Mon Krul sur la commode

Duel entre une défense héroïque et une attaque impuissante qui se termine par le plus beau coup de poker réussi par un sélectionneur depuis longtemps.

1. Le résumé.Un match tout en accélération dramatique, qui se termine par un assaut néerlandais sur les buts ticos durant les prolongations. Keylor Navas confirme son rang de superstar entre les bois et repousse avec toutes les parties de son corps et de ses buts.
Finalement, c’est Louis Van Gaal, le sélectionneur des Pays-Bas qui réalise le coup de théâtre du tournoi à une minute des tirs au but et envoie les oranges en demies. Chapeau.
Ici, à San José, on a tellement vibré qu’on vibrait encore alors que le match était fini depuis longtemps. Tout chose de l’avoir presque fait. Beaucoup démentaient leur pacifisme légendaire et s’entretenaient à coups de couteau sur les lieux de rassemblement de supporters et dans les ménages.
La frustration d’avoir été arrêté net par un gardien remplaçant qui faisait le zozo devant nos héros avant chaque tir était immense.
2. L’homme du match.
Keylor Navas, le gardien qui remet tout à Dieu et sort du tournoi avec des propositions de contrat comme s’il en pleuvait. Jorge Luis Pinto encore, le sélectionneur tico pour avoir mené son armée de barbouzes jusque là.
Mais ce soir, c’est Louis Van Gaal l’entraîneur hollandais qui triomphe. Si l’audace des hommes se mesurait vraiment à la taille de leurs parties génitales, M. Van Gaal pourrait s’en faire des sacoches.
Rappel du geste : il reste trente secondes à jouer dans les prolongations. Louis Van Gaal fraîchement nommé coach de Manchester United affronte le risque d’une honte suprême, l’élimination de son équipe de superstars par des nains portoricains (ou assimilés), rendue vraisemblable par l’excellence du portier d’en face et le succès des ticos durant la même épreuve il y a une semaine face à la Grèce.
Changement !

L’homme rougeaud à la cravate ridicule réalise son troisième changement. Il sort son gardien, en entre un tout neuf dont on n’a jamais entendu parler. Exprès pour les pénoches, le mec !
Cillesen, gardien (presque) inutile jusqu’ici d’une formation hollandaise qui n’a pas connu le danger, sort son corps de Tintin de la pelouse et laisse sa place à Tim Krul, portier de Newcastle de son état, coupe-citrons de la sélection jusqu’ici de sa fonction.
T’as déjà vu ça, un goalie qui entre à trente secondes des tirs au but, sur décision du sélectionneur ? Moi non.
Il va jusqu’à la cage, se couche du bon côté sur chaque tir et repousse ceux de Ruiz et Ureña. 4 à 3, victoire batave. Demi-finales.
Si tu as l’occasion, dans ta vie professionnelle, d’oser un coup pareil avec une pression pareille, il faut le raconter dans un livre. J’espère que Van Gaal le fera. Et qu’il lui donnera pour titre «Dans le Krul, la balayette». 
Accessit à Cillesen qui accepte cet outrage sans ciller et à Krul – et son nom d’ours Ikea – qui supporte la pression et sert son spectacle de roi de connards aux tireurs ticos avant chaque essai.
3. La buse du match.
Les 4 milliards de téléspectateurs qui ont regardé pour rien les 119 premières minutes de cette partie (si c’était possible de ne pas me les briser avec le chiffre réel de l’audience, parce que je m’en cogne, je voulais juste dire qu’on était nombreux, tu vois ? j’ai un deuil national à organiser, là).
4. Le tournant du match.
Arjen Robben qui batoille avec Jose Luis Pinto, le sélectionneur tico durant la prolongation. L’un en allemand, l’autre en espagnol, ils font semblant de s’en foutre complètement et de s’entendre à merveille. Jésus et Judas.
5. Le geste technique du match.
Les gentils bigots que sont les joueurs ticos, agenouillés sur la ligne centrale, remettant la réussite des pénoches à Jésus-Christ.
Malheureusement, der gewünsche mobilteilnehmer Jésus Christ war momentan nicht erreichbar. Because son burn-out après s’être démené pour dépanner David Luiz et consorts.
6. Le geste pourri du match.
L’idée de génie de Van Gaal, la même.
En renversant l’ascendant psychologique à quelques secondes des tirs au but. En osant sortir un gardien blanchi. En envoyant un type à la gueule d’un danseur de Grease énerver les tireurs adverses en les invectivant durant le placement du ballon, il a fait se réveiller mon pays du plus doux de ses rêves, de la plus désagréable des manières.
Après trois semaines oniriques, les Ticos retournent servir des Hollandais en sandales qui leur foulent les plages bides à l’air en rêvant de titre mondial.
C’est vraiment un scandale dont la portée sur ma vie personnelle, si elle avait pu être mesurée par le sélectionneur batave, l’aurait sûrement fait revenir sur son choix.
7. Ce match m’a fait penser à…
Une panne tragique. Dans une femme superbe.

8. L’anecdote.
Ma fille de quatre ans, cet être sensible et poétique, qui fond en larmes en découvrant au réveil de sa sieste que le Costa Rica a perdu et que cela rend triste tout le quartier.
Rassurée par nos bons soins, elle déclare qu’on peut «quand même féliciter la Hollande», à quoi nous abondons plein d’une mauvaise foi à vertu éducative que nous maîtrisons bien. Et de lui montrer qu’en pliant dans le sens de la largeur un drapeau costaricien, on obtient celui des Pays-Bas. Nous sommes donc tous frères et la vie n’est qu’Amour et Nutella.
Dix minutes plus tard, elle est dans la rue, dans notre banlieue de San José, à crier «Hollanda !» aux voitures qui passent et qui ne peuvent, selon sa déduction pertinente qu’être en train de célébrer la victoire orange. Chuuuuuutttt….
9. Le tweet à la con.
@Nouj1 Des stadiers ceinturent Robben dans le rond central pour l’empêcher de frapper les 10 tirs au but #HOLCOS
10. La rétrospective du prochain match.
La Hollande entre sur le terrain dans une composition inédite, face à l’Argentine. Kluivert aux goals, Van Persie est stoppeur. Cillesen et Krul sont seuls en pointe. Messi vomit dès les hymnes et Robben est surpris à l’échauffement en train de prendre ses marques pour plonger dans les deux surfaces de réparation. Le duel américano-européen des champions continentaux de l’arrogance tourne en faveur de l’Argentine qui se qualifie pour une finale de rêve face au Brésil.


Mercredi 9 juillet dès 18 heures, quelques rédacteurs de CartonRouge.ch viendront boire l’apéro au Bamee Bar, avenue de la Gare 32 à Lausanne. Un rédacteur t’a fait marrer ? Viens lui payer un coup ! Un autre t’a énervé ? Peut-être pourras-tu le convaincre de t’offrir une bière… On t’attend de pied ferme pour refaire le monde… Ou le Mondial !
Ndlr. : le rédacteur du présent article vivant à San José, il n’y sera pas croisable. Vous pouvez déposer des avances pour les bières à l’accueil, elles seront consommées d’ici quelques mois.

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8 Commentaires

  1. Merci pour l’anecdote et les jolis traits d’humour….

    Et la FIFA qui nous fait tout un cinéma sur le faire–play en avant match pour mieux laisser l’arbitre accepter l’agissement pré-pubertaire de Tim Krul avant chaque peno des Ticos. Dommage qu’aucun Costaricain ne lui ait mis un penalty dans les roubignoles pour voir qui en avait des grosses comme King Kong…..

  2. Juste réagir à 2 trucs: 4-3 aux penalties et pas 4-2. Et Krul est bien loin d’être un inconnu, en tout cas pas pour les 3 milliards de gens qui suivent la Premier League (m’emmerdez pas avec le chiffre exact, ça veut juste dire bcp), où il est souvent décisif dans un club qui se situe actuellement dans le ventre mou.

  3. Merci pour vos commentaires.
    4-3, vraiment ? Fuck faut que je revoie la séance. Merci pour le rappel à l’ordre.

    Concernant Tim Krul, la notion de méconnaissance est nécessairement subjective, n’est-ce pas ? Par exemple, Ueli Maurer est un inconnu par rapport à Rihanna. Ou encore, Sachin Tedulkar est parfaitement ignoré par nous tous, alors qu’il est une idole du Cricket. Ton ventre mou décisif peut par conséquent être qualifié par un chroniqueur latino-américain comme ton serviteur de gardien inconnu. Ou alors je m’y perds. Et j’aime pas m’y perdre.

  4.  » T’as déjà vu ça, un goalie qui entre à trente secondes des tirs au but, sur décision du sélectionneur ?  »

    1/2 finale de Coupe d’Allemagne 2012 Greuther Fürth – Borussia Dortmund, l’entraîneur de Fürth fait entrer son gardien remplaçant à la 119e à 0-0 en vue des tirs au but. Un fiasco: le sauveur providentiel touche son seul ballon à la 121e pour propulser dans ses filets un tir de Gündogan qui avait tapé le poteau, 0-1 et pas de pénaltys.

  5. @Julien Mouquin : MDR !

    Tu peux (trop) rapidement passer de héros à zéro dans le monde du sport ou passer d’entraîneur de génie à buse.

  6. Julien, c’est impressionnant ! J’aurais voulu voir ça. Je sais qu’en coupe d’Allemagne, la pression est forte, mais j’imagine que si Klut avait fait ça, c’eût été gigantesque.

  7. Bon que le sélectionneur la joue au bluff en changeant de gardien à la dernière c’est une bonne chose… Mais parler de génie, de coup de poker ou encore de mouvement à la Kasparov qui a fait basculer le match faut pas déconner…

    Les joueurs Néerlandais on su bien tirer leurs pénaltys alors que les Costariciens n’ont pas su une fois prendre Krul à contre pied.

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