Nigéria : Ja – Bosnie : Nie

Il faut quand même admettre que ces matches de minuit ont quelques avantages : d’abord, on n’est pas enquiquiné par le téléphone au moment d’une action chaude et, dans la moite chaleur d’une première nuit d’été, seul devant son écran, on peut les regarder dans le plus simple appareil sans risquer la visite inopinée de Tante Martha et l’obligation de se revêtir qui est son corollaire. On peut jouir, en totale liberté, du spectacle proposé. Et quand je dis jouir, il faut avouer qu’avoir sous les yeux un joueur qui a le bon goût de se nommer Emenike (prononcé à la française avec les accents où il faut), ça aide. Adonc, devant 40’000 spectateurs (!!!) et sans Tante Martha, les Super Eagles se remettent dans la course et s’assurent (presque) une participation aux 8ème de finale en battant une Bosnie bien malheureuse.

1. Le résumé.Arena Pantanal. 2400, heure d’où ce que je perche. L’équation était simple : les deux équipes devaient gagner.  Et, dès le coup d’envoi, sans observer – ce qui est la moindre des élégances pour le retardataire – le classique round d’observation, elles se livrent. Ho ! Ce n’est pas le Brésil de 1970 mais on y va. Premier corner pour les Aigles à la 3ème minute, première occasion pour les Bosniens à la 4ème. Premier avertissement à la 6ème. On est parti sur de bonnes bases. À la 20ème, magnifique ouverture de Misimovic pour Dzeko qui crucifie Enyeama. But refusé pour un hors-jeu parfaitement imaginaire. Quasi dans l’enchaînement, Emenike le bien nommé déborde sur la droite, déséquilibre l’excellent Spahic, met une baballe en retrait sur Odemwingie (au Scrabble, 44 points sur un mot compte double)  qui crucifie le formidable Begovic (29ème). Les Bosniens ne s’en remettront pas : trop de shoots lointains, trop d’imprécisions et un Enyeama à nouveau impeccable, conduisent à une mi-temps bienvenue pour des Européens en panne d’idées.
La fraîcheur des vestiaires semble avoir fait du bien aux Balkaniques qui entament la seconde mi-temps pleins d’entrain, ce qui aide quand on cherche sa voie. Malheureusement, trop d’approximations ne tuent pas l’approximation. Les Nigérians ne sont pas en reste et Begovic doit faire quelques miracles pour tenir son équipe dans le match. Il apparait, compte tenu des forces de percussion en présence, que les Africains sont plus proches d’aggraver la marque que les Bosniens d’égaliser. Dans l’humidité lourde de cette soirée, les joueurs puisent manifestement dans leurs réserves : ils sont admirables d’abnégation tout en restant (il n’y aura eu que deux cartons jaunes, donc pas de pub pour notre site préféré) dans les limites de la correction. Au bout du suspense, coup de tête de Pjanic et arrêt impeccable d’Enyeama (mais qu’est-ce qu’il est bon, celui-là). 
90ème minute : ouverture de Pjanic sur Dzeko qui se débarrasse de l’embrassade d’un défenseur (rien que l’enlacement aurait, à mon avis, justifié un pénalty) et frappe en pivotant. Enyeama, dans un réflexe hallucinant, dévie sur le poteau. Dernière occasion et fin du match. La Bosnie rentre à la maison, sans avoir démérité.  Reste une éventuelle possible victoire contre l’Iran pour ne pas s’en revenir bredouille mais, au vu de la prestation des Iraniens contre l’Argentine, je crains que l’escarcelle bosnienne ne soit aussi plate que ma bourse après ma dernière visite aux gabelous.
2. L’homme du match.
Deux qu’ils sont, même trois. Les deux gardiens Begovic et Enyeama, remarquables, et ce sacré Emenike, poison puissant et redoutable.
3. La buse du match.
L’arbitre assistant de M. O’Leary. Signaler un hors-jeu sur l’action bosnienne de la 20ème minute : fallait oser. S’est comporté comme un radar à appareil photographique déréglé, le bougre. T’es arrêté à un feu rouge, tu ne touches pas la ligne et la bestiole flashe comme une démente. Et j’en veux aussi à l’arbitre principal qui pouvait ne pas tenir compte du drapeau levé. C’est quand même à lui qu’il appartient, au premier chef, de faire respecter les règles du jeu. Ça a changé la donne du match et c’est schtroumpf !

4. Le tournant du match.
L’annulation du but bosnien et, quelques minutes plus tard, la validation du but nigérien alors qu’il y a (peut-être ou sûrement) une faute d’Emenike sur Spahis avant le centre en retrait.
5. Le geste technique du match.
L’arrêt incroyable d’Enyeama à la 90ème ! Le shoot part, il est dévié et prend le gardien lillois à contre-pied. Dans un réflexe génial, il stoppe sa course en l’air, comme un avion qui aurait des freins et, de la jambe, parvient à mettre un but déjà marqué sur le poteau. Comme Gordon Banks, en 1970, quand il avait réussi l’arrêt du 20ème siècle et que le Roi Pelé avait dit : « j’ai marqué un but mais Banks l’a arrêté ». Chapeau l’artiste. On comprend mieux pourquoi Lille a réussi un sacré championnat de France.
6. Le geste pourri du match.
Dans une partie où il n’y a que deux avertissements, malgré l’enjeu, il risque de ne pas y avoir de geste pourri. C’est le cas. Il y a bien eu, de-ci, de-là, quelque intervention musclée mais rien qui justifierait de clouer au pilori tel ou tel poète de la baballe. Donc : pourriti non sunt. Je ne vais pas vous balatiner !
7. Ce match m’a fait penser…
… alors que, sincèrement, y a bien des choses qui me laissent indifférent.
8. L’anecdote.
Permettez-moi de me souvenir d’un match arbitré, à l’époque, par le formidable Philippe Mercier. Philippe était, non seulement, un referee formidable mais un homme délicieux à l’humour vif et tranchant. Outre une compétence avérée dans l’usance du sifflet à deux balles (à ne pas confondre, pour les esprits mal tournés, avec l’appareil reproducteur du mâle mammifère), il était un remarquable physio. Et un ami que je suis fier de nommer ainsi. Un jour qu’il dirigeait une rencontre de moindre niveau, de celles où le public s’agglutine derrière une barrière, il fut apostrophé par un quidam goguenard, sans doute imbibé de quelque breuvage houblonesque qui le désinhibait et qui n’avait point apprécié que l’arbitre restât silencieux sur une action litigieuse : « Hé, le merle, t’as oublié tes lunettes ? » (on remarquera, au passage, l’originalité de la saillie). Et Philippe, la course gracieuse et le sourire aux lèvres, de répondre, sans perdre le jeu de vue : « Oui, chez ta femme ». Et le querelleur en herbe de se retirer à la cantine, sous les rires et lazzi de la foule et des joueurs en liesse. Ou comment désamorcer les conflits.
9. Le tweet à la con.
#CDM2014 : « ben à Susic, ça va pas être Safet » HenriCard@anis.com
10. La rétrospective du prochain match.
Dans un match aussi enthousiasmant qu’Allemagne – Autriche de funeste mémoire, le Nigéria et l’Argentine font match nul 1-1, les deux buts étant inscrits entre la première et la troisième minute de la première mi-temps. Je m’énerve sur mon canapé et décide, puisque c’est comme ça, que je ne regarderai plus aucun match de ce Mundial (sachant pertinemment que c’est un serment d’ivrogne). De son côté, l’Iran ne bat pas la Bosnie qui, elle, évite de gagner. On oublie ce groupe décevant et on se projette vers un avenir plein de paillettes et de gestes somptueux, parce que le foot, ça doit être ça. Marre des besogneux, des démunis de plaisir, des assassins de la féérie, des hypothéqueurs de sourires, des gourous de la tactique : JE VEUX QUE LES JOUEURS S’AMUSENT ! JE VEUX DU PLAISIR ! JE VEUX DES 7 à 5, JE VEUX JUSTIFIER MES MATINS DIFFICILES DE SOMMEIL INSUFFISANT EN RACONTANT, À MES COLLÈGUES RUGBYMEN, LE TORT QU’ILS ONT EU DE NE PAS SUIVRE LE MUNDIAL ! Voilà. Et bises à tous.

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1 Commentaire

  1. Dommage pour la Bosnie. Au niveau technique individuelle, l’équipe est dans les tout meilleur du mondial. Mais tout le reste ne suit pas.

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