Duel de clandestinos : la Colombie l’emporte sur la Côte d’Ivoire

Vainqueurs du combat des miséreux, les virevoltants colombiens filent vers les huitièmes. Public chaleureux, célébrations de but chorégraphiées et jeu excitant, on se réjouit de les revoir.

1. Le résumé.Duel surexcité entre deux équipes qui croient jouer au futsal, ce match est usant jusqu’à l’heure de jeu. Peu d’action, beaucoup de tricot, pas assez de passes.
A partir de la soixantième minute, le match s’emballe, les joueurs semblent avoir reçu une dose de ce qu’ils produisent pour les uns et distribuent pour les autres.
Une dernière demi-heure de délire, 70’000 spectateurs qui vibrent, l’entrée de Drogba, le slalom de Gervinho et au final une victoire colombienne méritée, au bout de la folie.
2. L’homme du match.
Pierre Maudet. En prenant la décision de projeter le match sur écran géant dans la cour de la prison de Champ-Dollon, il offre un répit aux tiers des détenus, directement concerné par le duel Colombie-Côte d’Ivoire. En profitant des deux heures du match, il fait fouiller les cellules et saisir 450 téléphones portables et 3,5 kilos de cocaïne.
3. La buse du match.
La FIFA qui a refusé les propositions de sponsorings pour ce match de plusieurs consortiums : la CCC (coffee and cocaine exportation community), l’UITM (union internationale des tailleurs de machettes) et la MMCD (marine marchande spécialisée dans les conteneurs à double-fond). Petits joueurs.
4. Le tournant du match.
L’entrée de DJ Drogba, à la 60ème. Poitrail dressé, façon buffle dominant. Il fait un pas sur la pelouse et la foule l’acclame, triomphe romain ! Les deux index dressés vers le ciel pour remercier ses divinités (lesquelles ? Je ne sais pas et je m’en cogne). Il trottine, tour magnanime, laisse le temps au cadreur de multiplier les plans, aux photographes de s’habituer à la nouvelle lumière.  C’est Madonna qui arrive en plein concert de Zaz.
Le choc psychologique est total.
Septante secondes plus tard, Rodriguez crucifie la Côte d’Ivoire d’un magistral coup de casque, sous les yeux du Jésus d’Abidjan.
Action suivante : Drogba est fauché par un coup de vent à l’orée des seize colombiens et obtient un coup franc dangereux qu’il met dans le petit juif d’un défenseur jaune (et pas l’inverse). Sur le contre, Quintero double la mise.
Action suivante : Gervinho au triple galop dans la défense colombienne. Un croisement entre Marie Ingalls en perdition dans sa prairie et un flamand rose sous acide. Au cinq mètres : coup de canon. 2 à 1. 

5. Le geste technique du match.
L’audace de Sabri Lamouchi, coach de la Côte d’Ivoire, ancien international français, exclu des sélectionnés pour la Coupe du Monde 98 au dernier tri. En ayant les cojones de laisser le druide Drogba sur la touche pour la seconde partie consécutive et en l’envoyant sur la pelouse à l’heure de jeu, il transforme un match de futsal stérile en une fin de match hystérique, nouveau grand moment de la compétition.
6. Le geste pourri du match.
Guttierez, l’attaquant colombien qui gauffre complètement seul à trois mètres du but vide, à la 28ème minute. Sa famille, au pays, a été instantanément séquestrée dans une cave dans l’attente du score final.
7. Ce match m’a fait penser à…
Une campagne d’ONG contre la pauvreté et l’inégalité. La Colombie et la Côte d’Ivoire sont respectivement classés 92 et 168ème selon l’indice de développement humain de l’ONU. Ce qui fait de ce match l’opposition entre les deux peuples à la misère la plus extrême de la compétition. Les voir tricoter en justaucorps dans un stade à 390 millions d’euros, c’est tout l’ordre mondial qui est mis en scène. Pour le reste, il y a Mastercard, hein !
Tu penses bien que j’ai jeté un oeil à l’autre bout de l’échelle. Australie-Pays Bas, respectivement en seconde et quatrième position, était le duel des nantis de la compétition.
8. L’anecdote.
Serey Die en larmes durant l’hymne ivoirien affole le web, les tribunes et ses coéquipiers. Même si c’est surtout pour cela qu’il restera célèbre et malgré ce qu’on peut penser de ses qualités de footeux et des manifestations de nationalisme au moment des hymnes, l’émotion de ce jeune homme était sincère et touchante.
Mise à jour : un twittos annonce que Serey Die a perdu son père peu avant le début de la rencontre.
9. Le tweet à la con. Le moment où Serey Die se rend compte qu’il s’est fait arnaquer par son coiffeur. #COLCIV (Screen @saintmtex)
10. La rétrospective du prochain match.
En reproduisant leurs deux premiers matchs, la Colombie et la Côte d’Ivoire devraient avoir raison de la Grèce et du Japon et se qualifier ensemble pour les huitièmes de finale. Ils rencontreront les premier et second du groupe D, soit vraisemblablement l’Italie et l’Uruguay, ou le Costa Rica. Il risque donc d’y avoir un tout petit intérêt à bien négocier la place finale dans le groupe en vue du deuxième tour.

A propos Alan Maclero 23 Articles
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4 Commentaires

  1. Vraiment excellent !

    D’ailleurs, le niveau général de ces résumés de matchs est vraiment élevé, CR a retrouvé tout l’art de la dérision qui a fait sa réputation ! Top ! On s’réjouit de la suite ! (…et à plus court terme de cette grande soirée qui s’annonce avec l’Italie et la Suisse le même soir ! Miam ! )

  2. Bon article.
    Pour info, Serey Die n’a pas perdu son père avant le match. Il est mort en 2004, le joueur l’a affirmé sur ses comptes twitter et instagram

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