La coupe jusqu’à la lie

A déguster sans modération, notre Nati ? Eh bien hier le match Suisse – Lettonie avait le goût de bouchon. Nos Helvètes ne se sont jamais remis des deux buts encaissés en début de partie et sortent finalement par la petite porte de ces JO de Sotchi.

Douche froide

C’est la douche froide. Non pas parce que la Suisse avait une chance probable de médailles dans ce tournoi. Mais un choc aujourd’hui aurait été une occasion unique de se confronter à LA nation du hockey au monde : le Canada (plus de téléspectateurs canadiens pour le match féminin Canada – USA que d’Américains pour le match hommes USA – Russie !) sur la plus grande scène mondiale. Malheureusement, au troisième tiers-temps, quand on l’attendait, le push final helvète n’est jamais vraiment venu.

C’est une lapalissade de dire que notre équipe nationale a été décevante dans la phase offensive. Tant au niveau de la création des occasions que de la concrétisation de celles-ci. C’est sans doute ce qui la différencie de toutes les grandes équipes. Il y a encore du boulot. Lors de mon interview en direct hier soir par la plus grande chaîne de radio anglophone de Montréal en tant que spécialiste de hockey suisse, j’avais rappelé que si les Suisses ont produit des excellents gardiens et défenseurs en NHL, il manque encore des «top-6 forwards» (attaquant d’une des deux premières lignes) pour faire la différence. Niederreiter est en bonne voie ; malheureusement Brunner est en méforme, Bärtschi a de la peine à percer, Moser et Andrighetto ne sont pas loin. Nous avions deux titulaires en NHL en 2010, 9 en 2014, espérons que la courbe continue pour 2018.
Dans un match piège contre une Lettonie qui n’était pas à sous-estimer, le début de match était capital. Or, après une prometteuse entame de rencontre, le 0-1 sur le premier tir letton et le 0-2 en power-play – avec un Hiller pas à son avantage – ont mis la Suisse KO pour un moment. Par la suite, cette dernière a produit son pire hockey depuis longtemps. Cependant, une réaction attendue est venue au deuxième tiers, Ambühl mettant le rythme et Plüss pouvant finalement réduire le score. La domination fut totale en fin de tiers, et l’égalisation frôlée lors d’un poteau sur un tir de Diaz…
Hélas, on connaît la fin de l’histoire. Quelle frustration : le puck qui roulait sur cette mauvaise glace, des arbitres qui semblent ne pas connaître le concept de l’obstruction et des Lettons regroupés en défense, pratiquant sans gêne l’art du lob et du dégagement interdit, n’ont pas facilité la tâche. Mais en définitive, il manquait, de manière un peu inexplicable, de la grinta à nos gars, contrairement aux joueurs baltes extrêmement bien préparés par Ted Nolan.

Ce qu’il faut savoir

Cependant, ce sont sans doute les mêmes qui criaient sur les toits que la Nati était la deuxième équipe au monde après les CM 2013 qui aujourd’hui vont conclure de ce seul match que cette formation est une catastrophe totale (ah ces joueurs de NHL, fallait plus de Romands, blablabla), ce qui n’est clairement pas le cas. On en a de toute façon l’habitude dans une presse romande qui encense chaque année la formation romande en forme (voir Fribourg l’année passée) pour ensuite, lors de la défaite, leur tirer dessus à boulets rouges. Au fond, il s’agissait essentiellement des mêmes joueurs qu’à Stockholm, donc c’est un peu fort de café de tout remettre en question sur un match décevant et de faire passer à la trappe les moments de domination lors des matchs contre la Suède et la Tchéquie.

Non, autant l’écart entre la Suisse et les plus grandes nations du monde s’est réduit mais reste important, autant cette génération d’Helvètes est bien la plus forte de tous les temps. Comme dans la vie, il ne faut pas trop s’extasier lors des victoires ou se morfondre lors des défaites. Il faut avoir aussi l’humilité de savoir que tout se joue à très peu de choses. Si Suri avait égalisé lors de son immense occasion à la 58e, le scénario aurait peut-être été tout différent.
Sur un seul match, il arrive très souvent que le petit puisse mettre en difficulté le grand. Aucun adversaire n’est facile dans le tournoi olympique. Et les Suisses ne sont pas les seuls à avoir des difficultés offensives (même si c’est le cas le plus extrême) contre des équipes repliées en défense : les Russes contre les Slovaques, les Canadiens contre les Norvégiens, ou les Suédois contre… les Lettons. Il faut rappeler que ce n’est que grâce à des buts en power-play et un ou deux immenses arrêts de Lundqvist que la Suède les avait difficilement battus 5-3.
On oubliera aussi trop vite qu’à Vancouver, considéré comme un tournoi réussi, la Suisse n’avait pas mieux joué en huitièmes de finale et avait gagné uniquement à la loterie des tirs au but contre une Biélorussie bien moins forte.  Elle n’avait pas réussi à battre la Norvège en temps règlementaire non plus. Donc il faut peut-être aussi relativiser cet échec, même si la déception est énorme.

Le sprint final

Pour tout passionné de hockey, il faut maintenant ouvrir les prochaines bouteilles, les meilleures. Et là on pourra déguster sans modération, car le tournoi commence véritablement aujourd’hui. Le Russie – Finlande de ce jour s’annonce en particulier fantastique. C’est le moment clé pour la Sbornaja qui a laborieusement passé le cap de la Norvège. La mayonnaise va-t-elle prendre et pourra-t-elle enfin jouer en équipe ou va-t-elle sortir lamentablement du tournoi ? En effet, elle qui avait donné des leçons inoubliables de jeu collectif lors de l’ère soviétique, semble pour l’instant n’être qu’une somme d’individualités.

Ces prochains jours, ce sont les matchs pour lesquels un hockeyeur s’entraîne toute sa vie, surmonte des blessures et effectue d’énormes sacrifices. Où il faut tout donner. Où chaque geste est amplifié. Où jamais il n’a été si difficile de marquer. Et où la différence entre gloire éternelle et regrets qu’on ne pourra jamais vraiment effacer est infime. Et tout ceci, avec les meilleurs virtuoses de la planète réunis aux JO pour seulement la cinquième fois de l’histoire.
Nasdrovia.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Suisse – Lettonie 1-3 (0-2 0-0 1-0)

Palais de glace Bolchoï, 7912 spectateurs.
Arbitres : MM. Leggo et Ronn (USA/FIN)
Buts : 9e Bartulis 0-1. 12e Darzins (5c4) 0-2. 36e Plüss 1-2. 59e Darzins (but vide) 1-3.
Pénalités : 2 x 2’ contre la Suisse ; 1 x 2’ contre la Lettonie.
Suisse: Hiller; Diaz, Streit; Seger, Vauclair; Weber, Josi; Niederreiter, M.Plüss, Moser; Brunner, Ambühl, Wick; Romy, Cunti, Bodenmann; Suri, Trachsler, Bieber; Gardner.
Lettonie: Masalskis; Bartulis, Kulda; Rekis, Ozolins; Sotnieks, Pujacs; Daugavins, Girgensons, Karsums; Sprukts, Darzins, M.Redlihs; Cipulis, Pavlovs, Kenins; Jass, Vasiljevs, Indrasis.
Notes : La Suisse sans Hollenstein (blessé), ni Stephan, ni von Gunten (surnuméraires). Berra est gardien remplaçant.

Écrit par Andy Tschander

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5 Commentaires

  1. Franchement, ce tournoi Olympique est d’un niveau très décevant. Les joueurs et les coachs ont beau dire que la qualité de jeu est très élevée, moi je reste clairement sur ma fin.

    Canada, Russie, Suisse, USA : Ces trois équipes sont clairement mes cibles, les joueurs typés NHL sont clairement venus en vacances à Sochi. Pas de vitesse de patinage, de passe éclair, pas de mouvement de génie et de vraie démonstration. Les matchs sont lents et franchement pénibles à suivre, on dirait que personne n’est motivé. Ou sont passés les Kane, Ovechkin, Crosby, Niedereitter, Malkin ? D’une tristesse je vous dit…

    Heureusement que la Suède remonte le niveau et nous expose toute sa classe collective ! Je suis un grand fan de hockey et j’en rate pas une miète depuis des années, mais alors sur ces JO, je dois vraiment me forcer, quel ennui !

  2. « Cependant, ce sont sans doute les mêmes qui criaient sur les toits que la Nati était la deuxième équipe au monde après les CM 2013 qui aujourd’hui vont conclure de ce seul match que cette formation est une catastrophe totale »
    « Sur un seul match, il arrive très souvent que le petit puisse mettre en difficulté le grand »

    C’est bien de le rappeler. Ça relativise l’ardeur de ceux qui n’hésitaient pas à parler de « Nouvel Ordre Mondial » après le seul match contre la Tchéquie, gagné avec de la réussite (avec 3 poteaux des Tchèques, le terme parait justifié).

  3. Un peu déçu quand même. Brunner était pas seulement en méforme, il était carrément à la rue, mais c’est une défaite d’équipe, il faut faire avec. Les CM en mai seront un bon test pour voir où en est réellement notre Nati.

    Je suis pas tout à fait d’accord avec toi Nestea, je trouve que les USA sont plus forts qu’il y a 4ans, j’en fais d’ailleurs mes favoris.

    Je verrai bien une finale Suède-USA avec une victoire des américains.

  4. @Nestea

    Le tournoi commence auj alors c’est un peu trop tôt pour parler d’ennui.

    La Russie – USA c’était un tout grand match, de même que Russie-Finlande de ce jour.

    Et un truc qui est sur, c’est que personne et venu en vacances.

    C’est marrant pour moi la Suède est une équipe défensive et ennuyeuse.

    On n’est pas d’accord sur grand chose 😉

  5. Cet article est criant de vérité. Je ne comprendrai jamais les gens qui se font dessus quand la Suisse fait 2ème des Mondiaux et qui rabaissent la même équipe plus bas que terre aujourd’hui. Sur le match d’hier, c’est vrai, la Suisse n’a pas très bien joué. Mais cette équipe ira loin tout de même, avec des joueurs incroyables. C’est une défaite cette année, mais ce n’est que partie remise pour la prochaine fois

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