Les penaltys, ça m’harasse, Ellas !

Le bassin méditerranéen n’est pas vraiment à la fête : Italia, fuora ; España, lejos ; ne restaient que les Grecs, de ce côté-ci de la Mare Nostrum. Hé ben, ils sont toujours là. Et les Papios font de la résistancis. Dites, les Grecs, vous partez ? Non !

1. Le résumé.Stade Castelao, Fortaleza : les deux équipes les plus âgées de cette Coupe du Monde vont jouer leur qualification pour les huitièmes : à ma droite, the Drogba’s Band, la quintessence de tout ce que la Côte d’Ivoire a exporté vers l’Europe comme footballeurs de talent. À ma droite, avec encore deux rescapés du titre européen, la Grèce, avec tout ce que la Grèce n’a pas exporté vers l’Europe et a pris soin de garder chez elle.
On aurait pu se dire que le rythme allait être sénatorial, sur une papatte, tranquillou ! Tu parles : z’ont du jarret les pépés. Et ils partent dans ce match comme s’il devait être le dernier de toute leur vie de footeux. Drogba en rampe de lancement pour Gervinho, les Grecs qui pressent dans le camp ivoirien, c’est juste fou d’énergie. Peut-être un peu trop, d’ailleurs : les organismes ne tiennent qu’à moitié chez les Evzones. À la 12ème minute, Kone, blessé, est remplacé par Samaris (pas –Ras, -Ris). 18ème minute, le gardien Karnezis (le petit frère de Karnedneuf) se blesse à son tour et, lui aussi, se fait remplacer par Glykos (miraculé du diabète). En 6 minutes, la Grèce a perdu deux droits au changement. Dur pour Santos, dur pour une équipe courageuse, certes, mais vieillissante.
À la 32ème, premier tir de Holebas sur la latte. Barry a eu de la chance : il était battu. À suivre, coup franc pour les Grecs dont se charge Karagounis. Superbe et difficile arrêt de Barry, once more. La Grèce semble plus proche d’ouvrir le score que les Eléphants et, pafos, à la 42ème minute. Tioté se mélange la passe en retrait, Serey Die (pas boleux, le bougre) est surpris, interception de Samaras (pas –Ris, -Ras) qui glisse à Samaris (pas –Ras, -Ris) qui bat Barry (expression éléphantesque et bègue, du verbe babarrir). Avantage aux Hellènes à la mi-temps, ce qui ne me parait pas un scandale.
Les gens de l’Attique mâtinés d’un rien de Péloponnèse reprennent le jeu où ils l’ont laissé et, d’emblée, allument la cage ivoirienne. Sans succès. Alors que les Africains s’obstinent à passer par le centre dont les Grecs, fidèles à la mémoire de Léonidas, ont fait de nouveaux Thermopyles : ON EN PASSE PAS. L’abnégation des fils d’Achille est magnifique. Et ce sans négliger les contre-attaques, rondement menées et toujours dangereuses, à gauche comme à droite. Le nouveau Christodoulopoulos (ça, je n’écris qu’une fois, pas déconner quand même) surprend tant par sa vitesse que par sa technique.
On a l’impression que Drogba et ses potes ne reviendront jamais tant leur jeu est stérile et sans imagination. Et Gervinho ne peut pas tout faire tout seul. À la 70ème, Karagounis (quel exemple celui-là) envoie un missile qui s’écrase une fois de plus sur la latte de Barry qui était au lait (parce que Barry au lait, c’est mieux que Barry aux fraises).
La Côte d’Ivoire pousse, dans le désordre mais pousse. À la 74ème minute, Bony, entré quelques minutes plus tôt, bénéficie d’un centre ras de terre parfait de Gervinho et égalise. On est presque déçu pour la Grèce qui, à ce moment de la partie, était en huitièmes. C’est maintenant les Africains de l’Ouest qui sont qualifiés.
Les Grecs ne l’entendent pas de cette oreille : Gekas remplace Karagounis dont on se dit que c’était peut-être sa dernière apparition dans une rencontre internationale. Et les Grecs, une fois la déception passée, recommencent de pousser. Drogba laisse sa place : il était temps, le maître avait l’air bien fatigué. Diable. 36 ans, à ce niveau, c’est lourd à porter. Puis, à la 83ème, Gervinho cède sa place à Sio, le Bâlois.
Les Grecs donnent tout : c’est un nouveau siège de Troie sauf qu’on se croirait à Carthage (surtout en raison des éléphants). Salpingidis s’infiltre sur la droite et centre au cordeau. Aurier, le latéral ivoirien, parvient à éviter le cuir qu’il aurait pu mettre au fond.
Centre en retrait sur Samaras qui se pivote et va pour allumer. Sio lui ramasse le pied de shoot qui va se crocher derrière la jambe d’appui. Chute. M. Vera (excellent, par ailleurs) n’hésite pas : onze mètres. Samaras transforme lui-même. Le reste ? La joie des Graces et le désespoir des Africains qui, une fois de plus, ne passeront pas le premier tour.
2. L’homme du match.
À n’en pas douter Christodoulopoulos, vif, rapide, inspiré et l’excellent Samaras, à l’œil acéré et à la passe toute de finesse. Et n’oublions pas, quand même, Gervinho qui, même s’il a un peu joué la tête dans le sac, a tout tenté.
3. La buse du match.
Giovanni Sio. Entrer en fin de match et venir faire le ménage dans ses seize mètres alors qu’on ne lui demandait que de rester devant. Ah, il s’en souviendra de sa Coupe du Monde, le Sio. Cornichon !

4. Le tournant du match.
L’égalisation de la Côte d’Ivoire, un peu contre le cours du jeu et qui a réveillé des Grecs qui sont allés au bout de leurs ressources pour gagner. Cette combattivité était magnifique.
5. Le geste technique du match.
La boooooooombe de Karagounis. Prise à trente mètres et d’une violence incroyable.
6. Le geste pourri du match.
Maladresse, volonté de défendre, manque de discernement : je ne parviens pas à catégoriser la faute de Giovanni Sio à la 90ème. Par contre, ce qui est certain, c’est le qualificatif qu’on peut lui accoler : débile ! Et tellement naïf.
7. Ce match m’a fait penser…
A la victoire grecque à l’Euro : tout y était. La pugnacité, la technique, l’incapacité de l’adversaire à s’organiser, le bol. Jusqu’au dénouement final qui, s’il advient sur penalty, n’en rappelle pas moins l’improbable coup de tête de Charisteas.
8. L’anecdote.
Le club de fond de classement dans lequel j’ai eu l’honneur de mal jouer pendant plus de trente ans comptait dans ses rangs – et ce n’était pas le moindre de ses mérites – plusieurs nationalités, mêlant Sénégal à Fribourg, Turquie au Gros-de-Vaud. Lorsqu’il y avait de grands tournois, du genre de celui que nous traversons, nous étions supporters les uns des autres, privilégiant bien sûr, au gré des qualifications, la nation dont nous étions les fils. Une fois celle-ci éliminée (avouons que comme Helvètes, on était assez vite hors-course), nous nous rendions chez tel ou tel pour le soutenir dans la pénible épreuve qu’il allait peut-être devoir subir en nous rejoignant au banc des éliminés précoces. C’est ainsi que j’ai assisté, dans un bistrot turc de Lausanne, aux deux campagnes fantastiques de l’équipe nationale (Euro et Mondial) en compagnie de ressortissants du Bosphore à l’accueil chaleureux et magique. J’aurais voulu, hier soir, assister au match dans un resto grec, dégustant un raki avec un metrios.
9. Le tweet à la con.
#CDM2014 : « aimer le port de Lausanne, c’est avoir l’âme Ouchy » Drogba@compteenSuisse.org
10. La rétrospective du prochain match.
Mes potes lacédémoniens, athéniens, mycéniens, tous ces héros chantés par Homère, ont donc affronté les Costa Concordicain. Comme on pouvait le penser, et sans l’apport ô combien décisif en certaines circonstances du coach Schettino, les Costaricains ont fait naufrage. Les Grecs, eux, espèrent entendre le chant des Sirènes (mais pas trop parce qu’après, ça coince) en balayant celui qui leur sera opposé en quart de finale. Salpingidis m’a avoué, secrètement, avoir une préférence pour la Suisse dont la défense lui rappelle celle de la Côte d’Ivoire.

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3 Commentaires

  1. Beau papier ! Force est de constater que la Hollande à un boulevard devant lui jusqu’en demi finale !!! Le Costa Rica a tout de même une chance unique d’atteindre les quarts de final. Les Grecs vont se faire sortir aux penalties après 120 minutes sans but et sans saveur !

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