Le Valais est magique

Non, je ne suis pas valaisan. Non, je ne suis pas un fan du FC Sion ni un fidèle de Tourbillon. Mais, dimanche après-midi, j’ai vibré comme un enfant du Vieux-Pays en voyant le FC Sion remporter cette 13ème Coupe de Suisse, cette fameuse 13ème étoile sur son drapeau, et ce, l’année de son bicentenaire. Trop forts, ces Valaisans.

Après une petite nuit de sommeil, la journée commence par un changement de programme pour ma troisième finale de suite du FC Sion : alors qu’on avait prévu de partir en train et de déboucher la première bouteille de Petite Arvine sur le coup des 10 heures, on opte au dernier moment pour la voiture. Plus confortable, plus rapide, plus sage aussi. Ainsi, vu que mon confrère doit conduire et que je ne vais pas m’envoyer deux bouteilles de blanc en solo, l’eau gazeuse et le Coca Zéro coulent à flots… Ce qui n’est finalement pas plus mal (quand je disais que je n’étais pas valaisan…).En arrivant au parking de la Halle St-Jacques, une image nous frappe : les parcs, les rues et la majorité des voitures sont rouges et blancs. Oui, les Valaisans sont partout et, fidèles à leur réputation, ils picolent ! Des grillades sont organisées sous des arbres, la Blonde 25 et le Fendant se boivent au goulot et les chants commencent à résonner. L’impression ne change pas lorsque nous nous déplaçons à pieds pour rejoindre la salle de presse : les Valaisans sont clairement majoritaires. Les Bâlois, envahis, ne doivent pas y croire.
Nos accréditations autour du cou, on profite du soleil radieux pour déguster une bière fraîche et manger une saucisse (toujours aussi excellente à St-Jacques, à bon entendeur…). S’en suit une rencontre très sympathique avec quatre Jurassiens qui nous interpellent en voyant nos badges. «Hé, c’est vous Carton Rouge ?! On vous connait bien dans le Jura !» On évoque le bénévolat à CR, l’histoire du Pigeon d’Or, un article sur le HC Ajoie qu’ils n’ont pas du tout apprécié, la fête de la St-Martin, la Damassine et le fait qu’il n’y a pas de feu rouge dans tout le Jura (tu le savais ?). Comme nous, ils ne sont pas valaisans mais soutiendront le FC Sion cœur et âme. «Vous savez, les Valaisans et les Jurassiens, on s’apprécie beaucoup car on est fait du même bois», me glissent-ils. Bref, l’après-midi débute bien et on profite de ces quelques lignes pour les saluer.
La suite de la journée va continuer sous les meilleurs auspices… Alors qu’on craignait de se retrouver entre deux journalistes du Blick et trois du Basler Zeitung, l’ASF a eu la bonne idée de nous mettre à côté des collaborateurs du Nouvelliste, lesquels sont… sept pour couvrir l’événement. Parmi eux se trouve Johan Tachet, ancien rédacteur de ton site préféré devenu un pilier de la rédaction sportive du plus grand quotidien valaisan.

Le FC Bâle joue à l’extérieur

A mesure que le stade se remplit, l’impression que nous avions à l’extérieur se confirme à l’intérieur : les Valaisans jouent à domicile, comme lors de chaque finale de Coupe depuis 1965 et cette première victoire contre Servette, naissance de cette légende unique au monde, il y a pile 50 ans. En discutant avec les Valaisans autour de nous, on sent le poids de l’histoire, la portée du dénouement de cette rencontre. «Cette finale représente bien plus qu’un match de foot. Celle-là, on ne peut pas la perdre. Il nous faut cette 13ème Coupe pour le symbole, pour les 13 étoiles du drapeau valaisan. La 14ème on peut la perdre, mais pas celle-là. Pas ici, pas aujourd’hui», m’explique un fan qui arbore un maillot datant du mythique Sion – YB de 1991.
L’entrée des joueurs est sublime et Sion mène déjà au score. Les Valaisans sont plus bruyants, plus passionnés, plus tout ; Sion joue sa vie, Bâle une finale. Ce surnombre va se confirmer sur le terrain. A peine le match entamé, on sent que les Sédunois sont en mission, transcendés par ce stade à 70% valaisan, galvanisés par le message de la banderole «vous n’avez pas le droit de perdre», parfaitement préparés à l’exploit après cinq jours au vert et en équipe. Le FC Sion, modeste 7ème de Super League, danse sur le ventre du grand FC Bâle. L’ambiance est électrique, l’engagement total, les contacts virils, bref, c’est une vraie finale. Et après 18 minutes à sens unique, Konaté – servi par l’excellent Carlitos – ouvre logiquement la marque. Délire dans les tribunes et premier coup de massue pour un FCB dépassé. Le FC Sion est stupéfiant de maîtrise, le FC Bâle impressionnant de passivité. 
Alors qu’on s’attend à une réaction du champion de Suisse, Sion va continuer sa marche en avant, sa marche vers l’histoire. La vague rouge et blanche étouffe un onze rhénan pathétique, à l’image de son capitaine Marco Streller qui, entre pleurnicheries, jets de projectiles, sifflets, moqueries et match catastrophique, aura connu une triste fin de carrière. Merci quand même pour ton but à Istanbul, Marco, mais pas pour ton pénalty à Cologne, hein.

Interruption et démonstration

La pause ne dura pas 15 mais 27 minutes, la faute à quelques Prix Nobel qui firent exploser pétards et fumigènes au début de la seconde mi-temps. Il faudra plusieurs beuglées du speaker et l’intervention de Tholot et Constantin (père et fils) pour calmer ces imbéciles qui faillirent tout gâcher. L’occasion pour moi d’aller chercher une tournée de bières et de croiser quelques Valaisans connus cet hiver à Verbier. Les accolades sont franches, le plaisir est sincère. «Hé le cul de Vaudois, bonnard de te croiser ici ! Putain si on la gagne celle-là, je finis en piste sur la Planta ! Et compte sur moi pour arroser ça à La Cheminée cet hiver !»
Alors qu’on s’attend à une réaction du champion de Suisse (bis) en cette seconde mi-temps, les coéquipiers de Xavier Kouassi ne vont rien lâcher. Pas une miette, pas un centimètre, rien. Bien décidés à entrer par la grande porte dans l’histoire du club valaisan, les meurts-de-faim de Didier Tholot vont humilier des Rot-Blau qui ne comprennent pas ce qu’il leur arrive. Eux qui ont battu Manchester United, le Bayern ou Chelsea se font marcher dessus par une équipe d’anonymes. 2-0 par Fernandes, 3-0 par Carlitos : le Parc St-Jacques chavire de bonheur pour une défaite des pensionnaires du lieu ! Le moment est assez rare pour être signalé et, vu l’arrogance affichée par le club bâlois avant cette finale, Marco Streller en tête, ce n’est que justice. Didier Tholot, en optant pour une tactique offensive et un pressing de tous les instants, a réussi son pari. Christian Constantin, en offrant à ses hommes des conditions optimales et en les préparant – on l’imagine – à disputer une vraie «guerre» à grands coups de vidéos et de discours, a réussi le sien. En gagnant pour la première fois à Bâle depuis… 18 ans (!), en réalisant leur plus beau match de la saison, leur plus belle des 13 finales, les Valaisans ont décroché le Graal. La Coupe est à eux : la fête pouvait commencer, la Planta et tout le canton s’embraser…
Certains potes ne comprennent pas comment un Lausannois comme moi, fan du Lausanne-Sport depuis sa plus tendre enfance, peut aimer à ce point cette magie qui lie le FC Sion à la Coupe du Suisse. Je leur répondrais que s’ils avaient vu cette transhumance valaisanne, cette ferveur lors de l’entrée des joueurs, cette rage qui a habité chaque Sédunois sur la pelouse ; s’ils avaient vu la joie du couple de retraités de Gampel, en pleurs après la rencontre, ce gosse qui jubilait dans les bras de ses parents, Christophe Voeffray au taquet, la niaque de Didier Tholot, l’excitation du banc valaisan et tous ces bus, sur l’autoroute, aux couleurs du Vieux-Pays, ils comprendraient peut-être. L’histoire d’amour entre le Valais et la Coupe est unique. Et c’est ça que je trouve beau.

La légende perdure, le mythe se prolonge. Christian Constantin l’a fait, pour la septième fois. Comme quoi, il y avait deux empereurs dimanche au Parc St-Jacques : Roger Federer et Christian Constantin. Le premier sait se transcender, le second sait transcender ses joueurs. A leur manière et toute proportion gardée, ils auront marqué le sport helvétique de leur empreinte ces 15 dernières années. Et tous deux finiront par avoir leur statue dans leur canton respectif…

Bâle – Sion 0-3 (0-1)

Parc Saint-Jacques, 35’674 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Hänni.
Buts : 18e Konaté 0-1, 50e Fernandes 0-2, 60e Carlitos 0-3.
Bâle : Vailati ; Xhaka (75e Delgado), Schär, Suchy, Traoré ; Elneny, Frei, Zuffi ; Gashi, Streller (75e Ajeti), Callà (53e Hamoudi).
Sion : Vanins ; Zverotic, Lacroix, Ziegler, Pa Modou ; Carlitos, Kouassi, Salatic, Fernandes (73e Perrier) ; Assifuah (75e Follonier), Konaté (85e Christofi).
Cartons jaunes : 46e Gashi, 64e Frei, 71e Zverotic.

Bonus :

Il était écrit que ce dimanche ne serait pas comme les autres… Après cette finale de rêve et alors que Wawrinka vient d’égaliser à un set partout, on décide de se poser dans un bar du Parc St-Jacques, le Rotblau Bar et sa dizaine d’écrans géants (mais sans le son…), pour suivre la fin de ce choc contre Djokovic. A part deux-trois Valaisans et quelques journalistes ici ou là, il n’y a que des Bâlois, visiblement pas trop déçus par la claque reçue. Au fil des jeux, le bar se remplit et l’ambiance monte, jusqu’à devenir bouillante lorsque Stan remporte la troisième manche. Le quatrième set est dantesque : les supporters locaux se mettent à hurler sur chaque point du Vaudois et, à partir de 3-3, le bar se mue en chaudron. Balle de match et revers gagnant de Stan : on finit en mêlée géante avec une horde de fans bâlois ! On exulte, on s’embrasse, on s’aime ! Alors que tout nous séparait deux heures auparavant… Il n’y a que le sport pour nous offrir des émotions pareilles.

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8 Commentaires

  1. Je suis pas encore redescendu sur Terre… Magnifique ambiance, magnifique finale, St-Jacques en rouge et blanc…
    On a beau chercher, il y a pas de mots pour décrire ça, MAGIQUE!

  2. Toute façon c’est écrit que le LS sera la 1ère équipe à battre Sion en finale. Pas besoin de chercher plus loin pourquoi Sion la gagne tout le temps vu qu’ils n’ont jamais joué contre Lausanne 🙂

  3. Merci CR pour ce récit, merci Sion et CC pour cette treizième !!!

    Oui, on peut le dire, on est magiques les Valaisans 😉

  4. Superbe article.
    La Suisse romande nous envie:
    Chaque canton soutient son club local, avec ses hauts et ses bas, aussi ordinaire que des milliers d’autres dans le monde. Et au dessus de tout ça il y a cette légende, ce mythe d’invincibilité qui draine des milliers de valaisans, qui, le temps d’une journée, abandonnent leurs problèmes pour ne faire qu’un devant ce phénomène unique au monde.
    Tous les non – valaisans voudraient que cette histoire soit la leur.

  5. Ca c’est sûr… Surtout du coté de Bâle. Les pauvres, eux qui vont devoir s’infliger Real, Bayern ou Chelsea alors que Sion vendra du rêve à l’Europe entière depuis les terrains moldaves ou chypriotes… Aucun doute, ils doivent être verts.

  6. En effet, Edmonton et Calgary ont la re9putation de villes tre8s firodes et tre8s enneige9es l hiver. Vancouver est tre8s diffe9rente, il pleut plus qu il ne neige le0-bas (enfin, peut-eatre cette anne9e sera diffe9rente).Chez moi en Calanca nous n avons qu une soixantaine de centime8tres environ, c est plus e0 l abri que la Val Bedretto par exemple qui subit l influence valaisanne.

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