Etre blasé est-il un signe de progression ?

L’équipe de Suisse a bouclé sa campagne comme on boucle une journée à l’usine en attendant 17h58 pour calculer les deux minutes que prend le déplacement jusqu’à la machine à badger. La qualification maintenant acquise, il reste à faire le bilan sur une campagne plate mais réussie si l’on accepte l’idée que seul compte d’être présent à l’Euro sans espérer y faire grand-chose. Même si les six mois qui nous séparent du tournoi nous permettent d’envisager l’éventualité d’une métamorphose extraordinaire.

Jetons tout d’abord un coup d’oeil furtif sur ces deux derniers matches (puisque c’est quand même de cela qu’il s’agit) : une victoire très large contre une des nations les plus faibles du monde grâce, notamment, à une cascade de penaltys et une victoire à l’arrachée sur un auto-goal. Dit comme ça, c’est certes un peu dur mais, en même temps, on le résumerait de cette façon s’il s’agissait d’une autre équipe que la nôtre. Sur le plan comptable c’est excellent, les victoires en matches officiels font grimper l’indice FIFA, qui permet de grappiller de meilleures places dans les tirages au sort et donnent une certaine aura. Sur le plan du jeu c’est une autre histoire. 

Soyons clairs. Oui, on s’en fout royalement de gagner en ne jouant pas comme le Barça, la question n’est pas d’avoir l’ambition de devenir un modèle esthétique européen (de toute façon avec une défense Djourou – Schär, ce ne sera jamais le cas). Mais gagner «avec la manière» rassure quand on pense à un potentiel avenir contre d’autres équipes légèrement plus menaçantes que l’Estonie ou Saint-Marin. Et sur cette campagne, difficile de se montrer extrêmement confiant dans un avenir immédiat. Ne serait-ce que par la situation générale des joueurs dans leur carrière individuelle, eux qui ont, pour la plupart, régressé soit en allant jouer dans des clubs moyens soit en accumulant les mauvaises prestations dans leurs équipes. Les deux matches contre l’Angleterre étaient, à ce sujet, tout à fait emblématiques. Comment espérer un quart de finale en phase finale comme le clament les dirigeants de l’ASF ?

Ceux-ci justement n’offrent pas non plus une image très rassurante lorsqu’on assiste aux discours très (très, très, très, très) retenus quant à Petkovic, l’homme dont on a l’impression que tout le monde veut se débarrasser maintenant que Lulu Favre est libre. Pour un peu, on se demande si un ratage lors de ces qualifs n’aurait pas fait plaisir à certains. Il ne se dégage pas un sentiment de grande solidarité au sein de la fédération. Alors que Hitzfeld se faisait qualifier de «Gott» quand la Suisse gagnait mais que les défaites n’incriminaient quasiment que les joueurs eux-mêmes, le pauvre Vladimir ne semble être digne d’aucun crédit pour son travail. Et, déjà, on sent que les pontes de l’ASF sauteront sur l’occasion si les matchs de préparation devaient ne pas se dérouler comme il faut (c’est-à-dire s’ils se déroulent exactement comme à l’époque de Hitzfeld). Un peu comme quand des types accoudés au bar observent du coin de l’oeil avec patience le groupe d’étudiantes à la table d’à côté en train de commander leur quatrième tournée de shots Malibu-caramel.

Sans doute que la qualification était simplement essentielle. Se retrouver dans le 50% de nations européennes qui ne participeront pas à cet Euro à 24 aurait clairement été un échec bien honteux et encore davantage destructeur pour l’avenir. Mais tout de même, à part quelques petites satisfactions (l’apport de Embolo et Moubandje, la chance d’avoir trois gardiens efficaces, des petits éclairs lorsque l’équipe décide de vraiment s’y mettre), on constate surtout une désastreuse incapacité offensive, des lacune défensives angoissantes et un manque de créativité général qui faciliteront sans doute grandement les analyses d’avant-match des futurs adversaires.

Quant à l’illusion d’avoir une équipe interchangeable avec une multiplicité de solutions, elle cache surtout le fait que la Nati manque de leaders et que des Inler ou Behrami ne sont plus aptes à mener cette équipe ailleurs que du car au vestiaire (bon, il paraît que pour Seferovic c’est utile).

Alors certes, voilà un constat bien négatif pour commenter une cinquième qualification en douze ans, mais peut-être n’est-ce pas une mauvaise chose d’espérer un jour pouvoir se permettre d’être exigeant, ne serait-ce qu’un peu. C’est encore plus flagrant avec les progrès réalisés par des équipes comme l’Islande ou le Pays de Galles car on ne pourra, peut-être, bientôt plus se cacher derrière des «on n’est pas le Brésil, on ne sera jamais l’Allemagne» etc. On va, bien sûr, se réjouir de l’Euro en France et se dire que, contrairement à Sepp et Michel qui ne se le sont manifestement pas assez dit, on ne sait pas de quoi demain sera fait.

A propos Robin Chessex 70 Articles
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4 Commentaires

  1. Très bon article effectivement.

    Et Embolo est vraiment bon. Il faudra aller taper tout en haut pour trouver un grand club européen où il aura la possibilité de faire du banc et de se brûler les ailes!

  2. Bon article ,oui
    8ème qualification sur 12 depuis 1994(pour rappel celle d’avant datait de 1966).
    Bravo la Suisse!Extra
    Sans se faire éliminer du mondial 2006 sans avoir encaisser de but et foirer les penaltys,
    La Suisse aurait probablement actuellement une autre dimension et une autre dynamique si elle etait passée en quart à l’époque(voire mieux)
    On ne refait pas le passé,réjouissons nous de cet Euro français,qui pourrait accoucher d’une grosse surprise…et si cette surprise se nommait la Nati? 🙂 rêvons,soyons exigeants ! Le football peut aussi avoir son heure de gloire pour notre pays…

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