La Patrouille des Glaciers comme si vous y étiez !

La légendaire Patrouille des Glaciers soufflera sa 30ème bougie la semaine prochaine. A l’occasion de ce jubilé, l’équipe composée des Vaudois Vincent Hubschmid et Julien Moix ainsi que du Gruyérien Patrick Mauron fera vivre aux lecteurs de CartonRouge.ch cette course hors du commun de l’intérieur, via un reportage à découvrir quelques jours après leur arrivée à Verbier. Vincent et Julien, deux de nos envoyés spéciaux de choc, répondent à nos questions avant le grand jour !

Fondée en 1943 par l’Armée suisse, la Patrouille des Glaciers est probablement l’un des événements sportifs les plus mythiques organisés sur notre sol, à égalité avec la Fête fédérale de Lutte et un poil devant le Lauberhorn de Wengen. Mythique parce qu’elle est forcément unique, sans égal, chargée d’histoire, de drames et d’anecdotes en tous genres. Pour la petite histoire, son origine remonte à l’occupation des frontières lors de la deuxième guerre mondiale. En cette année d’anniversaire, les participants n’ont jamais manifesté un tel intérêt pour cette course de ski-alpinisme organisée tous les deux ans et dont le budget avoisine les 8 millions de francs. Ainsi, après d’intenses semaines de planification, les organisateurs ont décidé de permettre le départ à 400 patrouilles supplémentaires pour un total de 1800 patrouilles à trois, ce qui constituera évidemment un record. Des athlètes de près de 30 pays y seront représentés, même si 85% des participants sont suisses (et souvent des militaires).
Cette course de 53 km entre Zermatt et Verbier qui passe notamment par le Nord de la Tête Blanche (3’650 m) et La Rosablanche (3’160 m) présente un dénivelé total de 3’994 mètres en montée et de 4’090 en descente. De quoi faire souffrir les organismes ! Le passage qui fait peur à tout le monde est la longue ascension de Zermatt à Tête Blanche : balayée par le vent et des températures extrêmes pouvant friser les moins 40 degrés (!), cette terrible montée est la bête noire des participants. Le record a été réalisé en 2010 par nos compatriotes Martin Anthamatten, Florent Troillet et Yannick Ecoeur avec un temps «canon» de 5 heures et 52 minutes.

Parmi les 1800 patrouilles, il y aura donc un trio pas comme les autres, celui composé de Vincent Hubschmid, Julien Moix et Patrick Mauron, fidèles lecteurs de notre site qui ont accepté de nous ramener un reportage exclusif au cœur de cette course d’anthologie. Les émotions risquent d’être au rendez-vous pour nos trois acolytes qui participeront à leur première grande Patrouille des Glaciers (Vincent et Julien ont déjà effectué la petite patrouille à deux reprises, Patrick à une). Entre peur et excitation, ils nous livrent leurs impressions à une semaine du grand départ.

Interview

CartonRouge.ch : Vincent, Julien, dans quel état d’esprit êtes-vous à une semaine de l’événement ?
Vincent Hubschmid : Les entraînements sont maintenant derrière nous. Il ne reste plus qu’à prier ! Relativement confiant, même si la médiatisation grandissante remet une petite dose de pression. Et du fait que nous faisons le grand parcours pour la première fois, il y a une part d’inconnue sur la gestion de l’effort et les difficultés que l’on va rencontrer.
Julien Moix : Beau nerveux… et à moins d’un bon verre de rouge, ce n’est pas facile de se détendre.
On imagine que vous avez dû faire de longues séances de préparation et d’entraînements physiques avant cette course extrême… Pouvez-vous en dire plus à nos lecteurs ?
Julien : C’est peut-être là que le bât blesse… On n’a pas vraiment «bouffé du dénivelé» comme on aurait dû de le faire et on est loin de la catégorie «collant-pipettes». Forcément, quand des types comme Vince se permettent d’interrompre l’entraînement pour aller regarder Stan à la TV d’une auberge de montagne, ou pour être à l’heure au Hallenstadion pour soutenir le LHC, ce n’est pas évident (rire). Plus sérieusement, on a quand même fait pas mal d’entraînements à l’air pur. On a essayé d’y aller le plus souvent possible, soit presque une fois par semaine en moyenne. Y a des samedis matins où le réveille sonne à 4 heures et où tu te demandes ce que tu fais là… Mais une fois au sommet avec le lever de soleil, des potes et une bonne couche de neige fraîche, tu oublies le reste…
Vincent : Personnellement, je trouve qu’il est trop facile de finir cette course avec de l’entraînement. J’ai donc décidé de réaliser le parcours non-préparé (rire). Sans déconner, en termes de dénivelé pur, on arrive à 30’000 – 40’000 mètres, loin derrière les pros qui tournent à 200’000 m par saison. On a donc 6 à 7 fois moins de «déniv» dans les jambes mais heureusement, le même rapport ne se retrouve pas au chrono ! En addition à cela, on a fait de la course à pieds, du vélo, du badminton et du ski de fond.
Je vous sais très bons vivants… Du coup la raclette entre potes, la bière à l’apéro et le Jägermeister au Bamee Bar, ça a été mis entre parenthèses pendant un moment, non ?
Julien : Je ne compte pas les fois où Patrick ou Vincent sont arrivés encore émoustillés de leur soirée de la veille, donc je ne pense pas. Et puis la «peau», c’est comme le foot, la troisième mi-temps reste très importante.
Vincent : Pour moi, il suffisait juste d’éviter le Bamee et la préparation était à coup sûr réussie (sourire). Chose qui a été réalisée dans les grandes lignes ! Mais il est vrai que ça demande une certaine discipline. Je te raconte pas le nombre de fois où tu te fais insulter parce que tu refuses le verre de l’apéro !

Vous êtes-vous fixé un objectif pour cette première grande Patrouille des Glaciers ?
Julien : Oui, un objectif de taille : la finir ! Comme dirait Christian Constantin pour justifier son temps catastrophique de 2010, vu qu’on ne va pas la faire souvent, autant profiter un maximum du parcours.
Vincent : Comme l’a dit Julien, l’objectif pour notre humble équipe est de finir la course. En termes de chrono, on espère réaliser entre 11 à 15 heures de course. Temps qui dépendra beaucoup des conditions météo et de la neige. Surtout si, sur les secteurs de basses altitudes comme Verbier et Arolla, nous devrons porter les skis dans le dos dû au manque de neige, au lieu de se laisser descendre tranquillement sur les skis. Mais le but ultime est d’être à l’heure à Verbier pour l’apéro. Chose réalisable…
Ne faut-il pas être un peu fou pour se lancer dans une course pareille ?
Julien : On s’est fait avoir ! Quand tu prends le départ de la petite patrouille depuis Arolla et que tu vois les types arriver de Zermatt, tu as forcément un peu honte et tu te dis : la prochaine fois on part depuis Zermatt. Mais une fois que tu montes la Rosablanche, tu te fais une raison et conviens que la «petite» c’est déjà pas mal. C’est le scénario qui s’est produit lors de la dernière édition, à la différence près qu’on a été stoppé avant les fameuses marches de la Rosablanche (ndlr : la course 2012 a été interrompue en raison des risques d’avalanche) et on est resté sur l’envie de partir de Zermatt. Mais oui, il faut être un peu débile, surtout quand tu n’as pas forcément un fond de sportif (la ligue romande de foot, ça compte ?). Tu viens d’être papa, t’es assis derrière un ordi toute la journée et tu habites en plaine… C’est moins évident que d’être facteur à Vissoie, prof de sport à Sembrancher ou bucheron à Isérables.
Vincent : Oui, d’ailleurs on aime le répéter : «après ça, on arrête les conneries !»
Qu’est-ce qui vous fait le plus peur à quelques jours de cette course ? Une fringale ? La météo ? Une chute ?
Vincent : Il y a tellement de petits paramètres à prendre en compte, que ce soit au niveau du matériel, des dernières heures précédant la course (gestion du sommeil et de l’alimentation) que tu as toujours peur d’oublier quelque chose ou de faire faux. Me concernant, la gestion de l’alimentation sera capitale. Et elle commence bien avant le départ de la course. Avoir les bonnes réserves d’énergie tout au long de la Patrouille est une science très complexe. Elle permet d’éviter les coups de mou ! Et on n’est jamais à l’abri d’une défaillance du matériel, ni du coéquipier (rire).
Julien : Tout me fait peur, mais surtout le petit truc qui va merder ou que t’as oublié qui va te pourrir la vie pendant 14 heures… Et aussi la descente à ski encordé et de nuit, avec la fatigue, je ne me réjouis pas.
Cette Patrouille des Glaciers, est-ce le plus gros défi physique de votre vie ?
Julien : Certainement, à mettre peut-être à égalité avec une semaine au camping du Paléo, un séjour à l’Oktoberfest ou une école de recrue à Isone… Je te redirai ça dans l’article.
Vincent : Oui clairement, si on excepte un soir de liesse au Bamee Bar… Il est certain que vu la durée de l’effort et les conditions externes (froid, altitude, nuit, manque de sommeil), cela représente un défi hors norme.
Le départ est fixé à 22h30 à Zermatt… Comment se prépare-t-on à partir en fin de soirée ?
Vincent : On ne le prépare pas, on le subit ! On va à l’église de Zermatt brûler deux cierges quelques heures avant le départ comme tout bon patrouilleur… c’est d’ailleurs un passage obligé. Pour dire je ne sais pas encore comment je vais faire. Nuit blanche complète ou grosse noce le soir d’avant au bar de l’Hôtel Post à Zermatt histoire de se réveiller quelques heures avant le départ ! Mais il n’est jamais évident de déjeuner à 21h…
Julien : Ce sera une première expérience, mais a priori je préfère partir en fin de soirée que de devoir mettre mon réveil à 1h du mat un dimanche pour me rendre à une course, comme on a pu le faire cette saison.

Ne trouvez-vous pas que cette course mythique n’est pas assez médiatisée ?
Julien : Oui et non. Oui car c’est une course magnifique et qu’elle le mérite. Mais finalement non, car la beauté de ce sport est aussi de se retrouver seul dans des paysages vierges, alors être 5400 avec des banderoles Swisscom et Raiffeisen, ça casse un peu le charme. Un avantage de la médiatisation, c’est que ça permet à tes connaissances d’enfin comprendre et s’intéresser à ton sport. Avant la période qui approche la PDG, si tu leur dis que le week-end dernier tu as fait «Les Gast», «La Maya», «Les Faverges» ou «Le Muveran», ils te regardent avec de grands yeux. Mais quand tu dis «La Patrouille», tout le monde sait de quoi tu parles.
Vincent : Oui, elle manque clairement de publicité. Il est acquis qu’il s’agit d’un sport très spécifique que peu de gens connaissent, mais par son histoire, ses paysages grandioses au milieu des «4000» et l’intensité de l’effort qu’elle représente, elle mériterait d’être plus médiatisée. Si c’était une compétition sur sol américain, on l’aurait déjà en live sur un canal payant depuis 10 ans !
Après la course, vous avez prévu d’arroser ça comme il se doit ?
Julien : C’est clair, d’ailleurs je nous visualise déjà sur une terrasse avec une grosse chope de panach’ ou plus tard Vincent se faire vider du Pub Mont-Fort, comme à son habitude (rire).   
Vincent : Il ne parle pas de panach’ pour rien…une bière et il s’écroule ! (Il se marre) La table est déjà réservée au Farm ! Serafino si tu m’entends…
Un grand merci les gars et excellente Patrouille, on se réjouit de vous lire !
Photos copyright Patrouille des Glaciers www.pdg.ch

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4 Commentaires

  1. Bravo à CR de parler de cette course mythique, disputée dans le plus beau canton du monde !

    Plein succès à cette équipe sympathique et d’avance un bel apéro à Verbier, vous l’aurez bien mérité !

  2. une chope de panach’ en Valais….
    comme pénitence pour ce pécher tu boiras une 7/10 de Fendant à ton arrivée et rien d’autre….apres le premier verre, tu en redemanderas.

    bonne chance !

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