Fribourg – Berne 21 ans après : l’Histoire a-t-elle son importance ?

Mon plus beau et intense souvenir en tant que fan de hockey sur glace fut sans aucun doute le titre vécu lors du match V de la finale de 1992 à St-Léonard, sautant sur la glace quelques secondes après la sirène finale pour célébrer l’apothéose avec les joueurs du SCB. Le gant de Gil Montandon, recueilli à ce moment, prend encore de la poussière sur une commode chez moi, sorte de relique commémorant ce moment sacré.

Le passé

La série au meilleur des cinq matchs – à laquelle j’ai eu la chance d’y assister dans son intégralité – avait été superbe. Le duel entre un Berne mené par «Rexi» Ruotsolainen, le petit défenseur génial finlandais au patinage magique, entouré d’une équipe rapide, puissante et talentueuse (Howald, Haworth, Montandon, Triulzi, Vrabec, Tosio, Lala, S. Leuenberger) contre le Gottéron construit autour des légendaires numéros 90 et 91, Bykov et Khomutov. Ces derniers avaient été magistraux lors du match IV un jeudi soir de début avril, empêchant à eux seuls Berne de devenir champion à la maison par le score de 0-3, sauvant ainsi une deuxième balle de match consécutive et ramenant la série à la maison. Cependant, lors de l’acte V décisif, la troupe de Bill Gilligan, qui n’avait perdu aucun match en play-off avant la finale et qui avait été championne deux des trois années précédentes, passait l’épaule de manière méritée 4 à 1, un but inoubliable de Howald en contre scellant pour l’éternité le sacre du plus beau SCB de l’Histoire.

Jamais, en ce soir du samedi 11 avril 1992, je ne croyais qu’il faudrait attendre 21 ans pour revoir une finale Fribourg – Berne. Qui aurait cru également que Gottéron, 21 ans plus tard, ne serait encore jamais devenu champion suisse ? Car si la déception des Fribourgeois devait être immense ce soir-là, ils savaient qu’ils avaient été vaincus par plus forts qu’eux et devaient se dire que leur tour viendrait. En fait, c’est lors des finales des années suivantes, en 1993 et surtout en 1994, que les Dragons étaient véritablement supérieurs à leur adversaire (hormis au poste clé de gardien de but). Contre Kloten, le titre n’aurait jamais dû échapper à l’équipe du duo le plus redoutable qu’on ait jamais vu sur nos patinoires (en 1992, 50 points en play-off à eux deux !).

Le présent

Si Fribourg possède comme en 1992 l’avantage de la glace, la situation à l’amorce de cette finale 2013 est cependant toute différente. Gottéron est l’équipe la plus forte et dès lors favorite, même s’ils feront tout pour le nier, au vu non seulement du classement de la saison régulière, mais également du déroulement des play-off. D’abord, les gars de Kossmann ont été en constante progression tout au long de la saison, ne misant pas comme Berne sur les joueurs de NHL durant le lockout, et souffrant dès lors beaucoup moins que le SCB depuis le début de l’année, qui, après le départ de Streit, Josi et surtout l’incroyable Tavares, n’a plus été la même équipe. Mais surtout, Gottéron possède une force de frappe offensive que Berne n’a pas, avec particulièrement la rapidité et la complicité du duo Sprunger-Bykov. Enfin, ils tiennent également l’avantage dans deux domaines souvent déterminants au niveau des séries, soit le meilleur power-play et le gardien le plus en forme.
Berne, quant à lui, a paru très inégal durant les play-off, souffrant il est vrai d’un nombre invraisemblable de blessures ces dernières semaines tant au niveau de la défense (Furrer, Hänni, Höhener, Kreis, Jobin) que des étrangers (Roche à 60% de ses capacités, Sykora à 20% et Bednar out). Le fond a probablement été touché lors de la défaite 0-4 du match V à Berne, lorsque les Bernois ont paru totalement incapables de réagir à l’ouverture du score contre des Zougois médiocres, s’étiolant véritablement durant la deuxième partie de match. Mais même si l’équipe de la capitale actuelle n’a rien à voir avec la grande dynastie des années 90, ils ont été capables de trouver les ressources et de la chance pour renverser la situation, grâce notamment à la profondeur de leur effectif et une volonté remarquable.

A ce titre, les Bernois ont un atout non négligeable à leur actif : ils sont des miraculés après avoir été menés 1-3 contre Genève et 2-3 contre Zoug ; surtout au vu des deux poteaux de Servette et des trois duels gagnés par Bührer contre un attaquant genevois qui arrivait seul à des moments où un but aurait signifié l’élimination. De même, lors des deux matchs éliminatoires contre Zoug, ils ont été menés au score et ont toujours trouvé la force pour réagir. Il en résulte que, pour la première fois depuis la victoire surprise contre Lugano en 1989, ils entament une finale libérés et sans pression, et sont de ce fait extrêmement dangereux pour un Fribourg qui devra en plus gérer, au fur et à mesure que la finale avance, la pression de n’avoir jamais gagné un titre.
Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les éternels refrains de la presse romande : 
1) la fatigue ne jouera aucun rôle ;
2) le derby des Zähringen sera physique et intense, mais correct car les deux équipes se connaissent et se respectent, ce qui ne nous empêchera pas d’entendre le mythe du méchant bûcheron bernois défensif contre le gentil artiste romand offensif véhiculé depuis toujours par de nombreux journalistes romands. D’ailleurs, outre le duel fratricide entre Benny et Martin Plüss, le nombre de joueurs «croisés» est remarquablement élevé (Gamache, Dubé, Kwiatkowski, Kossmann, Scherwey, Neuenschwander et Bertschy) ;
3) ce ne sont pas les arbitres qui vont faire la différence. Ces derniers n’avantagent pas Berne plus qu’une autre équipe (voir le but décisif de la finale 2012).

Le futur

L’Histoire a son importance. Cependant, dans les moments difficiles de la finale, les joueurs du SCB ne penseront pas à la série de 1992. Non, les Bernois puiseront des forces dans le souvenir de leurs nombreux moments de survie, notamment le but de Ritchie en prolongations (match V contre GSHC), le pénalty victorieux de Rubin (match VI), le but de Plüss en prolongations (match I contre Zoug), le tir dévié de Roche en prolongations (match III), le backhand miraculeux venu de nulle part de Neuenschwander (match VI) et la reprise phénoménale de Rüthemann, synonyme de finale (match VII).

Mais quelle chance unique pour le fils Andrei d’exorciser les démons qui hantent son père Slava en réussissant avec Sprunger là où les mythiques 90 et 91, multiples champions olympiques et champions du monde, avaient échoué. Gottéron a toutes les cartes en mains pour écrire une nouvelle page dans le livre d’Histoire du hockey suisse, vaincre l’Ours et ramener enfin le Graal sacré à Fribourg. A eux de saisir leur chance et de forcer le destin. Car, comme l’Histoire le montre, on ne sait jamais quand une pareille occasion va se reproduire. Dans ce cadre, la série promet donc d’être serrée et passionnante, et quoi qu’il advienne, elle donnera un beau champion.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Andy Tschander

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8 Commentaires

  1. J’étais avec toi à ce match inoubliable et je partage tes souvenirs avec nostalgie! Je ferais juste les remarques suivantes:
    – Gilligan alignait systématiquement Rexi Ruotsalainen face au bloc de Bykov et Khomutov! Les deux joueurs russes pouvaient bien avoir mis 50 points en play off cette annee-là, jamais, je dis bien jamais, ils n’ont marqué contre Bern et le défenseur finlandais à 5 contre 5! Le génial no 29 bernois, dont on disait qu’il patinait aussi vite en arrière qu’en avant, a donc éteint les deux tsars de Gottéron! C’est lui le plus grand joueur qui n’ait jamais patiné en Suisse, avec en plus deux coupes Stanley avec les Oilers de Gretzky!
    – pour ce qui est du meilleur SCB de tous les temps, c’est plutôt l’équipe de 1990-1991 avec une finale contre le grande Lugano qui reste probablement à ce jour comme la meilleure finale de l’histoire des play offs!

  2. Je me rappelle aussi de cette finale ! Malgré la déception de ne pas avoir gagné le titre, les supporters de Fribourg et de Berne s’étaient mêlés sur la glace dans une ambiance bon enfant. Fribourg était sur les rotules et Berne avait entièrement mérité son titre. Chose qui serait difficilement concenvable de nos jours malheureusement !
    Mais c’était superbe

  3. Superbe article, bravo et merci à Andy Tschander! A part ça, Rexi manque à tout le monde. La classe mondiale! Et si le SCB redevenait champion cette année, ses joueurs et son coach auraient du mérite: à Berne, ces vingt-cinq dernières, il y a eu une douzaine d’équipes bien meilleures que celle-là.

  4. Merci Andy pour ce retour dans un passé pas si lointain.
    Ou quand l’objectivité et le sérieux s’invite a la table de CR…
    En journalisme sportif, il doit y avoir aussi des LNA et LNB…
    Dommage qu’ils ne disputent pas de Playout, car certains pensionnaires de LNB mériteraient d’officier à vie en 4ème ligue.
    Chose certaine, un + sera champion de Suisse.
    Que la bataille soit belle…

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