Saga des cartons rouges : coup de coude un 4 juillet

Ah ! La Coupe du Monde 1994 ! On pourrait en parler des heures durant. Sans doute une des plus belles de l’histoire. Des buts de malade, Georges Bregy et sa moustache, des matchs à se lever de son siège et surtout des cartons rouges archi-mythiques. Parmi ceux-ci, celui récolté de fort belle manière par l’un des Brésiliens les plus fameux de l’équipe qui sera sacrée championne du monde. Retour sur un geste que personne n’a oublié.

Lieu : Stanford Stadium de San Francisco.
Date : 4 juillet 1994.
Match : Brésil – Etats-Unis (1-0) en huitièmes de finale.
Fautif : Leonardo.
Victime : Tabare Ramos.

Le contexte :

Etats-Unis, 4 juillet, jour de la Fête d’Indépendance ou plutôt Independence Day, le film avec Will Smith les aliens en moins. En ce jour de fête nationale de l’année 1994, le football s’offre une vitrine inestimable dans un pays où le soccer n’est pas roi, il n’est qu’un sport de gonzesses qui ne sont pas assez jolies pour faire cheerleaders. Pour la première fois de son histoire, la Team US atteint la seconde phase du tournoi mondial. Bon on le concède, c’est totalement faux. Les States ont déjà joué une demi-finale en 1930, mais vu l’époque ça ne compte pas pour de vrai. Pour ce match de gala, les Yankees affrontent tout simplement la meilleure équipe du monde et le futur vainqueur, le Brésil. La FIFA jubile : quelle meilleure publicité pour le football dans un pays où elle cherche à tout prix à gagner des parts de marché ?
Une rencontre qui oppose le mythique Brésil aux presque amateurs Américains. D’un côté des Brésiliens figurant clairement parmi les grands favoris de la compétition, comme toujours, possédant dans leurs rangs certaines des stars incontestées du moment, parmi lesquelles Romario le mendiant du carton. Un mec qui quémande systématiquement un carton auprès de l’arbitre à chaque fois qu’une faute est commise sur lui, mimant de façon ridicule l’arbitre qui distribue un carton. Même à mon jeune âge qu’est-ce qu’il pouvait me gonfler celui-là. Une équipe qui séduit également une grande partie du public car elle pratique un football champagne, car elle rentre sur le terrain en se donnant la main et surtout car elle fête ses buts d’une manière sympathique. Bref, trois bonnes raisons d’adorer cette équipe du Brésil.


Mais qu’est-ce qu’ils sont sympathiques ces Brésiliens !

De l’autre côté des Amerloques qui outre de susciter un engouement légitime de leur propre public, suscitent également des élans de sympathie de la part de l’ensemble des observateurs plus neutres. Il est certain qu’au début des années 90, les Etats-Unis font figure de pays à la mode qui fait rêver l’ensemble de la planète. On collectionne les cartes de basket de NBA dans les préaux, on va manger dans les nouveaux McDonald’s qui viennent d’ouvrir leurs portes un peu partout et la sortie de la dernière grosse production hollywoodienne est un événement mondial qui nous bombarde de produits dérivés. Il faut dire que c’est toujours un peu le cas, mais on est, il est vrai, désormais plus méfiant à l’égard du pays de l’Oncle Sam. On s’est finalement rendu compte qu’on s’est bien fait avoir toutes ces années…  Non, la sympathie autour de la Stars and Stripes relève d’un autre phénomène que de la sempiternelle admiration béate envers les gagnants de la Guerre Froide. Il s’agit avant tout de s’identifier à l’un des petits poucets de cette compétition qui possède des joueurs de charisme. De la rock star Alexi Lalas en passant par le catcheur à mulet Marcelo Balboa, sans oublier le mythique rastaquouais Cobi Jones, tous sont des joueurs qui ont marqué le public par leurs fantastiques dégaines.
C’est donc un choc inédit qui se profile en ce 4 juillet 1994 à San Francisco et personne ne doute un seul instant, hormis le supporter américain moyen qui pense naïvement que son pays est toujours le meilleur dans tous les sports, que les USA ont une quelconque chance face à l’ogre brésilien. On se dit que l’addition risque d’être salée pour les Américains et que Tony Meola risque d’aller chercher un bon nombre de fois le ballon au fond de ses filets.


Les Américains en 1994 : un catcheur et une rockstar en défense.

Les faits :

Le début du match est sans grande surprise nettement dominé par la Seleção. On a l’impression d’assister à une partie digne des meilleurs Barça – Rayo Vallecano de ces dernières saisons. Cependant, contrairement à la défense du club madrilène perpétuellement en faillite, le système défensif US ne panique pas et ne rompt pas. Après quelques minutes, c’est même le pays hôte qui est proche d’ouvrir le score lorsque Thomas Dooley centre devant le but sans que le duo moustachu Lalas – Balboa ne puisse toucher le ballon et ouvrir le score. Les Brésiliens se procurent quelques occasions franches qu’ils manquent par malchance et maladresse mais autant Romario que Bebeto se cassent les dents sur un rideau défensif épais et combatif qui s’impose systématiquement dans les duels aériens. En même temps vu la tête de Lalas et Balboa, on comprend que Romario et compagnie n’aient pas envie d’aller s’y frotter. A mesure que le temps défile, les petits génies Brésiliens se crispent et s’énervent, au contraire les sympathiques Américains prennent courage et luttent becs et ongles sur chaque ballon.
Peu avant la mi-temps se produit alors l’impensable, sans aucun doute une des images de ce tournoi. Suite à une énième relance américaine depuis la défense, Tab Ramos, petit milieu de terrain travailleur, tente de passer balle au pied le jeune latéral droit Leonardo, révélation brésilienne du tournoi. Le long de la touche, le numéro 9 américain tente un dribble audacieux qui ne surprend pas l’un des meilleurs latéraux de la compétition. Malgré sa perte de balle, Ramos lutte pour récupérer immédiatement le cuir et accroche la manche du maillot du futur directeur sportif du Paris St-Qatar. Ce dernier, sans que l’on puisse comprendre réellement pourquoi, envoie un coup de coude d’une violence inouïe que Mauro Tassotti ou même Daniele De Rossi n’aurait pas renié. Un coup qui vient frapper Tab Ramos en plein visage. Complètement sonné et choqué, l’Américain s’effondre au sol.
L’auteur du geste semble dans un premier temps vouloir continuer à jouer comme si de rien n’était. Ben oui, après tout Monsieur je mets des coups d’épaule aux arbitres dans les couloirs du vestiaire n’a pas peut-être tout simplement rien remarqué. Voyant que l’arbitre Joël Quiniou siffle et qu’un peu tout le monde accourt vers le lieu du crime, Leonardo décide d’aller s’inquiéter du sort du pauvre Tab qui se tortille au sol tel un ver de terre en train de dessécher au soleil. Sans hésiter, l’arbitre français sort immédiatement son carton rouge pétant et les coéquipiers de la victime bousculent le fautif. Le pauvre Ramos s’en sortira avec une pommette fracturée et plusieurs semaines d’hôpital. Il écopera également sur la civière d’un carton jaune pour avoir accroché le maillot de son adversaire. Sans doute le premier mec averti dans une civière.


En maillot ou en costard, toujours se méfier des coups de sang de Leonardo.

Réduits à dix, les Brésiliens vont peiner mais ils vont néanmoins réussir à passer l’épaule sur un but de Bebeto qui, pour une fois, ne manquera pas l’immanquable. Une défaite au final plus qu’honorable pour des Etats-Unis qui sortent la tête haute de leur tournoi. Nul doute que sans cette expulsion la marque aurait pu être beaucoup plus sévère. Quant à Leonardo, il écopera de 4 matchs de suspension et manquera ainsi la fin du tournoi qui verra son équipe parvenir au sacre. Une décision plutôt clémente lorsqu’on pense aux 8 matchs infligés à Tassotti pour un geste similaire… Le principal intéressé jurera ne pas avoir fait exprès, on veut bien qu’il n’ait pas cherché volontairement à frapper aussi violemment l’Américain au visage, mais en même temps si tous les joueurs qui se faisaient retenir par le maillot réagissaient de la sorte, il y aurait probablement plus de commotions sur les pelouses de foot que sur la glace au hockey !
On retiendra ce geste comme un souvenir absolument collector de la Coupe du Monde la plus exaltante de ces dernières décennies. Un souvenir qui vient s’ajouter à de nombreux autres comme les arrêts incroyables de Michel Preud’homme, le dramatique autogoal d’Escobar, le Mexicain Bernal qui détruit son but et bien sûr la moustache de Georges Bregy. Une putain de moustache !

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2 Commentaires

  1. Excellent.

    Joel Quiniou, n’avait-il pas déja sorti un carton rouge en 1986 sauf erreur contre un Uruguayen dans la première minute de jeu ?

    C’est marrant, je ne me souviens pas comme l’édition de 1994 comme étant une grande édition de la Coupe du Monde (1990 m’avait semblé bcp plus passionnante), mais ce sentiment est sans doute basé sur le peu d’intérêt du 0-0 en finale.

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