ISLANDE : L’année des bleus ?

En 2016, après Leicester et le LS, l’Islande sera-t-elle la troisième équipe qui joue en bleu à gagner un trophée qui ne lui était pas promis au début de la compétition ?

Un pays pas beaucoup plus peuplé que Lausanne et sa banlieue participe à un Euro pour la première fois de son histoire en laissant les Pays-Bas à la maison ; cela mérite que l’on s’y attarde quelques instants, non ?

1. Pourquoi j’ai choisi de présenter cette équipe.

Franchement, c’était l’Islande ou rien. Depuis de nombreuses années, je me fais un devoir de ne plus m’intéresser aux compétitions entre des équipes nationales : supporter des matchs qui, au niveau tactique, sont proches de ceux de la Challenge League ; entendre mon voisin ou mon collègue, qui n’est jamais entré dans un stade de sa vie, faire semblant de s’intéresser à la manifestation; tolérer des soi-disant supporters qui, en manque de sens à leur existence, pourrissent la vie des habitants des villes suisses en faisant un maximum de bruit juste après un immonde 0-0 de leur équipe favorite ; observer des politiciens locaux qui croient toujours qu’offrir du pain et des jeux et laisser les abrutis brailler et klaxonner garantit une relative paix sociale ; finalement, humer une vieille odeur nauséabonde de nationalisme entretenue par des « journalistes » sportifs toujours prêts à vendre leur mère pour faire une bonne audience ou un bon tirage ne restaure pas ma foi en l’humanité. Je ne vous parle même pas de la FIFA, de l’UEFA et du futur salaire de Xhaka, hein ?

Heureusement, je survis en dévorant le dernier ouvrage de Nabilla, en me repassant tous les épisodes des Anges de la télé réalité et en nourrissant mes oreilles des œuvres de Maître Gims. En effet, vous l’avez compris, on ne va pas vers le beau.

Alors, me direz-vous, pourquoi écrire sur cet Euro et, en particulier sur l’Islande ? D’abord parce que Carton Rouge, à l’agonie ces derniers mois, mérite, au moins, le chant du cygne.  Et puis, parfois, le football offre une action collective ou un geste technique qui peut me donner autant de sensations qu’une petite minute sur Pornhub (oui, je peux être rapide). Pourquoi l’Islande ? Un pays que j’ai visité deux fois et qui m’a bouleversé. Cerise sur le gâteau, comme expérience de vie vide de sens, que puis-je faire de mieux que de regarder Islande-Hongrie le 18 juin et d’en faire un compte rendu ? Regarder Islande-Autriche le 22 juin et en faire un compte rendu ? Merci qui ? Merci Carton Rouge !

2. Comment se sont-ils qualifiés?

Les joueurs islandais se sont déjà qualifiés pour cette compétition au mois de septembre 2015, dans un groupe où la Suisse aurait probablement occupé l’avant-dernière place. Se qualifier pour la première fois de son histoire pour une phase finale d’une compétition internationale avec comme adversaires principaux les Pays-Bas, la République tchèque et la Turquie, c’est swag, comme le braillerait l’écrivaine Nabilla.

Et fait, la qualification de l’Islande, comme les spécialistes ès football de la RTS, on la sentait venir depuis un moment. Les M21 ont participé à l’Euro en 2011 et l’équipe première a échoué sur le fil face à la Croatie dans un barrage pour la coupe du Monde au Brésil. Il était temps que l’Islande participe à la grande partouze footballistique européenne même sans Benzema et Ribéry.

Cette qualification, c’est surtout la victoire de l’intelligence collective : il y a une vingtaine d’années, les Islandais ont décidé qu’il faudrait pouvoir s’entraîner toute l’année pour améliorer le niveau général du football de leur pays ; pas facile quand tu vis sur une île où la végétation a de la peine à se faire de la place entre les glaciers, les volcans et les champs de lave; presque impossible alors qu’au mois de juillet, il est normal qu’il y fasse aussi beau et chaud qu’une journée de janvier sur le plateau suisse sous le stratus et avec une bise qui rend Maria Mettral toute chose. Mais, rien n’est impossible au pays des elfes islandais : la construction de dizaines de terrains synthétiques couverts dans tout le pays, la formation de centaines d’entraîneurs à l’étranger pour obtenir une licence UEFA, le choix d’un sélectionneur national expérimenté et des joueurs professionnels qui évoluent aux quatre coins de l’Europe sont les principaux ingrédients de la recette du succès islandais.

3. Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée?

Danemark 92 et Grèce 04. Tout est possible, même Kevin Keegan le dit.

4. Présente nous la star de l’équipe.

Eiður Smári Guðjohnsen, 37 ans, fils d’Arnòr et père de Sveinn Aron ont tous les trois été sélectionnés dans une équipe nationale d’Islande. Eiður Smári est le footballeur islandais dont on a entendu le plus parlé ces vingt dernières années : il a notamment fait les beaux jours de Chelsea et a même gagné une ligue des champions avec Barcelone. Aujourd’hui, cet attaquant de soutien est évidemment en fin de carrière et ne devrait pas marquer l’Euro de son empreinte ;  mais, pour l’histoire du football islandais et pour l’équipe actuelle, sa présence est nécessaire et rassurante.

5. Quel est le joueur qui va nous émerveiller?

Lors des Swiss Football Awards version islandaise, Gylfi Þór Sigurðsson est désigné meilleur joueur islandais depuis 2012 ; c’est donc le milieu de Swansea qui devrait permettre aux consultants football de la RTS de s’extasier sur un joueur islandais entre les pubs des multinationales de la malbouffe. En ce qui me concerne, je le confirme : après avoir passé des heures à regarder des vidéos de chats et des matchs de football avec des joueurs islandais sur YouTube, nous allons être émerveillés. Ou pas.

6. Quel est le joueur qui va nous faire rire ou pleurer, peut-être même pleurer de rire?

On ne rit pas lorsqu’un pays qui a moins de la moitié de la population du canton de Vaud se qualifie pour la phase finale d’un Euro. N’est-ce pas les Hollandais, les Danois ou les Bulgares ?

7. C’est quoi leur philosophie de jeu?

Il y a quelques années de cela, face aux bonnes équipes européennes, le but était de tenir le 0-0, peu importe comment. Pour les adversaires des Islandais qui ont joué à Reykjavik dans l’enfer du stade Laugardalsvöllur (capacité 9’800 places) un soir glacial de novembre, il n’a jamais été vraiment plus simple d’y gagner qu’à Belgrade, Athènes ou Istanbul. Si dans ces villes, la folie populaire peut mettre la pression sur l’adversaire, à Reykjavik, c’est le vent, la neige, le grésil, la pluie et l’état de la « pelouse » qui donnent un avantage aux rugueux nordiques.

Dorénavant, même si l’enfer de Reykjavik reste une réalité, tous les matchs doivent être gagnés selon le sélectionneur actuel. Les énormes progrès techniques et tactiques de ces vingt dernières années permettent aux Islandais de tenir tête aux meilleures équipes du continent grâce à une organisation rigoureuse, des contres rapides et des tirs de loin.

Vous l’aurez compris, si le système de jeu de Barcelone vous fait rêver, n’allumez pas la télévision quand l’Islande sera à l’affiche de cet Euro. Par contre, les amateurs du kick and rush d’un club inconnu de deuxième division écossaise pourraient bien prendre leur pied. Comme leurs banques avant la crise de 2008, vous pourrez compter sur les joueurs islandais pour ne pas calculer…

8. On parle du foot islandais, mais il ressemble à quoi le championnat d’Islande?

Contrairement à mes collègues de Carton Rouge, je n’ai pas seulement passé 10 minutes sur Wikipedia pour écrire cette présentation. Je suis allé sur place, dans le nouveau pays du football, l’Islande !

Toi qui n’as jamais mis les pieds sur cette terre piétinée par 800’000 moutons, tu ne peux pas comprendre. En fait, tu en es capable si tu as déjà joué ou assisté à un match de 2ème ligue inter sous une pluie glaçante de décembre sur ou autour d’un terrain défoncé par 22 abrutis et 3 arbitres qui courent après une balle alors qu’ils pourraient regarder The Voice Kids à la télé en se grattant les couilles.

Aucune des douze équipes du championnat d’Islande de première division n’est professionnelle ; un match de la Pepsi-deild karla sur un terrain synthétique couvert ou sur un champ de lave aménagé attire à peine plus de 1’000 spectateurs en moyenne.

La plupart des clubs viennent de Reykjavik ou de sa banlieue (généralement c’est toujours eux qui gagnent le championnat et qui se font éliminer au premier tour qualificatif de l’Europa League). C’est bien normal étant donné qu’on y trouve plus de 200’000 habitants sur les 330’000 que compte le pays.

Notons encore que, selon les années, il peut y avoir des déplacements épiques : ceux qui ont eu le bonheur de rouler sur les routes islandaises savent de quoi je parle. Si une équipe d’Akureyri, la deuxième ville d’Islande avec ses 18’000 habitants, des fjords de l’Ouest ou de l’Est évolue en première division, je vous promets que les joueurs qui effectuent le périple depuis Reykjavik pourraient trouver le voyage du Lausanne Sport à Lugano plutôt court et surtout très confortable. Parfois, les équipes doivent même emprunter la mer ou les airs pour jouer leurs matchs ; les rencontres dans les îles Vestmann, par exemple, doivent être un must, surtout lorsque gronde la tempête ; souvent.

Dès lors, vous comprendrez pourquoi le footballeur islandais qui souhaite devenir professionnel s’exporte et n’a peur de rien.

9. Mais au fait, c’est qui la personnalité islandaise la plus célèbre dans le monde?

A priori Björk, non ? Mais quand on fouille un peu, on peut citer, Halldór Laxness, prix Nobel de littérature en 1955 ; dans le même domaine, l’écrivain de romans policiers Arnaldur Indridason voire même l’auteur de BD trash Hugleikur Dagsson ne sont pas des inconnus. En musique, mise à part la folle merveilleuse, les Sigur Ros et plus récemment Olafur Arnalds (en concert cet été au Montreux Jazz dans un de ses nombreux projets intitulé Kiasmos) doivent rappeler quelque chose à ceux qui n’écoutent pas que Maître Gims. Au cinéma et à la télévision, le réalisateur et producteur Baltasar Kormákur s’est fait un nom à Hollywood et en réalisant la série TV Trapped. En politique, les « Panama Papers » ont mis Sigmundur David Gunnlaugsson sur le devant de la scène : cet ancien premier ministre a dû démissionner suite à la pression de la rue. Finalement, une mention particulière à Jon Gnarr, l’ancien maire de la capitale : musicien punk, humoriste et acteur, le Coluche islandais est élu en 2009 sous l’étiquette du « Meilleur Parti » après la plus grande crise économique de l’histoire récente de l’Islande. Il participe régulièrement à la Gay Pride de sa ville déguisé en drag-queen. Evidemment.

10. Fais-nous rêver avec l’Islande, mais dans un autre sport…

Je ne vais pas vous faire rêver mais plutôt peur. L’Islande est le pays qui a remporté le plus de championnats de « l’homme le plus fort du monde ». S’ajoute à cela la passion de nombreux Islandais pour une forme de lutte traditionnelle qui daterait des Vikings, la Glima. Si j’étais Portugais, je n’irais donc pas klaxonner ou faire des burns dans les rues de Reykjavik après une éventuelle victoire de Cri-Cri et ses ami(e)s lors du derby de la morue qui aura lieu le 14 juin prochain à Saint-Etienne.

11. Au fait ça mange et ça boit quoi des Islandais ?

Un burger de baleine et du requin faisandé avec une Gull (la bière la plus populaire d’Islande) en entrée ; de la tête de mouton et des patates en plat principal (de la morue pour ceux qui préfèrent le poisson ou un hot-dog si une tête entière d’un animal mort sur votre table vous pose problème) arrosés d’une ou plusieurs Viking (une autre bière très populaire) ; un pot de Skyr sucré pour le dessert. Ce délicat festin s’achèvera avec un café et de la Brennivin, une eau de vie de pomme de terre, surnommée la mort noire pour faire descendre le tout… Bon appétit, bien-sûr !

12. T’as quelque chose à rajouter?

Après l’Euro ou, mieux, pendant celui-ci, va, pars et parcours l’Islande. Je ne suis pas sûr que tu souhaites revenir un jour.

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1 Commentaire

  1. Pas de commentaire sur le foot !
    Un collègue qui n’est pas entré dans un stade depuis le siècle dernier (à une époque où les stades n’étaient pas gangrénés par des centres commerciaux).
    Promis, je ne klaxonnerai pas (j’avoue qu’après Suisse-Albanie, y avait pas d’quoi).

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