Le coach de Bundesliga est Vaudois !

On connaît la chanson en Allemagne : « Super Bayern, super Bayern,… ». Sur les dix dernières éditions du championnat attractif de Bundesliga, les Bavarois l’ont ramenée six fois ! Autant dire que la tâche des écuries dites moyennes est ardue depuis bien trop longtemps. Malgré une nette domination lors de l’ensemble de la saison à peine achevée, certains groupes de génies du ballon rond sont quand même parvenus à bousculer la hiérarchie sur la seconde partie de championnat. C’est pourquoi on va passer l’équipe de Lucien Favre à la loupe.

Le tout juste nommé meilleur entraîneur de Bundesliga par le magazine Kicker semble avoir fait un sérieux pas en avant cette saison. Et comment ! Les Poulains de Lucien sont directement qualifiés pour la prochaine C1. Une première pour le club dans l’ère moderne du foot. Du coup, le modeste Borussia Mönchengladbach a pris une toute autre envergure depuis l’arrivée du Vaudois en février 2011. Retour sur le parcours d’un sacré bonhomme et de son club…

Borussia Mönchengladbach, vraiment en deux mots

« Mönchengladbach », ça sonne clairement moins bien que « Barcelone » ou « Manchester ». Mais au fond, on est quand même tenté d’essayer cette fameuse équipe sur FIFA 15, parce qu’il faut bien le dire, Lulu Favre est un peu un salvateur chez eux et bon sang… ce type est suisse ! Au fil des années, il y a créé un style de jeu nous rappelant un peu le jeu du Barça et sa possession de balle étouffante. Au Borussia, il faut se la jouer solide. Des Poulains au jeu possessif, mais habiles quand il s’agit de se porter rapidement vers l’avant grâce notamment à leurs deux milieux polyvalents Granit Xhaka et Christoph Kramer, très bons en 1 contre 1 (aussi aériens), capables d’adresser des transversales des plus précieuses au jeu de l’ami Favre.
Au fond, le Borussia version suisse ressemble à un shaker du renouveau, dans lequel on y a mis du déjà connu. Je m’explique. Dans ce mélange, on y trouve du jeu très physique, qu’on observe le mieux chez les Matelassiers de Diego Simeone et leur bloc compact, mais avec bien moins de fautes. Hé oui, les grands gabarits Xhaka, Kramer, Stranzl ou Nordtveit (tous entre 183 et 190 cm) sont nécessaires à cette technique. Au fait, cet aspect de taille, est souvent pris en compte pour le recrutement de joueurs, par exemple l’équipe de Schalke 04, ne possède que de très grands joueurs dans son effectif. Un avantage sur les balles aériennes, balles arrêtées et autres duels.

Puis on observe un jeu basé sur une forte envie de dicter le tempo et le jeu en gardant le ballon, le tout garni de relances des plus rapides : le sourire nous vient souvent en regardant cette mannschaft attractive. On notera que les artisans de Lulu tournent entre 50 et 60% de possession par match en moyenne. Soit dit en passant, la deuxième écurie dans ce domaine derrière les gaillards à Guardiola. Depuis son arrivée, Favre a su mettre sur pieds une équipe régulière (seulement 6 défaites en Bundesliga, encore que la dernière comptait pour beurre). Malgré les passages à vide, elle a pu s’en remettre à ses pépites individualistes, en Europa Ligue par exemple. On pense là à Hrgota sur ce coup, auteur de 8 buts en 10 parties. Pas mal pour un bonhomme habitué au banc allemand. Bref, le Borussia joue à l’ascenseur depuis bien des saisons, mais Lulu est en passe de réussir à le bloquer en haut, tout en garantissant un jeu des plus fair-play. Enfin, écoutez un peu, il était une fois Lucien Favre.

Des résultats et autres pépites à la hausse

C’est bon de le rappeler, les Poulains allemands étaient au fond du trou lors de la saison 2010-11, quand en début d’année ils pointaient tout simplement à la dernière place ! C’est pourquoi notre très sympathique Lucien est arrivé et a tout juste réussi à sauver de la relégation un effectif pourtant pas mal fourni (ter Stegen, Dante, Reus). Cependant, le technicien suisse a fait mûrir ces talents comme des fruits jardiniers, et dès la seconde saison, Lulu invite ses Poulains en qualif’ de Champions Ligue, ratée cette année-là finalement.
Mais une progression solide et propre se mesure sur plusieurs années de travail, et c’est ce que semble nous montrer le Vaudois : 4e, 8e, 6e et 3e cette saison! Le tout comptant deux participations en Europa Ligue et une première en C1 (depuis 77). Hé oui, il fallait être là dans les années 70 pour voir le Borussia le plus prolifique de l’histoire.
Même si chaque année, Favre doit se séparer de quelques stars (ça fait penser à nos amis bâlois, un vrai carnage du marché), il réussit souvent à bien les remplacer. L’exemple le plus frappant reste ter Stegen, parti au Barça, substitué par Yann Sommer, au grand bonheur des supporters germano-suisses. Une grande réussite, car ce dernier a fini deuxième meilleur gardien de Bundesliga (derrière Manuel le lib(h)éro récent champion du monde et meilleur gardien de la planète). Pas mal, quand on pense que Sommer est même devant le géant allemand en termes de clean sheets sur la seconde partie de saison ! Herzliche Gratulation.

Autre fait marquant de la fabrique Favro-vaudoise : Granit Xhaka. L’ex-milieu bâlois, brillant avec le club suisse, a eu du mal à s’acclimater à la Bundesliga. Faute à un jeu peut-être trop central, stérile, peinant à souffler. Aujourd’hui, Lucien Favre a su le faire évoluer, car le Suisse est capable de jouer milieu central mais également milieu offensif. Il y est d’ailleurs souvent placé en dix ou sur les ailes et a totalement gagné la confiance du coach : prolongation du contrat en février jusqu’en 2019 et titulaire indiscutable. Cerise sur le gâteau, Granit finit dans l’équipe type de Bundesliga 2014-15 ! De quoi attirer les convoitises du jeune pote de Shaqiri, annoncé depuis un moment du côté de l’Atlético Madrid et plus récemment au Bayern, le vice-président de Gladbach a cependant assuré que le chouchou de Lucien resterait dans le groupe la saison prochaine.
Autres pépites du club allemand, Thorgan Hazard et Patrick Herrmann. Le premier se révèle être un très bon passeur (une dizaine d’assists cette saison), récupérateur de ballons et tireur de coup-franc. Il a toutes les cartes en main pour devenir aussi grand ou presque que son aîné bleu Eden. Le second est allemand et a fêté sa première sélection avec la Mannschaft le 10 juin dernier. Auteur d’une superbe saison (7 assists et 16 au fond lui-même), le natif d’Uchtelfangen a pu démontrer à son coach qu’il est devenu hyperpolyvalant et décisif sur plusieurs matches, chose que veut justement Lucien Favre. Chaque bonhomme ouvert au sacrifice, à l’écoute, capable de varier son style et sa position, de s’acclimater à diverses situations de changement tactique et de jeu, est tout simplement le bienvenu dans l’univers du désormais meilleur coach de Bundesliga. Clin d’oeil à Josip Drmic, qui intégrera bientôt la famille. On fait confiance à Lucien pour lancer pour de bon ce très talentueux suisse. Oui, parce que le Borussia vient de perdre un autre joyau de Lucien, Max Kruse, qui s’est engagé avec Wolfsburg. Ce dernier, aussi, vient de franchir un palier avec les Poulains cette saison. Au fond, Lucien n’a pas besoin de grandes stars dans sa team, il les crée lui-même. Le véritable test du Suisse débutera dès septembre quand il ira se frotter aux géants inscrits en C1. A suivre.

Une philosophie des plus séduisantes

Ne l’oublions pas, le technicien suisse a été un excellent joueur, avant de commencer son boulot de coach en 1991. Un bonhomme qui possédait une intelligence de jeu qui lui permettait de faire des étincelles et qui ne sont aujourd’hui pas de trop pour être un bon entraîneur. Malgré un détour du côté de Toulouse chez les amis frouzes, c’est au Servette FC que Lucien a atteint le sommet de son niveau de jeu. Comptant près de 200 matches avec les Grenats, il y plante une cinquantaine de goals. Une vraie fierté pour la bande genevoise, au fond du trou en ce moment. Après ces faits, il est vrai qu’on est maintenant assez convaincus que l’argent ne pousse pas sur les arbres, même au foot, et on avait des doutes. Rien à voir avec 1985, l’année où Favre et Servette sont sacrés champions suisse. Une vraie antithèse.

Une carrière de joueur qui a été freiné par un tank du nom « Gabet » Chapuisat, le père du fiston bien connu, coupable un jour d’un tacle des plus carnivores qui soit! Résultat : Chapuisat viré de Vevey, 5000 balles d’amendes, Lucien blessé 8 mois et fin de l’histoire. Il ne retrouvera jamais son niveau d’avant. Ne poussons pas le bouchon, le meilleur reste à venir.
Malgré tout, Lulu est bien devenu LE Lulu pour ses exploits en tant que coach. Il arrive parfois, et même assez souvent que les entraîneurs réussissent mieux qu’en tant que joueurs. C’est le cas du profil de Mourinho, par exemple. Bref, le Vaudois a réussi partout où il est passé. Beaucoup de travails et peu de fautes lui ont valu les promotions d’Echallens en Challenge League en 1994 (ex-LNB) et d’Yverdon-Sport en Super League en 1999 (ex-LNA), puis une victoire en Coupe de Suisse et pour couronner le tout, un superbe parcours en Coupe UEFA avec Servette.
Suite à ça, il décide de rejoindre Zurich avec qui il est double champion suisse et y gagne encore une Coupe ! Le tout en formant des stars comme Inler, Dzemaili et Von Bergen. Rien que ça. Après avoir été sacré deux fois meilleur coach de suisse, la page se tourne pour le natif de Saint-Barthélemy qui rejoint la Bundesliga et Berlin. Il y termine assez rapidement 4e en possédant pourtant un petit budget. Même s’il doit ensuite quitter la capitale, faute aux nombreux problèmes financiers du club (oui, encore et encore des casses), la suite on la connaît : celle du Borussia Gladbach.
Le Vaudois incarne vraiment l’image du tacticien hors-norme qui réussit à faire trembler les grosses écuries et bousculer la hiérarchie du poids financier, en possédant peu de grands noms. Sa philosophie est la fraîcheur de la jeunesse (le FC Zurich avait une moyenne d’âge de 21 ans avec Favre à l’époque), sa capacité à faire évoluer un joueur en lui donnant divers rôles, pour enfin créer un collectif extrêmement solide en contre, en une-deux, en récupération de balle. Privilégier l’équipe avant le joueur, tout en travaillant ses pions un par un, voilà qui semble résumer le secret de Lucien.
Aujourd’hui, quand on prend des chips devant sa TV et qu’on regarde Gladbach, on voit une équipe qui est capable d’accélérer en trouvant la solution dans de petits espaces, juste en jouant le fascinant Tiki-Taka avec 2, 3 voire 4 joueurs. Chose qui nous rappelle quelque peu les jaunes de Dortmund en 2013, impressionnants grâce à leurs relances et vitesse éclair. Seulement, Gladbach ne possède de loin pas autant de stars.

C’est bien pour ça, chers amies et amis du foot, qu’il se doit de regarder notre sport fétiche aux écrans de nos salons ou dans les stades. Lucien Favre nous démontre qu’un groupe solide peut aussi inventer le spectacle pendant une partie (et non une party), que la population pense pourtant nourrie grâce au sport business et les grands noms, au grand dam du football. Les salaires mirobolants des acteurs placent un sport simple comme celui-ci sur une tout autre planète, des plus absurdes et intouchables. Même si tout est relatif, surtout quand on parle de millions, Gladbach semble malgré tout nous rapprocher des terrains et du football en général, grâce à la beauté, simplicité et parfois radicalité de son jeu. Les jeunes amateurs et les chers spectateurs se reconnaissent ainsi bien mieux dans ce sport. Il semble nous faire rêver différemment et de manière plus accessible. Non pas grâce aux diverses individualités, mais grâce à un ensemble qui nous rappelle les parties entres potes sur la plage. Tout l’opposé des grisbis à l’allure galactique de Florentino Pérez. Le résultat devrait donc être la conséquence du match, et non pas son objectif. Vous connaissez.
Même si la troupe à Lucien ne sera pas forcément bien placée dans les pots du tirage de C1, ils auront tout de même leur mot à dire. Quant à savoir leurs objectifs et jusqu’où ils iront, seul l’avenir nous le dira. Une équipe à ne surtout pas sous-estimer. Tirons un sacré coup de chapeau au Vaudois qui termine pour la 3e fois meilleur coach de la saison en Allemagne, ce qui est en train de lui créer un nom dans le pays des champions du monde. Accrochez-vous, la chanson n’est sûrement pas finie !

A propos Thomas Christen 27 Articles
C'est dans la chronique FOOTURO, chers lectrices et lecteurs, que vous en apprendrez plus sur les perfs' actuelles des athlètes suisses qui ont joué les mercenaires du monde. A vous de voir : footuro ou footu pour la Nati ?

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4 Commentaires

  1. Bonjour,

    A la direction, c’est dommage que vous avez mis de côté les ligues inférieures et surtout la première ligue classic, avant il y avait du monde et les débats étaient animés, bref il y avait de la vie, maintenant pratiquement plus de commentaires sur vos divers reportages de foot inter. Je ne le cache pas je ne regarde pratiquement plus votre site. Meilleures Salutations et excellent été.

  2. Bel article sur Lucien Favre et prémonitoire:

    « Quant à savoir leurs objectifs et jusqu’où ils iront, seul l’avenir nous le dira. Une équipe à ne surtout pas sous-estimer. »

    Au moins il a eu le mérite de démissionner avant Carton rouge 😉

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