Etre Ecossais…

Ce n’est même pas une question de se sentir fâché ou humilié : hier nous avons pris connaissance de la dimension d’être des Ecossais éternellement. Déçu par notre petitesse et désespéré par la grandeur du grand frère. Parmi les chandelles et les étoiles qui défilaient devant mes yeux après un coup d’enclume pris dans le crâne, il m’est revenu ce monologue d’Ewan McGregor dans Trainspotting «It’s shite being scottish» que j adorerais citer dans son intégralité et qui représente bien un état d’esprit de lendemain matin, appliqué à la Suisse du foot. Le cinéma tiens, c’est pas mal comme activité en fait…

1. Le résumé.Une équipe en feu qui marque presque à chaque fois qu’elle tire au but contre une équipe flippée et pleine de diarrhée sans ses shorts, on sait ce que cela peut donner.
Imaginez une heure et demi de spectacle des frères Bugnon sauf qu’il n’y aurait pas les polis spectateurs sur le plateau de la RTS qui, quand les deux humoristes nous ravissent de leur sketch, font la même tête que celle qu’on ferait lors de notre première rencontre avec nos beaux parents qui seraient habillés en nazi et masturberaient leur chien pendant le souper.
Aucun résumé de ce match ne pourra éviter les termes «naïveté», «déconfiture», «panpan-cucul»…
2. L’homme du match.
Olivier Di Lello qui avait perçu le pouvoir de ce stade où trois équipes européennes se sont désormais prises des roustes.
3. La buse du match.
Aujourd’hui, on aurait tendance à dire nous-mêmes parce qu’on a encore réussi l’exploit de croire à une remontée miracle. On se sent bien buse.
4. Le tournant du match.
Bien sûr on aurait tendance à parler du coup de pied de Giroud dans la tronche à Von Bergen. Le patron de la défense qui sort en sang au tout début du match et l’attaquant qui ne prend même pas le moindre bout de carton c’est un peu dur à encaisser. Mais le tournant ce n’est pas exactement ça. C’est plutôt l’édifiante passivité de l’équipe à mettre un minimum la pression sur l’arbitre. Seul Djourou est venu se plaindre puis s’enquérir de Von Bergen. Personne n’était là pour se battre. Ils étaient tous comme dans la salle d’attente d’un cabinet de test HIV après un mois de partouzes à Malte.
5. Le geste technique du match.
L’arrêt de Benaglio sur le penalty, le tournant du match ! (Oui je vous ai bien dit qu’on se sentait buse quand on se refait le film de nos pensées).

6. Le geste pourri du match.
Le 6-2 pas accordé à Benzema. Au moins qu’on n’ait pas l’impression d’inspirer de la pitié. Enfin, oui, bien sûr qu’on inspire de la pitié et pas mal de moquerie. Et pour le coup, on est bien d’accord d’en prendre parce qu’on ne l’a pas volé.
7. Ce match m’a fait penser à…
…au référentiel qu’il créera. Lors de la Coupe du Monde en Australie en 2026, quand la plupart d’entre nous n’auront plus de cheveux et un ventre gras, on écrira encore des articles sur CartonRouge.ch (sur la chaîne CartonRouge TV). Lorsque la Suisse perdra en huitième contre la Chine 3-1, on écrira : «Ce match m’a fait penser à… l’humiliation du 20 juin 2014, mon Dieu quelle sale époque ! Je suis bien content d’avoir une moustache et plus d’érection après tout ce temps qui a passé. Bon je vais manger des pilules pour le souper et prendre ma voiture volante.»
8. L’anecdote.
En rentrant chez lui après le match, un pote s’est fait cambrioler. Il y a des soirs qu’on n’oubliera sans doute jamais. Heureusement, il ne travaille pas dans la restauration ou l’horlogerie, ça aurait fait un peu beaucoup.
9. Le tweet à la con.
Je ne regarde pas Twitter mais j’imagine bien les photomontages avec des barquettes de serrés aux fruits. Pas besoin de s’infliger ça en plus.
10. La retrospective du prochain match.
Après ce coup de pied salvateur dans les fesses, la Suisse change de visage et atteint la finale. Merci les gars, c’est magique. Mais malheureusement se bercer de ce genre d’illusion doublera la douleur mercredi. La réalité c’est que cette grosse lattée va sans doute enterrer le moral et la confiance de la Nati et que cela risque de finir en réelle illustration de l’expression «boire le calice jusqu’à la lie». Non, la réaction ne viendra pas dans l’immédiat, il faudra attendre. Mais la réalité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. L’Espagne l’a découvert et les Français s’en caressent les tétons à présent, ressortis tels des Phoenix de leur humiliation il y a quatre ans. Donc demain est un autre jour et ça nous pouvons en être absolument certains.
Car ce qu’il y a de bien avec les Ecossais, c’est qu’ils sont drôles, qu’ils ont des jolies montagnes et qu’ils arrivent à devenir philosophes. Ce qu’il y a de bien avec les Ecossais, c’est qu’ils gardent la tête haute et savent qu’être petits peut aussi être une force. Ce qu’il y a de bien avec les Ecossais, c’est qu’ils savent qu’ils l’auront un de ces jours, leur revanche.
It’s SHITE being Scottish !
We’re the lowest of the low.
The scum of the fucking Earth!
The most wretched, miserable, servile, pathetic trash that was ever shat into civilization. Some hate the English. I don’t. They’re just wankers.
We, on the other hand, are COLONIZED by wankers.
Can’t even find a decent culture to be colonized BY.
We’re ruled by effete assholes.
It’s a SHITE state of affairs to be in, Tommy, and ALL the fresh air in the world won’t make any fucking difference !
Trainspotting, Danny Boyle, 1996.