Didier Cuche vide son sac

C’était il y a une semaine dans un petit bar situé au centre ville de Neuchâtel. Trois rédacteurs de CartonRouge.ch y ont rencontré l’immense champion Didier Cuche pour un entretien exclusif, où le quintuple vainqueur sur la Streif est revenu sur la pire saison de l’histoire du ski suisse depuis 1967 avec son franc-parler et son humour bien à lui. Une interview sans langue de bois comme on les aime. Merci Didier !

Bonjour Didier, on se tutoie ?Bien sûr les gars, je vous paie même la première tournée avec plaisir ! (Didier commande alors trois chopes pour nous et un verre d’Ovomaltine chaud pour lui.)
Alors Didier, que penses-tu de la saison ratée des skieurs suisses ? 
Honteux ! Ça me donne envie de regarder le patinage artistique, le curling ou pire, un match de Neuchâtel Xamax en 2ème ligue inter. Il faudrait punir les skieurs pour cette misère, ce doigt d’honneur à la fierté du pays. Par exemple, les obliger à boire du lait d’âne tout l’été et les faire bosser aux remonte-pentes du Col des Mosses, tout en leur imposant un horaire de soldat nord-coréen. Ces athlètes sont chouchoutés depuis trop longtemps, il est temps de leur montrer que le cirque est désormais terminé. Ou alors, qu’ils changent de métier et se lancent comme GO au Club Med ! Mais faut pas qu’ils s’imaginent baiser tout ce qui bouge à Kemer. Parce qu’avec leur gueule de bon Suisse et leur teint hâlé d’une mère de laitier, ils ne risquent pas de lever les foules…
On te sent quelque peu remonté…
Y’a quand même de quoi, non ? A cause de cette bande de branquignoles, je n’ose même plus sortir de chez moi sans que l’on vienne me casser les couilles sur ces manches. «Eh Didier, t’as vu les résultats ? Ouais, je les ai vus, je veux même pas en parler. Je peux même te les donner d’avance les résultats, pas un Suisse sur le podium !» Et c’est pas comme si j’habitais dans un coin où on passe incognito, hein… Tenez, je suis même obligé de mettre ce costume de Tinky-Winky pour qu’on me foute la paix.

Faut avouer que ça te donne un certain style, le look Teletubbies…
C’est ça, foutez-vous de ma gueule. N’empêche que si nos brêles avaient au moins tenté de limiter le désastre au lieu de s’astiquer la nouille sur une 15e place, on en serait peut-être pas là.
Justement, tu avais rejoint l’encadrement de Swiss Ski afin de prodiguer tes précieux conseils aux coureurs. N’était-ce pas un pas dans la bonne direction ?
Vous êtes mignons… Vous avez déjà tenté d’enseigner la course à pied à un cul-de-jatte ou l’art visuel à des aveugles ? J’ai fait le maximum que je pouvais faire, et pour quel résultat ? Ma mère m’a toujours interdit de proférer des insultes en public : je vais donc m’abstenir, mais c’est pas l’envie qui manque. Consultant… quelle blague ç’a été. Disons que j’étais plutôt un sultan très con en l’occurrence. Ma foi, on ne fait pas boire des ânes qui n’ont pas soif. C’est comme si t’essayais d’apprendre à jouer au foot à Vincent Rüfli, le livret 1 à Balotelli ou l’algèbre à Ribéry… Franchement, c’est comme si tu me demandais de faire de Pierre-Alain Dupuis un bon commentateur sportif ! Le mec sait tout juste parler, il a la troisième vertebre qui grince depuis 20 ans et il est persuadé de tout savoir. C’est sans issue, autant apprendre à Mohammed Ali à danser !
Bon tout de même, il y a eu le changement de skis, l’équipe a peut-être eu de la peine à s’adpater, non ?
Bien sûr, maintenant c’est les skis, et demain ce sera la météo, la bouffe ou encore la faute aux journalistes qui leur mettent trop de pression ! On dirait Steve Loscher à l’époque ! Et les combinaisons, vous avez oublié les combinaisons ! Sérieux, regarde Janka. Le gars fait aujourd’hui 50 kilos, il a un coeur qui bat à 10 pulsations minute, a autant d’émotion qu’un goeland et on me parle des skis… Je les ai mis ces putains de ski, au sommet d’un schuss aux Diablerets. J’ai regardé Janka et je lui ai dit : «hé la brêle, je te mets une seconde sur 100 mètres ! Grands skis ou petits skis, je te mets la même danse qu’à l’époque, ici comme à Kitzbühel !» Je voulais créer un choc, le toucher dans son amour-propre. Bref, je suis parti sans baton ni casque, droit en bas. Le gars ne m’a même pas suivi, un charlot. Il est resté en haut de la piste à sangloter comme une pétasse de 16 ans qui a raté son BAC, mort de trouille le Carlo ! Et je ne te parle même pas de la fédération. Sérieux, quand t’as un président qui a tout juste gagné un loto au Japon dans sa carrière, faut pas t’attendre à plus…. Ça manque de leader à tous les étages, point final. 
Didier Défago avait d’ailleurs aussi considéré ton engagement de manière, disons, philosophique.
Ah, il peut bien la ramener, le Robert Smith du pauvre avec son sourire narquois et son menton coupé en deux par des skis. D’ailleurs, même le chirurgien des Bogdanoff n’est pas arrivé à leur faire un menton pareil… Lui, il a juste eu des petites victoires sporadiques acquises par accident, et Môsieur ose encore faire dans le sarcasme. (Il nous pointe du doigt et s’énerve) C’est simple : Défago skie aussi bien qu’un fer à repasser, et encore, je suis méchant avec le fer à repasser ! S’il compte un jour quitter le monde du ridicule, il va bien falloir que quelqu’un lui botte le cul car s’il persiste à se reposer que sur son «talent», on peut attendre jusqu’en 3924. Et moi je serai plus là ! Vous non plus d’ailleurs.
Pourtant avec Ovomaltine, ça ne va pas mieux, mais plus longtemps…
Bon les gars, on va se détendre. Vous savez ce que c’est de faire du ski ? Y’a pas un rond ! Et les sponsors sont aussi nombreux que pour une Coupe du monde de ping-pong ou le repas de soutien du FC Dompierre. Alors Ovomaltine, j’ai pas choisi d’avoir ça sur la gueule toute ma carrière. Mais faut quand même bien donner à bouffer à la famille. Et comme j’ai pas un permis de pelleteuse comme Paul Accola, j’ai pas de boulot l’été. Bon au vu de ce qu’il a fait, je me demande vraiment s’il avait ce permis…
Bon, revenons au ski suisse, on s’égard… La fédération suisse a récemment décidé d’élargir son cadre. Est-ce une bonne idée ?
Une idée absolument brillante. Comme ça, on aura bien plus de branleurs qui ne feront pas de meilleures résultats. En creusant de la sorte, on sera au moins certains d’atteindre le noyau terrestre avant la fin de l’année… Si j’avais un mouflet, honnêtement, je le dissuaderai de se mettre au ski. Il n’y a plus aucun avenir ici, pas de thune, plus de sponsors et l’hiver prochain il ne restera que 150 désespérés à regarder les courses devant leur télé. Tout est foutu… A choisir, je préfèrerais inscrire mon gosse à des cours de catéchisme qu’à l’école de ski. (Didier Cuche fixe le fond de son verre d’Ovomaltine avec un air absent). Hé, vous, là (il harangue soudainement une famille qui passe par là), n’inscrivez jamais, vous m’entendez, JAMAIS vos enfants au ski. Ne commettez pas cette erreur. (La famille presse le pas, Didier Cuche hurle) VOUS M’ENTENDEEEEEZ ?!?! JAMAAAAAAAAIIIIIIIS !!!! (Didier se lève et fracasse son verre d’Ovo par terre, les clients du bar sont médusés)

Calme-toi, Didier…
Me clamer ?!? Mais pourquoi me calmer ? Je porte une casquette Ovomaltine jour et nuit, je bois de l’Ovomaltine jour et nuit, je n’en peux plus de cette merde ! Je vomis ce breuvage de con qui n’est apprecié que par des familles d’Argoviens en vacances aux Portes du Soleil. J’ai envie de boire des biches comme tout le monde, merde !
Didier se relève et beugle à gorge déployée : «amenez-moi une chope et quatre shots de Jägermeister, et plus vite que ça bordel !» Un serveur tout paniqué lui amène une chope qu’il descend cul-sec. Didier nous tend les shots qu’on boit ensemble et crie à nouveau au pauvre serveur : «quatre autres shots, et sois plus rapide qu’un descendeur suisse en haut de la Streif, petit merdeux !»
Ça va mieux Didier ?
Oui, merci. Mais bon, faut me comprendre les gars ! Vous imaginez l’hiver que j’ai passé ? Je n’ai fait que répondre à des questions de journalistes aigris sur la situation du ski suisse. «Mais pourquoi si, mais pouquoi ça ?» Je n’en peux plus de faire des théories sur les crises de dépressif de Janka, les 87èmes places de Défago et les sorties de piste de Silvan Zurbriggen. En regardant les Suisses descendre la Streif cette année, j’avais l’impression de voir un troupeau de vaches lors de la Désalpe en Gruyère. J’ai pris ma retraite, foutez-moi la paix ! Pour tout vous dire, je suis à deux doigts de partir dans un kibboutz en Israël pour qu’on me laisse tranquille.
On comprend… Mais quelle est la solution alors ? Comment sortir le ski suisse de cette crise ?
Facile. Que chaque personne sur Terre achète 3 camions, qu’il roule le plus possible avec, en faisant au moins 4 aller-retours Genève-Moscou par semaine, histoire de faire exploser le bilan CO2 de la planète, d’accélérer le réchauffement climatique afin de ne plus avoir de neige du tout dans les Alpes. Comme ça, terminé le ski et on ne passera plus pour des cons. Génial non ? (Il esquisse un petit sourire diabolique)
Non, plus sérieusement…
Faire comme les Français dans d’autres sports : offrir des passeports suisses aux skieurs autrichiens, américains, allemands, français, italiens, espagnols, portugais, sénégalais, vietnamiens et j’en passe. Navré, je ne vois rien d’autre.
Merci beaucoup Didier !
De rien les gars… Et merde, tout ça m’a donné soif !
Didier pousse une gueulée d’anthologie : «la bouteille de Jägi, je veux finir au même niveau que les skieurs helvétiques : à terre !»

A propos Marco Reymond 470 Articles
Un p'tit shot ?

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11 Commentaires

  1. Pas mal, mais la dernière phrase sur Paul Accola, non, vous auriez du vous abstenir. Il est des sujets ou le 2ème degré n’a pas sa place.

  2. Excellent ! Et justement, la phrase sur Accola, c’est ça qui fait cartonrouge ! Du 2ème voire 3ème degré, toujours de l’humour, même si c’est noir !

  3. Non, non, et non!!!!!! Un enfant est décédé bande de c..s!!! Le 2ème degré n’a pas sa place partout et c’est en tous cas pas ca qui fait CR

  4. Alex (l’autre, pas le dernier), t’es mignon tout plein, mais laisse les grandes personnes venir ici et retourne regarder les Bisnounours s’il-te-plaît.

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