Rallumer le sapin

Vous les connaissez ces soirées. Ces lendemains d’hier qui ne promettent rien. Vous avez complètement abusé la veille au soir, avez fini le t-shirt crade à hurler vos plaisanteries qui vous semblaient désopilantes tout au long de la soirée. Vous bouffez quatre aspirines en pensant que cela va résoudre tous les problèmes de votre vie. Vous promettez de ne plus jamais fumer, de moins boire, d’aller courir dès demain, de lire.

Puis la journée avance. Vous commencez à vous dire qu’une petite clope de temps en temps ça ne va pas vous faire de mal, que vous pourriez plutôt boire du vin que de la bière, que courir par ce froid ce n’est certainement pas bon pour votre corps (d’ailleurs le sport c’est une drogue aussi, il y en a qui en meurent) et que finalement le monde a évolué et qu’il y a des mecs vraiment doués sur Youtube. Vous repartez «juste boire un verre», pas encore guéri de votre tronche dans le fessier, vous savez que cela ne va pas être la soirée du siècle mais comme votre pote Dédé vous a demandé, vous ne pouviez pas refuser. Et là, magie ! Comme dans un jeu vidéo, vos «points de vie» cumulés hier soir s’associent au petit re-startage de cet instant, et vous vivez une des meilleures soirées de ces derniers temps. Inattendu. La métaphore est longue et maladroite mais c’était un peu ça ce match de samedi soir. Une équipe de Suisse dont on n’attend rien, qui démarre avec peine, qui n’y arrive pas comme prévu, puis d’un coup, qui envoie quatre buts. Le truc fou. Si l’on exclut la formalité de St-Marin (mais on félicite quand même l’Estonie au passage), cela fait vraiment un temps long, vraiment long que l’on n’avait pas vécu ça. Des buts qui tombent après les actions de la Nati. On n’en revient tellement pas qu’on se demande si l’on s’est trompé.
Le baromètre-intérêt pour l’équipe de Suisse est souvent réglé sur la qualité de ce que l’on s’attend à voir. Pour les personnages comme moi qui n’avais pas fait l’effort de se déplacer à l’autre bout du pays pour assister au spectacle (et qui ai, en plus, l’outrecuidance de pondre un article dessus… non mais quel connard je fais), il paraissait sans doute un peu difficile de se réjouir de cette soirée, de retrouver la fièvre des grands rendez-vous. Encore moins quand vous êtes invité à une raclette chez des amis avec les exploits de la Nati en prétexte. Le plat valaisan induit un rythme assez intéressant : vu que vous attendez votre tour à la table pour être servis par l’éternel sacrifié qui passe sa soirée à gratter des grosses meules, la gueule brulant sur le réchaud, les doigts luisant et les habits imbibés d’odeur de pieds gras, ce n’est qu’une fois que vous finissez l’une de vos assiettes que vous vous précipitez jeter un coup d’œil au match. Et franchement, la première mi-temps semblait être d’une telle médiocrité que l’enjeu principal pour moi était davantage de ne pas louper mon tour à la table plutôt que de louper un but dont tout le monde était bien persuadé qu’il ne viendrait jamais.

Puis finalement, la satiété permet de moins transpirer à l’idée de louper une portion, et un autogoal du gardien lituanien aide à davantage nous intéresser à l’écran (je vous jure le vrai footix…). Néanmoins, ce soir c’était compliqué, car outre le dessert au caramel et les petits digestifs indispensables à un bon transit (les meilleures bouteilles sont celles qui n’ont pas d’étiquettes), il y avait en parallèle Wawrinstan et Federodge qui s’affrontaient. Une dure soirée que Corneille n’aurait pas reniée en termes de choix (le dramaturge, pas le chanteur… par pitié…).
Au final, il y avait pourtant de quoi être très content. C’est un peu un match où l’on n’avait pas à se plaindre. Petkovic avait aligné les trois ex-Napolitains (qui se sont avéré les plus mauvais sur le terrain), une chose que l’on avait attendue durant tant d’années hitzfeldiennes. Moubandje faisait sa première, sans briller mais proposant au moins une alternative pas trop désastreuse par rapport à Rodriguez. Et comme déjà dit, les attaquants marquaient (dont un magnifique dernier but de Shaqiri).
Pour l’instant ça ne sauve pas les meubles, car on peut quand même rester persuadé que les déplacements en Estonie et la confrontation retour face à la Slovénie restent des vieilles peaux de bananes (forcément «vieilles» quand on utilise cette image éculée) sur lesquelles notre équipe nationale a souvent plaisir à sauter à pieds joints en regardant en l’air. Cependant, on peut aussi espérer que la Suisse a retrouvé son sérieux après un relâchement qui a frappé la moitié de l’Europe (on rappelle quand même que les Iles Féroé ont gagné à Athènes) dans le contexte de ces qualifs en bois avec presque 50% de qualifiés.
On va espérer que cela continue comme ça et que la Nati trouve son rythme, se qualifie et redevienne une équipe dans laquelle on croit. Ou alors il faudra organiser à chaque fois des soirées raclette-digestifs, pour faire passer la pilule.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Suisse – Lituanie 4-0 (0-0)

AFG Arena, 17’300 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : Moen (No).
Buts : 66e Drmic 1-0. 68e Schär 2-0. 80e Shaqiri. 90e Shaqiri 4-0.
Suisse : Sommer; Lichtsteiner, Schär, Djourou, Moubandje (75e Fernandes); Behrami, Inler, Dzemaili; Seferovic (83e Schönbächler), Shaqiri, Mehmedi (63e Drmic).
Lituanie : Arlauskis; Vaitkunas (64e Borovskij), Freidgeimas, Kijanskas, Andriuskevicius; Vicius (82e Eliosius), Chevdukas, Zulpa; Cernych, Novikovas (87e Kazlaukas); Matulevicius.

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2 Commentaires

  1. Mais que l’accouchement de ce beau bébé fut long et douloureux! A part ça, je ne partage pas ta critique sur Behrami, certes ça n’était pas le Valon des tous grands jours, mais c’était le plus combatif sur le terrain et il a récupéré bon nombre de balles. C’était lui le patron au milieu de terrain, pas Inler.

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