Le Costa Rica envahit l’Uruguay

Samedi soir, les Ticos ont rendu ce Mondial complètement fou ! Après les géniales péripéties des deux premières journées, ils ont ajouté leur talent surprise en dansant sur le ventre des Uruguayens. Pantois, léthargiques et dépassés dans tous les secteurs du jeu, les bleus clairs n’ont presque plus aucune chance de franchir les poules. Au Costa Rica, on était si sûr de prendre des claques qu’on peine à croire que c’était bien nos joueurs dans les maillots de la sélection.

1. Le résumé. L’Uruguay prend le match en main au coup d’envoi. Les Ticos dont la cote est affreuse (la pire de la compétition pour les bookmakers) renvoient la balle poliment et s’essaient à quelques passes en attendant les premiers vrais assauts.
Oui mais voilà. Ils ne viennent pas ! Au milieu de terrain ça pétouille – comme disait Robert Lüthi – et devant, Forlan et Cavani voient autant venir que ma soeur Anne. C’est stérile à mort.
Au quart d’heure, les Costaricains prennent conscience que leurs passes passent et que leur rythme est le bon. On voit leur état d’esprit changer, leurs regards se tournent vers le but adverse, les mentons se redressent. Y avait peut-être même des torses qui bombaient, mais j’ai pas bien vu. 
Ça gueule « olé, olé, olé, Ticos Ticos » des gradins de Fortaleza et dans les salons du pays où on a compris aussi. On efface les statuts Facebook préenregistrés qui commentaient la future défaite honorable et on se dit que le rapport de force sur le terrain n’a rien de ce qui était prévu.
Et là, boum !
Sur sa première – et presque unique – occasion du match, à la 23ème minute, le défenseur tico du FC Mainz Junior Diaz ceinture Lugano dans la surface, pénalty, transformation de Cavani. L’Uruguay n’a pas encore tiré au but et mène un à zéro. Keylor Navas, le gardien tico qui fera mieux que se racheter par la suite, n’a toujours pas touché le moindre ballon et perd déjà.
Après l’ouverture du score, c’est la libération totale chez les Costaricains. Comme s’ils venaient de recevoir ce qu’ils étaient venus chercher en prenant un premier but, les mecs se mettent à balancer des transversales, à orienter des amortis velcros, à faire des passes dans le dos et des appels inspirés.
J’ai vécu ce qui a suivi dans une petite maison sur les flancs du volcan Barva, au Costa Rica. Dans une fête familiale avec une trentaine de personnes. On a vu nos gars tout oser. A la mi-temps on se dit que c’est mieux que prévu, mais on n’ose pas trop y croire.
En seconde, Joel Campbell multiplie les actes de gloire. Attaquant de pointe, il descend chercher des ballons, fait jouer ses ailiers et génère plusieurs occasions. A la 54ème, il hérite du cuir à l’entrée de la surface et pond une mine (bien sûr que ça se pond les mines) qui explose dans le but uruguayen. Mes amis explosent de joies et ne se rassoient plus du match.
Trois minutes plus tard, les Ticos démontrent que la défense uruguayenne n’apprend rien au cours d’un match: c’est la soixante-cinquième fois qu’ils mettent une balle en cloche au deuxième poteau et Oscar Duarte, émigré nicaraguayen récemment naturalisé, la tête-plonge à bout portant. Il rend un fier service à un million de ses semblables qui suent du front dans les emplois précaires du pays de l’ananas.
2 à 1, tout le Costa Rica est dans la rue !

On perd connaissance dans tout le pays. Les plus vieux meurent sur le coup en souriant. On soigne ceux qui sont sauvables. Les défibrillateurs commencent à manquer dans les foyers et les bistrots.
A la 84ème, le sélectionneur Jorge Luis Pinto, originaire de Colombie, renonce à défendre son acquis, sort Bolaños pourtant très inspiré en distributeur de bons ballons et fait entrer Ureña, le p’tit gars du Bled, attaquant de la Lega Alajuelense.
Il lui souffle à l’oreille « cours au deuxième poteau et tire au goal, s’il-te-plaît ». Ureña court. Reçoit. Tire. 3 à 1, l’affaire est dans le sac. Dans les arrêts de jeu, Maxi Pereira cherche à tuer le messager en découpant le tibia de Joel Campbell. Carton rouge. Fin du match.
2. L’homme du match.
Alvaro Saborio.
Qui n’a pas joué parce qu’il s’est blessé il y a trois semaines.
Mais en laissant sa place d’indécrottable au jeune Joel Campbell, il est encore décisif. Campbell resplendit. Il marque, donne une passe de but lumineuse à Ureña et se crée encore quatre ou cinq occasions. Il est élu homme du match, est l’une des révélations de la semaine et décroche certainement son billet retour vers Arsenal qui l’a prêté à Olympiakos cette dernière saison. Le mec a bien fait de venir. Et Saborio en se pétant le pied, a rendu son pays fou de bonheur.
3. La buse du match.
Luis Suarez. Resté sur le banc pour se ménager avant les deux gros matchs qui arrivent (Angleterre, puis Italie), il est venu au Brésil pour rien.
4. Le tournant du match.
Le ceinturage de Diego Lugano par Junior Diaz qui provoque le pénalty et le but uruguayens à la vingt-quatrième minute. Jusque là, les Ticos ne savaient pas que faire d’un jeu où ils se trouvaient bien plus à l’aise que prévu. Depuis le tirage au sort, ils se sont préparés à prendre des buts et ça ne venait pas. Un vrai blocage. Libéré par Edinson Cavani, par ailleurs assez éloigné de ce dont on le pensait capable. 
5. Le geste technique du match.
Les bras aux ciels et la glotte qui tremble de quatre millions de Costaricains qui trouvent leur latin et bondissent dans la rue au coup de sifflet final. Ça a plus ou moins paralysé le pays pendant quatre heures. Après la courte victoire italienne, le Costa Rica est en tête du groupe qui était pourtant le pire tirage possible. Les synthés des télévisions qui affichent ce classement font perdre la raison à mes amis. Ça durera jusqu’à jeudi au moins.
6. Le geste pourri du match.
L’attentat de Maxi Pereira sur Joel Campbell dans les arrêts de jeu. En même temps, la honte, sérieux. Comment tu vas affronter l’après-match quand tu ouvres ta Coupe du Monde en étant déculotté par le Costa Rica ?
7. Ce match m’a fait penser à…
Suisse – Roumanie, en 94 aux Etats-Unis. Campbell est Adrian Knup. Bolaños est Alain Sutter. Ruiz est Georges Bregy.
Et l’équipe passe de la timidité à l’assurance en une mi-temps. Ajoute le talent à la besogne. Vit son rêve et fabrique son histoire.

8. L’anecdote.
Bruges, Copenhague, Rosenborg, Aalesunds, AIK et Valerenga. Les clubs norvégiens et suédois dans lesquels jouent les « légionnaires »  costaricains donnent à cette sélection un air de Rasta Rocket. Jouer au chaud à Fortaleza, c’était comme une madeleine de Proust.
M’emmerdez pas avec « on dit pas costaricain, on dit costaricien ». On dit les deux. Si ça nous chante. D’abord parce que les deux sont dans le dico, ensuite et surtout parce que le français est une langue vivante, à l’inverse de la fantaisie des péteux qui font les intéressants (voir également « on dit pas à Avignon, on dit en Avignon et on dit pas dans le Lavaux, mais en Lavaux » et toutes ces conneries). Pardon.
9. Le tweet à la con.
« #CDM2014 : Eliminer l’Angleterre et rejoindre Arsenal, acceptez-vous votre mission Joel Campbell ? » @astarisborn.
10. La rétrospective du prochain match.
La veille, les Anglais ont battu l’Uruguay d’un petit but et rejoint l’Italie et le Costa Rica en tête du groupe. A Recife, vendredi 20 juin, les Ticos entrent sur la pelouse le menton haut, le regard fier.
La partie est lente, il fait une chaleur intenable. Revenu de blessure, Gianluigi Buffon se troue sur une déviation du cul de Cristian Bolaños. 1-0. De l’autre côté, la plus grosse occasion italienne est pour Balotelli qui fusille Navas des cinq mètres. Le gardien de Levante, promis à une belle carrière après une énorme saison en Liga, s’envole, passe le mur du son et dévie le ballon sur sa latte. Il réalise un backflip et retombe sur sa ligne. Corner. Navas sera plus tard désigné meilleur gardien de la compétition. Le Costa Rica est qualifié et joue nu le dernier match face à l’Angleterre.

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2 Commentaires

  1. Il y a eu des secousses au Nicaragua, certains disent que l’épicentre se trouvait à l’est, mais les sismographes n’ont rien détecté 🙂

    chaud bouillant l’article! comme les joueurs.

  2. A mon avis la plus grosse surprise de cette première semaine. La percussion offensive de cette équipe du Costa Rica est assez hallucinante. Et Joe Campbell n’a pas les mêmes initiales que Jésus Christ pour rien,

    A la place des italiens et des anglais j’en aurais bien la pétoche de ces costaricains.

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