l’homme (coupe d’ados, barbe, jambes poilues, adilettes aux pieds, manettes de PS3 à la main, homophobie revendiquée, propos machos et conneries à revendre), à déclarer à la face d’un monde ébahi que vous en êtes un ? Que s’est-il donc passé dans votre enfance pour que vous doutiez finalement de votre identité masculine ? Pffffff, alors que mon naturel empathique m’écartèle, l’implacable réalité reprend vite le dessus; malgré l’hégémonie d’IKEA, Pfister et Interio, il n’y a sûrement pas assez de divans pour tous vous écouter. J’en suis profondément désolé… Mais je ne peux m’empêcher de penser avec ravissement que ces mecs qui gagnent des millions se sentent obligés d’éclater leur angoisse identitaire en justifiant l’agressivité de et dans leur sport par le fait que leur activité est vraiment une occupation d’Homme.
Je les remercie de nous avoir confirmé que ce n’est pas la grosseur des bourses qui fait l’homme.

Écrit par Pascal Trépey

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2 Commentaires

  1. Moi j’ai pas eu le bois en le lisant. Cela reflète avant tout la situation qui prévaut dans notre société ou les hommes en minuscule mettent constamment leur virilité en avant… Jusqu’à devenir Bête ou une bête. Cela reflète surtout le niveau de bêtise des gens qui donne plus d’importance à leur phallus qu’à leur cerveau. Et vu que la majorité des sportifs ont un phallus en lieu et place du cerveau tout s’explique !

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