En live du tournoi des Six Nations !

Il y a une douzaine de jours, il m’a été donné la chance de vivre une expérience exceptionnelle et, en tant que lecteur habituel de CartonRouge.ch, j’ai eu envie de la partager avec vous. Je ne suis pas rédacteur alors d’avance je vous prie d’excuser mon style, si style il y a bien entendu ! Je suis un grand amateur de foot et de hockey, d’origine espagnole, suis socio du Real Madrid et fan du LHC (durant plusieurs années j’ai eu l’abonnement mais là j’ai un peu décroché vu la nouvelle structure du club, mais passons). Voilà pour les présentations, place au récit.

Nous avons décidé de partir entres potes assister à un match de rugby après avoir fait plusieurs fois Santiago Bernabéu pour le foot. Cette fois nous avons demandé au régional de l’étape, soit à Andrew, Irlandais pure souche, de nous organiser cette sortie et en deux temps trois mouvements tout était booké ; nous avons dû alors négocier avec nos épouses respectives un ticket de sortie pour le week-end… Accord conclu, nous sommes partis à 6 potes pour voir un certain Irlande – Pays de Galles lors du Tournoi des Six Nations. Andrew grand manitou de l’organisation, Greg et son frère «mon camion» (petit surnom qui lui a été donné lorsque la légèreté de son jeu au FC St-Sulpice faisait merveille….), Hugo fan du LS au point d’écouter LS – Sion sur son natel dans un pub de Dublin, Stéphane et moi dont la passion pour le sport nous réunit. Petite précision, mis à part notre organisateur, personne ne connaissait rien au rugby. On avait bien quelques notions de la célèbre 3ème mi-temps, savions que le ballon est ovale mais mis à part ça, absolument aucune connaissance du reste ! (Perso, je pensais au départ que vu qu’il n’y a pas de gardien et que le but est énorme, on allait être servi niveau goal…) Plus sérieusement, on voulait surtout voir un événement majeur d’un sport assez méconnu chez nous, dans une ville dont la passion pour ce sport n’est plus à démontrer et dans un stade qu’on nous avait décrit comme magnifique.

Départ vendredi 7 février depuis Cointrin à 10h30 sur un vol Air Lingus (ok ok, on l’a tous fait la bonne blague bien grasse qui rime avec le nom de la compagnie…). Dès les premières minutes, on a été dans l’ambiance rugby puisqu’une équipe de Français en goguette prenait également le vol pour assister au match. Les hôtesses ont bien rigolé quand nos voisins se sont mis torse nu durant le vol afin d’enfiler un t-shirt spécial qu’ils avaient conçu pour l’occasion.
Dans l’avion, on a été assez sages, une petite Cervoise pour se dégourdir le gosier mais rien de plus. Arrivée à Dublin, décalage horaire oblige, on était pile à l’heure de l’apéro et on commençait franchement tous à avoir envie d’une bonne pint. Afin de nous rendre à l’hôtel, on a décidé de prendre le bus et, comme je me targue de parler couramment l’anglais, j’ai décidé de prendre les billets au guichet mais là, ô surprise, je me suis rendu compte que je ne parlais pas la bonne langue ! En toute honnêteté, je n’ai rien pigé à ce que me disait le gars derrière le comptoir. J’ai d’abord cru qu’il me parlait en gaélique mais mon pote irlandais m’a signalé qu’il avait juste un accent irlandais…
On a donc posé nos affaires au Bewley’s Hotel Ballsbridge à 10 minutes à peine de Lansdowne Road, lieu mythique pour le rugby. Enfin quand je dis 10 minutes, c’est si on ne compte pas les arrêts dans les nombreux pubs qui jalonnent la route jusqu’au stade, sinon c’est plutôt 2-3 heures… J’ai osé une question à la con : «Dis Andrew, ça serait quoi la plus grosse provocation ? Se balader avec un maillot de l’équipe de France ou de l’Angleterre ?» «De l’Angleterre !» me répond-il du tac au tac. «Ouais je comprends Andrew, on efface pas 200 ans d’histoire et d’oppression comme ça.» «800 ans !» me dit-il sèchement. Ok, j’ai pigé, je vais me contenter de parler rugby et on va laisser histoire et politique de côté.

Après un énorme détour en taxi, nous avons posé nos fesses dans le plus vieux pub de Dublin, bâti en 1198 si je me souviens bien, mais j’avoue que ma mémoire me joue des tours depuis mon retour, certaines zones d’ombres subsistent. Après avoir bu bon nombre de pints de Guinness (what else !), on était chaud comme la braise et on est parti visiter la brasserie Guinness… Je vous passe les détails mais disons que je peux vous confirmer que nos reins fonctionnaient à merveille !

Petit souper sympa et départ pour la tournée des pubs en compagnie de Connor, ami d’Andrew qui a tenu à nous faire visiter et boire une pint dans TOUS les pubs de Temple Bar, le quartier humide de Dublin. Inutile de dire que l’ambiance était à la fête et les fans gallois arrivés en nombre pour assister au match du lendemain n’étaient pas en reste. L’ambiance était joyeuse, joviale même, sans animosité ni haine.
Pour un gars comme moi qui a assisté à bon nombre de Clásicos, une finale de Champions League et à un nombre incalculable de LHC – Gottéron ou LHC – Servette, ça a été une révélation. L’amour du sport dans toute sa splendeur, la joie partagée de se retrouver pour un match, chacun chantant pour ses couleurs en donnant l’accolade à l’autre, des bières (beaucoup de bière, mais alors beaucoup…) partagées entre supporters des Boys in Green et des Dragons gallois et nous au milieu à essayer de suivre le rythme des bestiaux locaux. Beaucoup de femmes aussi, mais pas toutes super fraiches… Comme a dit Stéphane, «putain les gars ce soir y’a du vintage niveau gonzesses !»

Cette ambiance était si belle, mais on avait encore rien vu. Un petit incident a failli gâcher le week-end : en me voyant me vautrer lamentablement la gueule sur un banc en granit (posé au milieu d’un trottoir quand même !), Hugo et Greg ont failli mourir d’une attaque cardiaque mais ils s’en sont remis. Heureusement, grâce à l’euphorie du moment ou à l’alcool m’ayant partiellement anesthésié, je n’ai pas trop souffert mais mon tibia a une méchante allure. Retour à l’hôtel vers 2h du matin et dernières 2-3 pints pour bien dormir, petit Jameson pour se caller et hop dodo.
10h samedi, jour de match. Dès le réveil nous constatons que la tension monte dans le hall de l’hôtel rempli de supporters gallois ayant déjà manifestement pris un petit déjeuner hydraulique plutôt que solide. Ça sent le match. Stéphane se présente dans le hall avec un t-shirt floqué du Nyon Rugby et un drapeau suisse ! Un de ses potes responsable du club de rugby de Nyon lui a demandé de faire une photo pour la postérité devant l’Aviva Stadium, alors on ne va pas le décevoir.

Toutefois, avant d’arriver au match, un petit déj’ s’impose et c’est parti pour le Full Irish Breakfast, rien de tel pour se faire un fond. On va humer l’ambiance autour du stade, on décide de s’équiper : drapeaux, écharpes et pour «mon camion» et le soussigné un maillot bien cintré de l’équipe d’Irlande. On fait les photos pour le Nyon Rugby tant qu’on est sobres devant ce stade fantastique, beau à couper le souffle. Si seulement l’architecte l’ayant dessiné pouvait proposer ses services à la Ville de Lausanne… (Bon, après le problème c’est de savoir où mettre ce stade, problématique lausannois-lausannoise…)
De là, départ pour un pub non loin du stade qui, à 11h30, est plein comme un œuf. On attaque sérieusement la Guinness. 12h45, le choc Liverpool – Arsenal est projeté à la télé et on se dit qu’on va mater la première mi-temps avant de partir au stade vers 13h30. Le pub est plein de Gallois et d’Irlandais qui rigolent ensemble et qui boivent dans la bonne humeur. Le pub est clairement pro-Liverpool. 20 minutes de folie pure nous attendent dans ce pub. Quelques pints aussi. 4-0 pour Liverpool : le pub tremble !
A la mi-temps du match le pub se vide pour partir au stade et les chants redoublent dans la rue. Nous y croisons des Gallois déguisés en poireaux (emblème du pays) avec des bonnets en forme de dragons sur la tête pour certains, ou alors déguisés en femmes et maquillés pour d’autres, on rigole bien. J’aime mon ami Andrew et l’Irlande, mais la palme des supporters les plus drôles revient de loin aux Gallois. Les mecs sont jetés !

Nous entrons dans le stade et prenons place juste derrière l’embut gallois (oui c’est comme ça que ça s’appelle) et, mieux encore, à quelques mètres à peine du bar servant de la Guinness à la pression. Seul bémol, la vendeuse de programmes vend aussi de la Carlsberg en bouteille PET : beurk mais compréhensible, on en boira quand même car ça nous évitera de faire la queue sans rien manquer du spectacle.
Les hymnes sont joués et un truc vous prend aux tripes (rien qu’en l’écrivant j’ai des frissons). D’abord les Gallois chantent, ça résonne bien. Et pourtant on n’a encore rien vu… Arrive le moment des hymnes irlandais, oui des hymnes car contrairement au foot il n’y a qu’une seule équipe d’Irlande qui réunit joueurs de la République d’Irlande et d’Irlande du Nord. Du coup, pour créer un esprit de corps, on a composé en plus de l’hymne national irlandais un hymne pour l’équipe avec les joueurs des deux Irlande.
Le premier hymne résonne : c’est magnifique, grandiose, hallucinant… Tout le stade est debout et chante, 51’000 spectateurs donnent de la voix. C’est fou mais on n’a encore rien entendu car à ma grande surprise, c’est le second hymne qui est chanté le plus fort, dont les paroles sont à peu près : Ireland, Ireland, together standing tall, shoulder to shoulder. L’émotion me gagne et voir mon ami Andrew chanter à pleins poumons avec tout le stade, ça m’a fait quelque chose. J’ai senti tout un peuple, divisé en deux politiquement, uni par une même identité irlandaise crier au monde entier qu’ils ne font qu’un, en ce sens le sport a une dimension tellement supérieure que ça en devient beau à chialer.

Le match commence. L’Irlande prend le jeu à son compte malgré le fait que les Gallois sont donnés favoris et dont les gabarits sont largement au-dessus. Surtout un arrière à la crinière blonde qui doit à peu près faire un mètre cube de muscles ! Les autres ne sont pas en reste. Survient la première pénalité et là je vais prendre un nouveau scud dans la gueule. Le joueur irlandais place son ballon pour tirer, prend son élan, un énorme shuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut retentit dans le stade et soudain le silence absolu. Pas le silence d’une minute de silence dans un match de foot en l’honneur d’un mec décédé avec toujours quelques abrutis qui continuent à siffler. Non, un silence absolument total afin de permettre au joueur de se concentrer. PAS UN BRUIT ! Je réalise tout à coup la différence fondamentale entre mon sport favori le foot et le rugby : LE RESPECT.
Le match continue et Andrew sort sa topette de whiskey Jameson, digne des LHC – Martigny de la grande époque de 1ère ligue. On s’en met une rasade devant l’œil amusé des stewards qui rigolent à côté de nous. Andrew leur en propose mais ils refusent, même si l’un d’entre eux nous avoue en avoir vraiment envie. A la fin de la première mi-temps l’Irlande mène 13-0 et le score final est de 26-3. Les supporters gallois quittent le stade la mine défaite, mais dignes ; aucun supporter irlandais ne les nargue.

Nous nous contentons de nous taper des accolades car nous sommes contents, mais jamais une moquerie envers l’adversaire. A nouveau je trouve ça exemplaire. Le samedi soir sera énorme car bien entendu Dublin et le quartier de Temple Bar sont en ébullition. La Guinness et le whiskey coulent à flot, nous buvons comme il se doit pour faire honneur au maillot vert que nous portons sur les épaules. Nous croisons beaucoup de Gallois qui trinquent au milieu des Irlandais en rigolant et en chantant. Seul bémol, l’ennemi intime, l’Angleterre, a laminé l’Ecosse et on sent bien que les Gallois et Irlandais auraient préféré le contraire.
Toute la nuit, nous continuerons à sillonner les pubs et à profiter de la musique irlandaise en live qui met une ambiance du tonnerre.
Le dimanche on repart comme en 40, Full Irish Breakfast, Guinness, Guinness, Guinness et re-Guinness, un peu de shopping pour ne pas rentrer les mains vides pour nos douces moitiés avant un tour à la Old Jameson Distillerie.
Le lundi nous reprenons l’avion tôt le matin, la gueule dans le guidon mais la tête remplie de belles images. Une expérience unique à renouveler, c’est certain !

Irlande – Pays de Galles 26-3 (13-0)

2ème journée du Tournoi des Six Nations 2014.
Aviva stadium de Dublin, 51’700 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Wayne Barnes.
1ère mi temps :
3-0 pénalité / Sexton (Irl)
6-0 pénalité / Sexton (Irl)
11-0 essai / Henry (Irl)
13-0 transformation / Sexton (Irl)
 
2ème mi temps :
16-0 pénalité / Sexton (Irl)
16-3 penalite / Halfpenny (PdG)
19-3 pénalité / Sexton (Irl)
24-3 essai / Paddy Jackson (Irl) 
26-3 tranformation / Paddy Jackson (Irl)

Écrit par Alberto Fernandez

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