L’Equateur back

Arena de Baixada, Curitiba, milieu de la nuit chez nous. Chic : je vais me taper un match que je n’ai pas, mais alors pas du tout, envie de me farcir. Elle est dure, la condition du plumitif qui, l’œil déjà rouge d’un sommeil prometteur, le cœur fort marri d’une claque juste reçue, doit s’esbaudir devant les gestes malhabiles de footballeurs au jeu déjà goûté en d’autres circonstances. Et comme je prévois un match rasoir, je suis tout content d’apprendre qu’il sera arbitré par M. Williams.

1. Le résumé.Minuit ! La joue encore tuméfiée de la baffe reçue un peu plus tôt, le poil de barbe incrusté dans la peau fragile de mon visage magnifique, je monte le son (mais pourquoi faire, je vous le demande).
Epatant, le match commence par le coup d’envoi. Jusque-là, ça va. Assez rapidement, la Tri s’installe dans le camp des Catrachos. Indubitablement, l’Equateur a plus d’arguments à faire valoir, techniquement et tactiquement. Le Honduras joue dur mais le premier avertissement tombé à la 7ème minute déjà les a calmés.
Contre le court du jeu, c’est pourtant bien les Catrachos qui ouvrent la marque par Costly sur une longue ouverture et un contre favorable, but historique puisque le Honduras n’avait plus marqué en phase finale de Coupe du Monde depuis 1982. Joie de courte durée : trois minutes plus tard, Valencia (l’autre) égalise, devançant la sortie de l’excellent Valladares. Plus grand-chose de significatif avant la mi-temps si l’on excepte deux poteaux qui renvoient tour à tour le ballon et le museau de Costly. Le poteau s’en sort sans dommage et peut reprendre le jeu.
Comme incapable d’imaginer un scénario cohérent et novateur, la seconde mi-temps débute, elle aussi, par le coup d’envoi. Dès l’emblée, Dominguez est mis à contribution. Le Honduras et son adversaire savent que ce résultat nul ne sert à rien.
L’Equateur presse un peu plus haut mais les Honduriens (qui, donc, n’ont pas beaucoup) restent dangereux en menant quelques contres rapides. Et même, en certaines occurrences en multipliant les passes, en faisant deux de suite. C’est fou ! Le stade est debout. Et ma compagne aussi qui me demande, amène, ce que je fous encore devant c’te télé, à cette heure-là, à regarder ces conneries (et tout ça d’une traite sans reprendre son souffle). Incapable de lui donner une raison valable, je me replonge dans la contemplation de mon écran pour voir Valencia (pas l’autre, le bon) se faire avertir pour une faute sur Boniek. Je regarde le programme et constate, soulagé quant à ma santé mentale, que ce n’est pas la Pologne qui joue.
Les Catrachos évitent de justesse un pénalty pour une faute pourtant assez grossière de Figueroa sur Calcedo. Ce sont pourtant les Honduriens (qui restent avec très peu) qui marquent, but annulé pour hors-jeu. Et trois minutes plus tard, à la 65ème, c’est encore une fois Valencia (toujours l’autre) qui montre qu’il a d’Enner et qui plante ce 2-1 synonyme, pour les Equatoriens, de victoire et surtout d’espoir de qualification pour le tour suivant. Espoir ! Parce que, franchement, avec une France qui est sur son nuage, on les voit mal gagner contre la bande de Deschamps.
2. L’homme du match.
Indubitablement Enner Valencia, deux buts, vif et mutin qui se retrouve, du coup, parmi les meilleurs goleadores de ce Mundial. Ça ne devrait pas durer dans la mesure où, franchement, l’Equateur devrait s’arrêter en poule. Gageons cependant que Valencia, qui joue au Mexique, pourrait trouver de l’embauche dans un club plus huppé.
3. La buse du match.
Mais pas si tellement qu’il y en a eu une. Sauf, peut-être, celle qui tournait en poussant des cris épouvantables au-dessus de chez moi.

4. Le tournant du match.
L’égalisation très rapide de Valencia. On a bien senti, après le but des Honduriens que l’Equateur se libérait. L’égalisation en fut la preuve.
5. Le geste technique du match.
Non mais là, les gars, faut pas rêver : un geste technique !!!  Donc, technique, c’est quand c’est beau, habile, adroit et que t’as envie de décoller de ton fauteuil salonesque tellement que c’est génial et que tu rêves qu’une fois tu feras pareil quand tu joueras contre Penthéréaz ? Oui ? Ben non, ça, y a pas eu. Ou alors pendant que j’étais allé faire pipi.
6. Le geste pourri du match.
Le tir d’Espinoza dans les tribunes. Non mais franchement, viser les tribunes, risquer, par inconscience ou par vice, de blesser gravement une mère de famille à la mamelle adorable allaitant un bambin ou un vieillard, là par hasard, persuadé qu’il est venu voir jouer la Pologne, ça ne se fait pas. Et tout ça en étant persuadé que la famille, à la maison, va se lever et faire trois fois le tour de l’appartement sur une oreille tellement que c’était beau.
7. Ce match m’a fait penser…
…qu’il faut absolument que j’achète du pain et du Parfait pour demain soir. Et puis du Cenovis, aussi. Avec un peu de beurre, surtout pas oublier le beurre (notamment pour le prochain match de la Suisse). Y a des choses qui passent mieux, avec du beurre. Hé oui, parfois, devant un spectacle sportif de haut niveau, mon esprit vagabonde et mon cerveau, pour reptilien qu’il soit, s’en va quérir en d’autres lieux, ses sources de joie et de pétulance.
8. L’anecdote.
Il me souvient d’un entraînement que nous avions fait avec Miroslav Blazevic, à l’époque en charge du Lausanne-Sports. Notre entraîneur, Roger Freymond, nous avait offert ce cadeau : nous les petits, les sans-grades, les aficionados de la Semaine Sportive où nous trouvions nos résultats et quelques raisons de rêver (nous étions modestes et nous satisfaisions de peu, déjà), nous bossions avec ce monument. À un moment, nous avons fait un petit match dans lequel il m’avait semblé m’être accompli au mieux de mes maigres possibilités. Blaze nous en fit la critique et, goguenard avec son accent inimitable, laissa tomber une phrase dont je ris encore : « physiquement, vous êtes bien mais, franchement, le ballon, il vous gêne, hein ? » J’ai pensé à ça devant Equateur – Honduras et j’ai essuyé une larmichette de bonheur passéiste.
9. Le tweet à la con.
Lu sur FB : « Giroud n’est vraiment pas bon pour la Suisse ». Ce n’était pas écrit en vain (peu importe l’orthographe de « vain »)
10. La rétrospective du prochain match.
Même pas que j’ose y penser : Suisse – Honduras. Y a une fois, pour mémoire, on avait déjà joué cette équipe rêche et revêche pour obtenir un nul mais nul de chez nul. Cette fois, parce que je suis un indécrottable optimiste, on va les pulvériser, les mérelirelupatipulvéroluconcassébrisetebroyer, comme disait Pirlouit à Johan dans une grosse colère. Et puis si pas, on va juste les vaincre. On va signer un exploit aussi beau qu’en 1994 contre la Roumanie. Remarquez, signer avec une croix blanche, ça ne se voit pas vraiment.

A propos Bertrand Jayet 21 Articles
...

Commentaires Facebook

3 Commentaires

  1. en 94, contre la Roumanie tu veux dire ?

    Merci pour tous tes papiers, fort drôles et bien travaillés. L’anecdote de Blazevic est dantesque: « physiquement, vous êtes bien mais, franchement, le ballon, il vous gêne, hein ?…..

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.