Où après Sotchi ?

Sotchi, son bord de mer, ses tribunes vides, ses températures tropicales, sa neige molle et son brouillard, c’est fini ! Si les Jeux Olympiques de 2018 ont déjà été attribués à Pyeongchang en Corée, tout est ouvert pour 2022, surtout après l’échec en votation populaire des candidatures traditionnelles alpines de Munich et Saint-Moritz. Mais l’attribution des JO d’hiver 2014 à une station balnéaire démontre que le CIO est ouvert à tout : alors voici quelques candidatures possibles pour les XXIVèmes Jeux Olympiques d’hiver.

Arusha 2022

A l’instar de la FIFA, le CIO veut amener sa principale compétition en Afrique. Arusha en Tanzanie bénéficie de son expérience dans l’organisation d’événements planétaires depuis qu’elle accueille… le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Et accessoirement, après plusieurs éditions en plaine, cela permettra de ramener les Jeux Olympiques d’hiver en altitude puisqu’Arusha est située à 1’300 mètres d’altitude. Les compétitions de ski alpin, disputées sur les neiges éternelles du Kilimandjaro voisin, seront même les plus hautes jamais courues dans le cadre des JO. Mais le clou des Jeux devrait être constitué par les épreuves de biathlon, disputées sur neige artificielle dans le parc national de Serengeti avec une formule légèrement modifiée. Il ne sera plus question de tirer sur de fades cibles immobiles avec des tours de pénalité en cas d’échec. A la place, il s’agira d’abattre le plus d’animaux possibles sur la longueur du parcours, avec des secondes de bonification pour chaque bestiole dégommée : cinq secondes pour un gnou ou un phacochère, dix secondes pour un éléphant, douze secondes pour une gazelle ou un zèbre, quinze secondes pour un guépard, vingt secondes pour un lion et, le must, trente secondes pour un rare rhinocéros noir, espèce menacée d’extinction. 

Barcelone 2022

Munich rêvait d’être la première ville à avoir organisé JO d’été et d’hiver, le vote de la population en a décidé autrement. Alors Barcelone a décidé de relever le challenge pour se venger de cette cité bavaroise qui lui a piqué un entraîneur emblématique et a infligé à son équipe de foot une humiliation historique 7-0 en demi-finale de Ligue des Champions. Certes, l’éloignement de la plupart des épreuves alpines, disputées à La Molina dans les Pyrénées, n’est pas un avantage mais la cité catalane a d’autres atouts : la commémoration des cinq ans d’indépendance de la Catalogne et la tenue de compétitions sur des sites prestigieux : sprint de ski de fond sur les Ramblas, freestyle au Parc Güell, bobsleigh au Mont Tibidabo, cérémonie d’ouverture et hockey dans le stade des JO 1992 à Montjuïc, patinage artistique au Camp, pardon au Qatar Airways Stadium… Mais le bourg d’atout de la candidature barcelonaise sera de pouvoir compter sur la toute fraîche disponibilité de Sandro Rosell. Par son expérience aux JO 1992 de Samaranch, ses amitiés qataries, ses passages chez Nike et dans la machine à corrompre ISL, l’ex-président du FC Barcelone est le spécialiste incontesté ès magouilles, petits arrangements entre amis, glorification du sport business et autres subornations de membres de fédérations internationales ; avec lui, Barcelone ne peut pas perdre.       

Caracas 2022

Orpheline de son icône Hugo Chavez, la dictature pétro-militaire bolivarienne s’essouffle. Même les distributions généreuses de la manne pétrolière au peuple dans les mois précédents les élections ou le pillage autorisé des supermarchés capitalistes ne parviennent plus à masquer la corruption, le népotisme et l’incompétence du gouvernement, alors il faut un autre opium de peuple : ce sera les Jeux Olympiques d’hiver ! Après tout, Caracas possède son téléphérique, même si celui-ci relie le bord de mer. Ces JO seront les plus populaires et les plus écologiques de l’histoire. Non seulement la population indigène pourra assister gratuitement à toutes les compétitions mais en plus, dès la fin des épreuves, elle sera invitée à piller les sites olympiques. De la sorte, contrairement à tant d’autres villes hôtes de Jeux, Caracas ne gardera pas en héritage encombrant des installations disproportionnées inutiles et onéreuses à l’entretien. Deux semaines après l’extinction de la flamme olympique, tous les sites auront été rendus à la nature, sans frais. Et tous les bidonvilles du pays vont s’agrémenter ici d’un bout de podium, là d’une hampe de drapeau, ailleurs d’un siège de patinoire, un pilier de tremplin ou une cabine de commentateurs. Quant aux athlètes, ils disputeront deux compétitions en une : d’abord, il s’agira de gagner le titre olympique, là c’est du classique ; ce qui sera plus innovant, c’est ensuite la lutte pour quitter le pays avec sa breloque en échappant à la vindicte populaire contre ces bourgeois capitalistes qui se parent d’or dans un pays défavorisé. 

Doha 2022

La pratique du sport au Qatar n’est possible qu’en hiver. Fort de ce constat, la FIFA, dans un deal avec un CIO inquiet de voir un Allemagne – Brésil de foot concurrencer le combiné nordique, a décidé de retirer l’organisation de la Coupe du Monde 2022 au micro-état en lui offrant les JO d’hiver, situés eux dans la bonne période, comme lot de consolation. Finalement, c’est égal : le Qatar n’a pas moins de tradition alpine que footballistique et tout est à créer de toutes pièces, alors un stade, un tremplin ou une patinoire, quelle importance ? L’avantage, c’est que l’on évitera la dispersion des sites puisque toutes les compétitions seront regroupées au même endroit, un gigantesque parc olympique en plein désert comprenant notamment les installations suivantes : quatre dunes artificielles réfrigérées pour accueillir le ski alpin, deux tremplins et une piste de bobsleigh sur le flanc du village olympique (en fait une tour de 415 mètres de haut), douze patinoires démontables qui seront recyclées dans le tiers-monde après les JO (Genève et Lausanne sont déjà sur les rangs pour en récupérer une), une halle couvrant la superficie de quarante-deux terrains de football avec sapins importés expressément de Norvège pour les épreuves nordiques qui sera ensuite revendue à Nestlé comme entrepôt frigorifique… 

Kuala Lumpur 2022

Les visites des villes candidates sont interdites aux délégués du CIO pour limiter les risques de corruption. Mais comme la désignation des JO 2022 aura lieu à Kuala Lumpur, forcément les délégués seront présents sur place et ce sera l’occasion de toutes les manœuvres. Après, peu importe que le dossier de candidature soit aussi mince que le palmarès européen d’Arsène Wenger ; depuis quand la qualité du dossier est un critère pour l’attribution des JO ? De toute façon, seules les cérémonies d’ouverture et de clôture auront lieu dans la capitale malaisienne, au pied des tours Petronas. Les compétitions, selon la doctrine Michel Platini-Euro 2020, seront elles organisées sur des sites prestigieux déjà existant disséminés aux quatre coins du globe : hockey au Madison Square Garden et au Centre Bell, descente olympique à Kitzbühel, géant à Adelboden, saut à ski à Innsbruck, ski nordique à Holmenkollen, biathlon à Anterselva, bobsleigh à Winterberg, patinage artistique à Tokyo, ski acrobatique à Tignes, rien que le top du top.    

Lhassa 2022

Citius, altius, fortius, disait Pierre de Coubertin. C’est surtout le altius qui a retenu l’attention des Chinois en organisant les Jeux les plus hauts de l’histoire à 3’650 mètres d’altitude, à Lhassa, capitale du Tibet. Accessoirement, cela permettra de réaffirmer au monde l’emprise han sur la province autonome puisque le Potala, la résidence historique des dalaï-lamas, sera transformé en hôtel cinq étoiles pour les dignitaires du CIO. Au rayon des sites, comme à Pékin, la démesure sera la règle : la descente olympique sera dessinée par Bernhard Russi sur la face sud-ouest de l’Everest, le boardercross sera organisé dans l’arrête sud-est du Makalu et le saut à ski aura lieu sur le versant nord-ouest du Lhotse. Mais l’épreuve la plus spectaculaire devrait être constituée par le ski de fond sans oxygène mort subite sur le glacier de Rongbuk à 6’400 mètres d’altitude : les concurrents feront le tour du glacier autant de fois que nécessaire et le vainqueur sera la dernier concurrent à avoir échappé aux crevasses, à l’hypothermie, à l’œdème pulmonaire et au yéti, les médailles d’argent et de bronze pouvant éventuellement être remises à titre posthume.

Palerme 2022

Jalouse de la formidable opération de détournement de fonds publics organisée dans le cadre des JO de Sotchi, Cosa Nostra décide de reprendre la main et de montrer qu’elle reste la référence en la matière. Pour ce faire, rien de tel que des Jeux et quelques trente milliards d’euros d’argent public à investir, gracieusement fournis par l’Union Européenne (enfin, par l’Allemagne et la Suisse surtout). Et organiser les JO dans une ville dont l’équipe de football arbore fièrement un maillot rose permettra de rétablir l’équilibre après les quelques dérives homophobes de Sotchi. Les épreuves de short-track disputées à Corleone s’annoncent particulièrement acharnées. La plupart des autres compétitions ayant lieu sur les flancs de l’Etna, il restera juste à souhaiter que le volcan n’entre pas en éruption pendant la compétition. Surtout que cela risquerait de faire ressortir les corps des quelque 387 opposants, écologistes, juges anti-mafia, policiers, sicaires de clans rivaux et autres entrepreneurs récalcitrants prisonniers du béton des flambant neuves installations olympiques : ce ne serait pas du meilleur effet sous les caméras du monde entier.

Paris 2022

Après son échec mortifiant aux JO 2012 face à Londres, Paris décide de relancer la machine. Jamais à court de gaffe, la nouvelle maire de la ville Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas capté qu’il s’agissait des Jeux d’été et dépose une candidature pour les Jeux d’hiver. Un projet doit être organisé au pied levé : hockey à Bercy, bob à la Tour Eiffel, patinage artistique au Parc des Princes, cérémonie d’ouverture au Stade de France, ski de fond sur les Champs-Elysées, biathlon au Père Lachaise et curling à Roland-Garros, ça tient la route. Et la proximité de Pigalle fera vite oublier aux délégués du CIO que la descente olympique de Montmartre doit être courue sur quatre manches pour arriver à la minute de course. Le point fort de la candidature parisienne, c’est l’introduction d’une nouvelle discipline, le scooter sur glace, dans le cadre prestigieux de l’Elysée. Reconverti dans le sport après sa défaite aux primaires du parti socialiste en 2017, l’ex-président François Hollande fait d’ores et déjà figure de grandissime favori grâce à sa parfaite connaissance du parcours. Patrick Montel n’a pas fini de s’égosiller.

Rio de Janeiro 2022

Jamais deux sans trois ! Après avoir obtenu la Coupe du Monde 2014 et les Jeux Olympiques d’été en 2016, le Brésil remet le couvert. Cela permettra de recycler les installations sous-utilisées des compétitions précitées et de permettre à nouveau l’expression de la grogne populaire dans les rues. Hugh Quennec est déjà jaloux des matchs de hockey disputés à ciel ouvert à Manaus en pleine Amazonie. Et puis une descente olympique le long du Pain de Sucre avec une vue imprenable sur le Christ Rédempteur de Corcovado, ça fait rêver. Tout comme les épreuves de curling sur la plage de Copacabana et le biathlon dans les favelas.

Sion 2022

Lassé des déboires du FC Sion, Christian Constantin décide de s’offrir un nouveau jouet : les Jeux Olympiques 2022 à Sion, qu’il obtiendra devant la Cour européenne des droits de l’homme après deux ans de batailles juridiques pour annuler la décision du CIO attribuant initialement les JO à Glasgow. De fait, seul le short-track féminin aura lieu dans la capitale valaisanne. Les épreuves de hockey, patinage de vitesse et artistique, curling et short-track masculin se disputeront à Martigny. La cérémonie d’ouverture sera organisée dans le centre commercial d’Ecône sous forme d’une méga-choucroute pour 12’000 personnes au cours de laquelle le président du COJO Constantin tirera la tombola (chaque billet acheté donne droit au moins à une médaille de bronze, d’or pour les plus chanceux), prononcera le serment des athlètes (il participe aux JO dans la nouvelle épreuve «Patrouilles des Glaciers»), chantera l’hymne national, proclamera l’ouverture des Jeux et allumera la flamme olympique en ayant assuré les quatre derniers relais après le licenciement intempestif des porteurs initialement prévus. L’hôtel du président Constantin à Martigny-Croix servira de village olympique, le Tribunal fédéral ayant interdit la construction d’un nouveau village considéré comme «résidences secondaires» au sens de la Lex Weber. De toute façon, la présence des athlètes ne sera autorisée en Valais que le jour-même de leur compétition pour ne pas dépasser le contingent de deux cent sportifs étrangers présents sur le territoire cantonal par jour imposé par le président du Conseil d’Etat Oskar Freysinger. Après la démesure de Sotchi, voici le retour des Jeux à taille humaine. 

Quand la réalité dépasse la fiction…

Les candidatures susmentionnées peuvent paraître farfelues et pourtant deux d’entre elles ont déjà ambitionné d’organiser les Jeux Olympiques d’hiver. L’une a été battue par Salt Lake City pour les JO 2002 et par Turin pour 2006, tu devineras aisément de qui il s’agit. Sinon, demande à Jacques Deschenaux… L’autre a envisagé une candidature pour 2022 avant de se rendre compte de l’inanité du projet et de renoncer : si tu ne vois pas qui s’il s’agit, il reste toujours Wikipédia. Ceci dit, dans la liste des candidatures officielles, trois apparaissent au moins aussi ubuesques que celles mentionnées ci-dessus : Almaty, Lviv et Pékin. Comme Salzburg n’est pas reparti au combat après son échec contre Sotchi pour 2014, comme Munich et Saint-Mortiz n’ont pas passé le cut en votation populaire et comme Stockholm et toutes les candidatures nord-américaines ont renoncé, les Jeux devraient donc se jouer entre Cracovie et la grande favorite Oslo, laquelle devrait logiquement emporter la flamme. Mais Sotchi et quelques autres ont démontré que rien n’était jamais logique avec le CIO… Réponse le 31 juillet 2015 à Kuala Lumpur.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

14 Commentaires

  1. moi je vote Arusha, j’y étais encore il y a pas longtemps, et c’est de la balle!

    (faites gaffe en vous promenant la nuit tombée, c’est pas très sur…)

  2. Même en écrivant sur les JO d’hiver, Mouquin peut vomir sur Barcelone… Je pense que cette monomani nécessite un passage chez le psy…

  3. Je dois dire que j’ai ri plusieurs fois. Quelques piques sont très bien trouvées.

    Néanmoins, le complexe d’infériorité de M. Mouquin envers le Valais est flagrant

  4. Vraiment beau job! Par contre maintenant tu as beaucoup de rageux qui t’attendent au tournant… Surtout quand je vois que certains arrivent encore à s’offusquer si on critique des type comme Sandro Rosell et de la Catalogne, vraiment on peut plus rien dire…

    PS: le rhinocéros noir est une espèce éteinte depuis l’année passée…

  5. Voilà du CR comme j’aime venir lire. 🙂 ! Ca faisait longtemps que je n’avais pas ri en lisant un article, merci.

    @DZumbrunnen

    Je pense que c’est à toi d’aller consulter et vite…

  6. Ben alors Mouquin, on compte sur toi pour organiser des JO à Dortmund, étant donné que c’est la seule ville et le seul public qui méritent l’attention des vrais fans de sports, face aux petits merdeux de footix qui osent encore aimer regarder le FC Barcelone à la télévision.

  7. Vous êtes dur avec Mouquin, les gars,

    OK, il écrit des articles sur Dortmund que personne n’a jamais réussi à lire jusqu’au bout. OK son article sur Federer et la coupe Davis était particulièrement malvenu sur carton rouge . OK il a écrit un article sur la tournée des 4 tremplins qui met à plat toute sa théorie Mouquiniste,

    par contre, cet article est bien écrit, original et m’a bien fait marrer. Du carton rouge comme on l’aime. L’idée des Kuala Lumpur Worldwide Games? Trop mythique pour qu’elle ne m’inquiète pas un peu!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.