Croche-patte : l’Imago et le magot

Les sportifs d’élite gagnent extrêmement bien leur vie, ce n’est un secret pour personne et c’est tant mieux ! C’est vrai quoi ! Martyriser son corps et son esprit comme ils le font pendant tant d’années et, pour certains, passer pour des abrutis à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche ou presque, cette abnégation mérite bel et bien les cacahuètes dorées qu’ils empilent dans le coffre-fort de leur villa, d’un goût douteux parfois.

Evidemment, nous pourrions toujours ergoter la moindre sur les sommes de transfert faramineuses ou le salaire/minute d’un CR7, sur la rétribution par coup de raquette d’un Federer ou le prix de la foulée d’un Usain Bolt… évidemment. Oui nous pourrions mais nous ne palabrerions jamais autant que si nous nous attachons non pas à ce qu’ils gagnent en pratiquant, mais plutôt à leurs gains en se montrant. En effet, si certains se font des couilles en or rien qu’à pousser un ballon avec les pieds, à renvoyer une petite balle poilue avec une raquette, à viser un panier percé avec les mains ou un petit trou dans l’herbe avec une canne (le sport vu comme ça a quelque chose de ridicule non ?), les mêmes se les font sertir de diamant avec leurs gains de sponsoring. Sans être exhaustif, qu’on en juge : Devant le reste du monde et roi du club, Tiger Woods demeure l’empereur incontesté des revenus publicitaires avec 55 millions de dollars empochés en 2012. Ici, c’est Nike, Rolex et Upper-Deck (Upper-Deck ???) qui ont décidé de se valoriser sur la bête. Ses dauphins, Roger Federer et LeBron James, talonnent le petit génie du fairway avec chacun 53 millions de dollars encaissés grâce à la publicité. Dans leur cas, c’est Nike, Wilson et Gillette pour le premier et Nike, McDonald et Coca-Cola pour le second qui crachent au bassinet. Pour une fois que McDonald et Coca-Cola alourdissent autre chose que la moyenne pondérale mondiale…
En gros, justement, le sponsoring ça consiste à faire croire au civil lambda (toi ou moi), que le produit présenté est utilisé par une personne connue pour ses exploits et que l’acheter, c’est s’approprier un peu de cette gloire qui fait bander tant d’humains (toi encore) et saliver ceux qui ne le peuvent plus ou pas (toi toujours)! Arrêtez de rire, il paraît que cela marche… C’est comme cela que depuis quelques années, on peut voir Fed et Waw à la télévision nous montrer qu’ils ont fort bien fait de choisir le tennis plutôt qu’une carrière d’acteur. Ce qui est assez cocasse lorsqu’on pense qu’ils passent une partie de leur vie devant les caméras. Mais il est vrai qu’on ne leur demande pas de feindre des émotions, juste de vivre les leurs. Puisqu’on en parle, une fois qu’un génie de la pub a concocté le scénario, une fois qu’un génie de la vidéo a filmé nos zozos, une fois qu’un génie de monteur a monté les images, il y a bien un dirigeant qui valide le film tel quel en se disant que, ma foi, si le peuple est assez con pour acheter le produit, il l’est aussi pour ne pas remarquer l’indigence de la prestation cinématographique de l’adulé.

Que les bien-pensants et les grenouilles de bénitier ravalent tout de suite leurs sentences à deux balles. Je ne critique pas les héros de Lille, je ne prétends pas être plus à l’aise avec un rasoir dans la main, devant un kinder bueno ou en face de ma voisine affamée (quoique dans ce cas précis…), je mets juste en évidence l’absurdité abyssale des faiseurs de pub et des dirigeants des entreprises qui les commandent. Cela dit, la logique veut que le montant de la rétribution du sponsoring soit proportionnel à la beauté de votre image. C’est vrai chez les femmes… Maria Sharapova domine en effet le classement des femmes les mieux rémunérées sans jouer, avec 22 millions de dollars engendrés en 2013. Merci papa, merci maman. Et sans connaître ses gains dans le détail, je peux sans grands risques avancer qu’une Lara Gut gagnera beaucoup plus en sponsoring tout au long de sa carrière que l’ensemble des skieurs de la délégation helvétique in corpore, tous gains cumulés en compétition peut-être, voire sûrement en fait.
Pour les hommes – tant que l’homosexualité ne sera pas aussi banale que l’hétérosexualité – c’est plus compliqué et va y avoir des déçus. Christiano Ronaldo le narcissique-gominé le plus célèbre de la planète footballistique ne gagne que 28M$ pour son image contre 52 M$ pour être sur le terrain. Ça doit le mettre léger mal alors que le «Rodgeur» galactique et sa plastique de gendre idéal, s’il n’a gagné que 4,2M$ en 2012 en jouant, en a ramassé 52 en vendant son image. 
Oh, une rapide analyse de coin de table me fait penser que tout n’est pas pourri dans le monde du merchandising. En effet, il semblerait, que ces deux exemples nous prouvent que si la beauté objective est vendeuse, la valeur suprême reste encore une image lisse, polie, sertie, où la moindre mèche qui dépasse est irrémédiablement humectée, où le moindre propos subversif est implacablement banni, où le moindre geste de travers est systématiquement gommé, où le moindre pas en dehors des clous est clairement redressé. Tiens, on dirait une définition de la Suisse.
Imaginez un peu ce qu’une entreprise serait prête à mettre pour un golfeur helvétique au top mondial…

Écrit par Pascal Trépey

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