Marc Rosset, ses passions, ses potes et le tennis actuel

Quatrième et dernière partie de notre Place des Grands Hommes avec Marc Rosset. Celui qui a superbement joué le rôle de Boris Coudoit dans la vidéo de nos 5 ans évoque ses passions, ses amis dans le milieu et égratine un peu le tennis actuel, trop uniformisé selon lui. Magnéto !

Nous sommes aujourd’hui assis dans ton restaurant, le Quirinale. La restauration, une autre de tes passions ?A la base, le projet est né avec un groupe d’amis. On voulait créer un endroit qui nous corresponde pour qu’on puisse venir manger entre nous, inviter des clients dans un cadre un peu sélect. Mais je ne m’occupe de rien ici, je suis juste actionnaire. 
D’où te vient cette passion pour les Harley Davidson ?
Ça m’est venu de potes qui se faisaient construire de jolies motos. Ils m’ont tellement tanné pour venir rouler avec eux que j’ai fini par me faire construite une moto dans le Valais, chez les «Bad Boys». Et à force de rouler, j’ai rencontré d’autres gens et ça m’a amené à faire plein de rencontres, à fréquenter les Hells Angels etc. Je vous disais au début de l’entretien qu’il fallait trouver des trucs qui t’offrent de l’adrénaline et de la satisfaction, la moto en fait entièrement partie.
Tu as fait la Route 66 ?
Non, mais cet été on est descendus à St-Tropez avec une quarantaine de motos. On part régulièrement faire des tours de 500 à 1’000 kilomètres en Suisse. Autant avant me lever un samedi matin c’était difficile, je préférais sortir le vendredi soir et faire la fête. Autant maintenant, si je sais qu’il y a une sortie en moto le samedi matin, je suis au lit à 22h le vendredi soir ! La moto, c’est devenu la priorité de mes week-ends et de mon temps libre.

Les interclubs, tu as arrêté ?
Oui. Le but était d’être champion suisse seniors avec les copains, une fois qu’on l’a fait j’ai arrêté.
Tu es aussi impliqué dans l’organisation d’un tournoi challenger indoor à Genève.
C’était le tournoi challenger du Drizia – Miremont, mais le club de Roland Häfliger ne voulait pas continuer. La Ville de Genève était propriétaire du tournoi et j’ai décidé de me lancer dans l’aventure. On voulait faire un truc complètement différent qu’avant et on a opté pour un tournoi indoor. Un tournoi en salle c’est plus sympa. Tu peux faire des matches le soir jusqu’à 22h-23h, ce qui est pratique pour les spectateurs qui sortent du boulot. En indoor tout est plus facile : tu n’as pas d’intempéries, la programmation est plus simple… C’est également plus facile de créer un espace VIP pour les sponsors car tout est en place, alors que pour un tournoi outdoor tu dois monter des tentes etc.
On a voulu doubler le prize-money dès la première année et avoir des joueurs suisses. Du coup j’ai discuté à Bâle l’année passée avec Bohli et d’autres joueurs, et eux préféraient un tournoi en indoor en fin d’année que venir sur terre battue avant l’US Open. Toutes ces raisons nous ont motivé à monter ce projet. Le but, c’est d’en faire un jour un tournoi ATP. C’est un projet ambitieux et c’est de la musique d’avenir, mais il faut toujours se donner des objectifs élevés sinon tu n’arrives pas à les atteindre.  
Tu es toujours pote avec Marat Safin ? 
Ouais, c’est sûr ! Les dernières nouvelles de Marat, c’est qu’il fait de la politique et qu’il va être élu l’équivalent de sénateur ou gouverneur aux Etats-Unis d’une région qui s’appelle Nijni Novgorod, là où il y a la cinquième ville de Russie. Il est bien en place le gars et peut-être qu’avec un peu de cul, je vais avoir un copain président ! (Eclat de rire) Putain, ça serait classe, mon pote président de la Russie. Pour l’obtention des visas, plus aucun problème !
Et fini les check-in à l’aéroport !
Non mais sérieux un pote sénateur, c’est la classe. Lui c’est un copain pour la vie.
Justement, il y a beaucoup de légendes à son sujet…
De nouveau les gars, c’est que des conneries. Marat, il déteste les boîtes de nuit ! Et à écouter les gens t’as l’impression qu’il passe sa vie en boîte de nuit. Et en plus il ne boit pas d’alcool.
Même pas de la vodka ?
Il ne boit pas, il déteste ça. Et il déteste les boîtes de nuit.
Bon, tu ne vas quand même pas nous dire qu’il n’aime pas les femmes non plus !
Non ! Je ne suis jamais allé en boîte de nuit avec lui, jamais. Il faut savoir que lui est tatar. Tatar, c’est musulman. Donc l’alcool, ce n’est pas sa tasse de thé. Ça lui arrive de prendre une cuite, mais ça doit être une fois tous les deux ans. Safin, ce n’était pas un mythe quand je l’ai connu, il avait 18 ans et je l’ai tout de suite adoré. Les discussions, la vision de la vie, ça a tout de suite croché. Et rien à voir avec les boîtes de nuit et les gonzesses. J’ai l’impression de me voir moi, version russe avec 10 ans de moins.

Avec les changements radicaux que l’on peut constater, aimerais-tu être tennisman professionnel de nos jours ?
Les changements radicaux par rapport à mon époque se passent dans les aéroports. Tout est tellement chiant dans les aéroports aujourd’hui : les contrôles, les queues… Depuis le 11 septembre, c’est deux mondes différents. Tout est devenu très long et compliqué. Rien que pour ça, ça me gonfle de voyager et je n’aimerais pas être tennisman professionnel de nos jours.
Le tennis actuel ne manque-t-il pas de «gueules» comme à ton époque où il y avait des Becker, Ivanisevic, Leconte, Muster et Horst Skoff ?
Le problème du tennis aujourd’hui, c’est que tu as trois mecs au-dessus du lot avec peut-être Murray pas loin. Mais après, c’est le trou. Imagine que Ferrer est numéro 5 mondial, c’est dingue. On a perdu en densité. A mon époque, quasiment tous les joueurs du Top Ten avaient gagné un ou plusieurs tournois du Grand Chelem. Aujourd’hui, non.
Alors oui, les trois à quatre meilleurs sont incroyables, super forts ; ils ont une défense et une couverture du terrain hallucinantes. Mais derrière, le niveau moyen a baissé. Tsonga par exemple peut faire un gros match, battre Federer ou Nadal, mais est-il capable d’en aligner 2 ou 3 ? Je n’en ai pas l’impression. Il est numéro 9 mondial et n’a gagné que 3 tournois ATP, c’est fou. Cela dit, Tsonga est l’un des joueurs que j’ai le plus de plaisir à voir évoluer, avec Federer bien sûr. Il attaque, il est imprévisible, j’aime ça ! Monfils aussi peut faire le spectacle. Par contre, des mecs comme Söderling ou Berdych ne me font pas rêver.
Et sinon, concernant l’uniformisation des surfaces de jeu, les Grands Chelem se ressemblent bientôt tous, non ?
Sincèrement, je trouve ça dommage. Ça devient problématique même s’il y a une justification à tout ça. Si tu prends Wimbledon, ils ont commencé à ralentir le jeu pour faire gagner Henman. Ils en avaient marre de voir les gros serveurs gagner. Et depuis que la surface est moins rapide, ils ont eu de magnifiques finales. Quelque part, on ne peut pas leur en vouloir et comprendre la tendance. Mais ensuite, les oppositions de style sont moins évidentes. Des matchs comme des Agassi – Rafter à l’époque, avec un mec qui défend et un autre qui fait uniquement service-volée, ça n’existe plus. Il n’y a plus de purs attaquants de nos jours et ça manque au tennis. Aujourd’hui, les gars jouent de la même façon, sur terre ou sur gazon. Et honnêtement, sans vouloir vexer personne ni chercher la petite bête, j’ai plus de respect pour la victoire d’Agassi à Wimbledon à son époque que pour Nadal aujourd’hui. Que Agassi avec son jeu ait réussi à gagner Wimbledon en 1992, c’est un truc de fou.
Qu’est-ce qu’il manque à Stan Wawrinka pour être dans le Top Ten ?
Pas grand-chose. Ce qui lui manque, c’est de battre des joueurs meilleurs que lui. Si tu regardes bien, il est plutôt rare qu’il perde contre plus faible que lui. Mais contre les autres, il n’y arrive pas. C’est dommage car il est solide, très physique et peut taper fort pendant 5 heures. Et son revers, c’est quelque chose ! Mais il lui manque ce petit truc, la clé pour lui ouvrir les victoires importantes. Je ne sais pas ce qu’il pourrait faire pour changer ça, c’est à lui de voir. Mais il ne lui manque pas grand-chose, c’est sûr.

Tu as encore des potes sur le circuit ?
Pas plus que ça. Y’a des joueurs avec qui j’ai fait connaissance comme Djokovic. Sa tante habite à Genève, j’ai rencontré sa famille et suis allé le voir s’entraîner. Un mec super sympa avec qui j’ai mangé ici. Je connais aussi son entraîneur qui est de ma génération et m’entends bien avec son oncle. Tsonga et Monfils, on se voit de temps en temps à Genève. Roger, on s’envoie des sms. Mais le seul vrai ami du monde du tennis que j’ai, c’est Safin ainsi que deux-trois coachs avec qui je suis resté en contact. Et il y a aussi Gulbis. Lui je l’aime bien, va savoir pourquoi…
Il paraît que c’est un original…
Alors lui c’est un original, on peut le dire. Tu prends Ivanisevic, Safin et Rosset, tu mets le tout dans un shaker, tu secoues et ça te donne Gulbis ! Lui, c’est notre génie, notre idole à tous (il se marre). Je ne peux pas te donner d’anecdote sur lui, t’as qu’à aller sur le net et tu en trouveras 250’000. C’est un personnage, un champion du monde. Quand je fais des soirées avec lui à Genève, ce n’est pas triste…
C’est peut-être pour ça qu’il ne gagne pas beaucoup de matches ! Mais voilà, son père a beaucoup d’argent et lui joue au tennis en ne sachant pas vraiment pourquoi. Qu’il joue bien ou pas, ça ne va pas changer sa vie, il est relax. Maintenant ça va mieux, mais à une époque on avait l’impression qu’il jouait juste pour voyager et avoir une occupation, parce que le mec a un potentiel énorme. Peut-être qu’avec les années il va se calmer et mieux jouer au tennis.
Et le tennis féminin, c’est de la merde ?
Non non ! Quand tu vois jouer Serena, ce n’est pas de la merde. Le problème du tennis féminin, c’est que depuis 3-4 ans, les numéros 1 mondiales n’ont pas gagné de Grand Chelem. Les Serena, Clijsters & cie jouent la moitié de l’année et le reste du temps elles font autre chose. Mais quand elles jouent, elles gagnent. Quand Clijsters revient et gagne l’US Open, tout le monde était content, moi je trouvais ça débile. C’est le constat d’échec du tennis féminin. C’est que les filles en face sont mauvaises, nulles. C’est pas possible de revenir comme ça et de gagner un Grand Chelem. Au final, la numéro 1 mondiale n’a aucune justification. Il n’y a pas de patronne. C’est comme si en Formule 1 le champion du monde n’avait fait que des deuxièmes places. A l’époque j’aimais bien le jeu des Mauresmo et Clijsters, des joueuses atypiques et capables de varier leur jeu, comme les mecs. Aujourd’hui, c’est fade.
Dernière question : tu peux inviter cinq personnalités, mortes ou vivantes et de n’importe quel milieu, à venir passer une soirée chez toi, qui choisis-tu ?
(Il hésite longuement) Senna, Michael Jordan. (Longue pause) Bono, Bob Marley. (Il hésite encore) Et Gandhi !
Un immense merci Marc !
Si tu as manqué le début : Marc Rosset et son vrai-faux blog ; Marc Rosset, sa vie, son œuvre et Marc Rosset, le capitaine

A propos Marco Reymond 470 Articles
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3 Commentaires

  1. Suis plutôt d’avis que c’est l’interview la moins intéressante d’une série qui été passionnante. L’analyse sur le tennis féminin est très pertinente.

  2. Je ne connais pas personnellement Marc Rosset, mais c’est vraiment un mec cool . Un grand joueur dans tous les sens du terme, qui sait encore servir fort à 46 ans quand il reprend occasionnellement sa raquette

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