Entrez et abandonnez toute espérance !

Le 1. FC Nürnberg n’y arrive décidément pas au Westfalenstadion où il n’a plus marqué le moindre but depuis 2006. Le match de samedi a confirmé la malédiction franconienne sur la pelouse du Borussia Dortmund lors d’une rencontre à sens unique où seul le brio du gardien Raphael Schäfer a ménagé un brin de suspense.

Aucun but inscrit au Westfalenstadion depuis 2006 et un bilan depuis l’arrivée de Jürgen Klopp à la tête du Borussia Dortmund de deux matchs nuls pour sept défaites sur un goal average de 3-19 : les chiffres ne parlaient pas vraiment en faveur du 1. FC Nürnberg avant son déplacement samedi sur la pelouse du Borussia Dortmund.

Records franconiens

L’année 2013 a été celle de tous les records en Franconie. C’est tout d’abord le Greuther Fürth qui est devenu le premier club à disputer une saison entière en Bundesliga sans remporter la moindre victoire à domicile. Sans doute jaloux de voir son petit voisin entrer dans l’Histoire de la meilleure ligue du monde, celle qui a squatté quatre des huit dernières places de finalistes de Ligue des Champions, laissant les cinquante et une autres ligues mineurs se partager les quatre autres, le 1. FC Nürnberg a immédiatement réagi. Et est lui aussi entré dans l’Histoire en devenant, à l’automne 2013, le premier club à terminer le premier tour sans remporter la moindre victoire en Bundesliga. Et voilà deux records en moins pour le mythique Tasmania Berlin, la pire équipe de l’histoire de la Buli, des amateurs propulsés dans l’élite en 1965 pour représenter la capitale fédérale qui avaient débuté la saison devant 81’500 spectateurs contre Karlsruhe pour la terminer bon derniers avec un goal average royal de 15-108 devant… 827 fidèles face à Mönchengladbach. Comme quoi, il y a encore plus forts que Christian Constantin et Sacha Weibel pour faire fuir un public… Pour conjurer le sort, l’entraîneur du 1. FC Nürnberg Gertjan Verbeeck, arrivé en octobre en remplacement de l’ex-entraîneur à succès Michael Wiesinger, a décidé de ne plus se raser jusqu’à ce que son équipe gagne enfin un match. Pari tenu : depuis le début du 2e tour, Nürnberg, emmené par un Josip Drmic en état de grâce, va beaucoup mieux et débarque même dans le Ruhrpott avec un flatteur troisième rang sur le deuxième tour. Et les joues de l’entraîneur Verbeeck sont donc à nouveau glabres. Si Laurent Roussey avait osé un tel pari, il aurait pu finir par postuler pour jouer Saroumane dans Le Seigneur des Anneaux.      

L’anecdote du jour

Avant le match, dans ma tournée des Biergarten, il y a toujours une étape avec mon fan’s club allemand, die Borussenstern, rien que des gens épatants, qui improvisent toujours un Biergarten sur le parking dans le coffre d’une voiture. La star du jour est mon pote Marvin qui a eu le droit à son article dans un journal local pour raconter comment il a dû sortir par une arrière-cave à Saint-Pétersbourg d’un pub assiégé par un troupeau de hooligans locaux venus casser du fan jaune et noir. Rétrospectivement, cela fait froid dans le dos. Evidemment, on boit de la Brinkhoff’s N°1, la bière officielle du Borussia Dortmund, vendue pour la modique somme de un euro. La firme dortmundoise a sorti une série limitée avec des bouteilles à l’effigie des localités du Pott : Bottrop, Recklinghausen, Castrop-Rauxel, Lünen, Witten, Schwerte, rien que des noms qui font rêver, avec une illustration pour chaque ville, la plupart du temps une usine, un puits de mine ou un haut fourneau… Lors d’un précédent match, j’avais ironisé en disant qu’il allait tout de même manquer une ville à la collection. Eh bien, non, ils ont osé : il y a des bouteilles de Brinkhoff’s du BVB à l’effigie de Gelsenkirchen ! Et il a fallu que la bouteille incriminée tombe sur un vieux moustachu, quarante ans de mur jaune à son actif, avec le traditionnel blouson en jean « Südtribüne » recouvert d’écussons anti-GE. Rien que voir sa tête et sa grimace horrifiée quand il a découvert sa bière, cela valait le déplacement, le pauvre n’a pas dû en dormir de la nuit. Et il est sans doute parti pour dix ans de quolibets.    

Alerte rouge

Ceci dit, si l’après-midi avait débuté sous les meilleurs auspices, il nous fallait une victoire pour conserver le sourire. Et ça démarre plutôt pas mal : le BVB joue bien, ça va vite, l’ambiance est superbe, il manque juste un peu de précision dans le dernier geste, à l’image des frappes non cadrées de Piszczek et Mkhitaryan. Ou du coup franc de Robert Lewandowsli à six mètres du but contré, à ma grande satisfaction. Si, si : la passe en retrait du latéral suisse Martin Angha, lequel est gentiment en train de se faire sa place en Bundesliga, ne semblait pas forcément volontaire et, contrairement à certains qui salivent et tirent une grande fierté de victoires acquises grâces à des erreurs d’arbitrage éhontées, je n’aime pas trop voir mon équipe gagner sur une décision contestable. Mes voisins Sarah et Karli peuvent en témoigner : avant ce coup-franc, j’ai dit « ich hoffe, wir treffen nicht über diese Freistoss ».  D’accord, mon fair-play a des limites : quand le BVB avait obtenu un pénalty généreux à la 90e du Derby 2008, je n’avais pas vraiment souhaité un échec et j’avais hurlé de joie quand Alex Frei l’avait converti. De fait, le Borussia ne connaîtra qu’une alerte de tout le match, mais quelle alerte avec un tir de Tomas Pekhart sur le poteau après un caviar servi par Josip Drmic.  

La muraille Schäfer

Non, le sous-titre qui précède n’indique pas que le présent paragraphe relate une pathétique tentative de drague infructueuse auprès d’une charmante curleuse helvétique dans une disco davosienne, c’est moins glamour.  Si le BVB n’a pas pris plus tôt les devants, c’est aussi qu’il s’est heurté à un gardien d’exception, Raphael Schäfer, auteur de plusieurs parades décisives devant Lewandowski, Mkhitaryan ou Aubameyang. Révélé en 2007 lors de la victoire de Nürnberg en DFB-Pokal, le capitaine emblématique du 1. FCN avait tenté sa chance à Stuttgart. Cela n’avait pas marché pour lui en Souabe, pris en grippe par des fans qui ne lui ont jamais pardonné son attitude lors de la finale de Coupe Nürnberg – Stuttgart. Il est revenu à Nürnberg où il est une légende vivante et, à 35 ans, n’a jamais paru aussi fort. C’est peut-être le gardien qui a rapporté le plus de points à son équipe cette saison en Buli, comme la semaine passée contre Braunschweig où il sort deux pénaltys pour permettre aux Bavarois de remporter un succès capital 2-1 à 10 contre 11. Si Manuel Neuer est indiscutable dans les buts de la Nationalmannschaft, Jögi Löw cherche des numéros 2 et 3 pour aller au Brésil : Adler et Zieler, qui occupaient ces postes il y a une année, connaissent une saison difficile, Weidenfeller, qui semble tenir désormais la corde si l’on juge la sélection du prochain Allemagne – Chili, connaît son championnat le plus difficile depuis quatre ans alors que ter Stegen est toujours passé au travers avec l’équipe nationale et n’a pas marqué des points ce week-end. Quant à la jeune garde, Leno, Baumann ou Trapp, elle alterne le bon et le moins bon. Alors pourquoi pas le vétéran Schäfer au Brésil ? La question a son importance : en 2010, le titulaire Adler s’était blessé jusqu’avant la Coupe du Monde, ce qui avait amené l’intronisation de Neuer, finalement préféré à… Tim Wiese.

Enfin !

Si en 1ère mi-temps, Raphael Schäfer était un peu seul contre onze Dortmundois, en deuxième il doit en plus affronter les 25’000 furieux du Gelbe Wand dans son dos. C’était trop : le portier franconien sauve devant Lewandowski mais Mats Hummels a bien suivi pour libérer le peuple jaune et noir. On espère que cette fois-ci, après une tentative avortée à Braunschweig, le défenseur central dortmundois est bien de retour, surtout que son compère Sokratis Papastathopoulos est sorti blessé, la blessure n°47 au BVB cette saison pour plus de quatre ans d’absences cumulées ! On peut se demander si une telle avalanche est juste la faute à pas de chance ou si l’on doit y voir une corrélation avec le jeu physiquement très exigeant prôné par Jürgen Klopp. Toujours est-il qu’il restait assez de forces vives au Borussia pour donner un peu d’ampleur et de panache à sa victoire. Henrikh Mkhitaryan trouve Robert Lewandowski pour le 2-0 et comme Lewa semble à nouveau concerné par unser BVB, je mets fin à près d’une année de boycott de crier le nom du joueur polonais après un but. Le score sera scellé à 3-0 par une action toute en finesse entre Jonas Hofmann et Henrikh Mkhitaryan, le futur protégé de Bernard Challandes. Entre le Neuchâtelois et Jürgen Klopp, l’Arménien ne devrait pas être trop dépaysé niveau relations harmonieuses avec le corps arbitral.

Un monde parfait

C’était Karneval ce week-end en Allemagne. Comme avec la fête de la bière, chaque ville essaie d’organiser son carnaval mais cela ne prend pas vraiment à Dortmund. Chacun son truc. Laissons l’Oktoberfest à Münich, Karneval à Köln et le football à Dortmund. Cela ne nous a pas empêché de fêter dignement cette victoire avec des Welsches qui ont, je crois, laissé une assez forte impression dans notre bon vieux Lütge Eck (n’est-ce pas, Lionel ?). Mes amis suisses-allemands eux ont des gouts musicaux plutôt étranges : « Un Monde parfait » d’Ilona Mitrecey dans la voiture nous amenant dans la Ruhr vendredi soir, c’était pénible, surtout que tu sais que la ritournelle va te trotter tout le week-end dans la tête. Mais finalement, la chanson décrit assez bien notre état d’esprit après une belle victoire contre le club jumelé avec Schalke 04 (les amis de nos ennemis sont nos ennemis) qui permet de surcroît de récupérer la deuxième place du classement : Un crocodile, quelques fleurs, une abeille. Et ce soir je m’endors au pays des merveilles…  

Borussia Dortmund – 1. FC Nürnberg 3-0 (0-0)

Signal Iduna Park, 80’645 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Dingert.
Buts : 51e Hummels (1-0), 64e Lewandowski (2-0), 83e Mkhitaryan (3-0).
Dortmund : Weidenfeller ; Piszczek, Papastathopoulos (36e M. Friedrich), Hummels, Schmelzer; Kehl, Sahin; Aubameyang (71e Hofmann), Mkhitaryan (85e Jojic), Grosskreutz; Lewandowski.
Nürnberg : Schäfer; Angha, Petrak, Pinola (36e Pogatetz), Plattenhardt; Frantz (78e Stark); Drmic, Feulner (61e Campana), Kiyotake, Hlousek; Pekhart.
Cartons jaunes : 45e Feulner, 57e Pogatetz.
Notes : Dortmund sans Reus (suspendu), Subotic, Blaszczykowski, Bender ni Gündogan (blessés), Nürnberg privé de Nilsson (suspendu), Ginczek, Chandler, Hasebe et Marcos Antonio (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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