Croche-pattes : le Schtroumpf noir

J’étais à la recherche d‘un support sur lequel ma sempiternelle pensée anticonformiste primaire allait s’arc-bouter afin de décocher quelques flèches épistolaires. Je me prélassais et me lassais de picorer les miettes des restes d’une actualité sportive sans aucun relief.

J’avais beau réfléchir plus que la neige sur les toits environnants; j’avais beau feuilleter d’une fébrilité distraite les touches de mon clavier; il n’y avait rien de bandant à me mettre dans la paume. Je maudissais ma soudaine impuissance et en venais à penser que décidément, tout fout l’camp. C’est alors que quelques supporters avisés profitèrent de la énième grande foire européenne des marchands du temple du roi football pour monter des spectacles un peu partout en Europe. Ainsi, en cette fin février 2015, de subtils Anglais en goguette dans le métro parisien, ont rejoué la farce de l’Apartheid en marge du match Zlatan – Mourinho.De fins Néerlandais ont mimé le sac de Rome (très vieux détails de l’histoire), toujours en marge d’un match de foot, mais du moins médiatique Rome – Feyenoord Rotterdam cette fois. Et enfin, pour ne pas être en reste, à l’occasion d’une partie de pousse ballon entre Saint-Gall et Lucerne, de délicats fans Lucernois ont organisé un safari en pleine ville, avec comme proie une espèce qui fut, il n’y a pas si longtemps, en voie d’extinction.
Je ne sais pas vous, cher lecteur, mais perso cela me manquait cette vivifiante fraicheur des dignes représentants de la spontanéité humaine. J’étais avide de réviser mes classiques à travers les Grands moments de l’histoire de l’humanité. Au fait, ce n’est pas pour dire hein, mais en y regardant de plus près, est-ce un hasard si les sujets de deux des excellentes troupes du théâtre susmentionnées sont issus des dernières monarchies encore plus ou moins en exercice en Europe ? Bref passons. Alors qu’à la lecture des comptes-rendus de ces non-événements, mes commissures rejoignaient doucement mes lobes, alors que mes synapses reprenaient de cette vigueur qui me faisait défaut, voilà-t-y pas qu’une titraille agressive vint obscurcir l’optimisme béat dans lequel j’avais plongé sans aucune retenue.
Dans ce pays de vieux cons pendouillants dont la seule excitation qui leur reste est d’emmerder son voisin et se palucher sur le fantasme de leur prochaine délation, dans ce monde peuplé de pisse-vinaigre et d’aigris qui portent la jalousie comme l’étendard de leur misérable et minuscule vie, il suffit qu’on s’amuse la moindre pour tout de suite mettre à l’index une jeunesse pleine de vie. Comment expliquer sinon – en ce 21 février – ce titre alarmant pour introduire à la vue des lecteurs avides du malheur des autres, le récit des amusements de cour d’école dont je vous ai brièvement fait part plus haut: «Le grand retour du hooliganisme».

Tout de suite les grands mots. Comme si l’Afrique du Sud, Rome et les Nazis avaient quelque chose à voir avec le Heysel, Furiani, Bradford ou les ultras du FC Constantin ou autres bourgades du monde sportif. Ces apparentements terribles le sont. C’est vrai quoi ! Comment voir autre chose dans ces répétitions spontanées que la volonté d’éviter la promiscuité dans les transports publics, l’ambition de chahuter un peu la ville éternelle et l’aspiration à rendre un hommage appuyé au dernier survivant de la liste de Schindler. Certes, les commentateurs les plus hardis parleront bien de restes malodorants de mouvement politiques surannés, mais les grossièretés, c’est bien connu, sont bannies du monde du sport. Et le sport n’a rien à voir avec la politique n’est-ce pas ? Et quand bien même, de quelle mauvaise foi ne faut-il pas faire preuve pour peindre le hooligan sur la muraille des détails de l’histoire à la seule loupiote de ces enfantillages !
D’ailleurs, avec leur clairvoyance légendaire, les supporters anglais de Chelsea ont vite fait de nous expliquer la vraie vérité. Lors de la dernière rencontre de championnat de leur équipe favorite en effet, ils ont déployé une banderole antiraciste avec un message explicite: «Black or White, we’re all Blue». Ah ! Keske j’vous disais hein ? C’était ça le problème de Souleyman dans le métro de la ville lumière. Ce n’est pas qu’il est noir. C’est qu’il n’est pas bleu.

Écrit par Pascal Trépey

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4 Commentaires

  1. Bonjour à la rédaction. Play-offs de hockey, reprise du championnat suisse de foot, champion’s league, ski, tennis, tournoi interrégionales de tchoukball à Goumoens… Et rien! Pas un article! Carton Rouge serait-il en train de dépérir?

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