Se faire bien (re-)mettre (à sa place)

A force d’attendre le grand test, à force d’attendre de voir ce que l’on vaut vraiment, à force de voir la concrétisation des promesses d’avenir, à force de se dire que le grand rendez-vous viendra, il faut bien accepter un jour que ce moment est passé. Et qu’à la place des espoirs vient celui des constats. C’est à ce moment-là, en général, qu’on se rend compte que le chemin parcouru n’était pas si impressionnant.

Ce soir Wayne Rooney est entré dans l’histoire du football anglais en marquant ce 50ème but qui fait de lui le meilleur buteur de la nation. Wayne Rooney avait marqué à 17 ans à l’Euro au Portugal. Il a illuminé Manchester United de sa rage de vaincre et de son talent. Certes, il n’a jamais eu la classe d’un Gerrard, le touché de balle d’un Beckham, l’intelligence d’un Lampard, mais il a, avec son propre style, réussi à parcourir son chemin pour être cet immense joueur que l’on ne peut qu’applaudir.En face, il y avait l’équipe de Suisse. Une bande de faiseurs de football, issus d’un pot pourri de plusieurs générations qui furent des petits génies en herbe à une époque mais qui se sont vite aperçus à quel point la vie peut ne pas ressembler à ce qui est prévu. Des petits Parisiens qui font le Cours Florent pour décrocher un rôle dans Plus belle la vie. Des petites filles qui ne bouffent plus pour faire mannequin mais finissent par faire du porno à force de faire des photos de nu. Des jeunes gamins passionnés de musique qui veulent devenir les nouveaux Beatles mais qui animent des mariages. Bien sûr il y a toujours un bon guitariste dans les mariages, un mec auquel on peut croire dans des séries de merde françaises et même des actrices pornos qui nous convainquent que la plomberie laisse à désirer en occident. Mais tous ceux-là restent en deçà de ce qu’ils s’étaient vus rêver être. Peut-être parce qu’ils ne sont pas Wayne Rooney. Peut-être aussi parce que, sur l’échelle de beaucoup d’autres, ils sont nuls.

Samedi, contre la Slovénie, nous avons eu droit à une boucherie dans le genre spectacle consternant pendant 80 minutes. Sauvé par une fin de match (qui maintenant nous paraît tenir davantage d’une très bonne réussite que d’un élan qualitatif) trompeuse. Les Anglais ont bien rappelé à la Suisse à quel point elle était petite et insignifiante à la table du football, à laquelle on se gargarise depuis bientôt 12 ans à revendiquer de pouvoir prendre un peu place. Déjà qualifiés et mettant autant d’engagement que lors d’un match de charité contre des enfants aveugles et leucémiques, les pensionnaires de l’immense Wembley ont quand même réussi à éteindre totalement des adversaires qui, soi-disant, avaient tout à prouver, voulaient créer quelque chose, voulaient se qualifier.
Ces adversaires ont pour capitaine un Inler sur le déclin et décrié qui fut le meilleur joueur sur le terrain mais qui va gentiment éteindre sa carrière dans un club qui finira à la 15ème place de Premier League. Pour meilleur joueur, ils ont un gnome aux fraises ces deux derniers matchs, incapable de tirer un seul corner correctement, enchaînant les dribbles aussi inutiles que tape-à-l’oeil. Des attaquants qui attendent leur heure mais qui commencent à devenir trop vieux pour être encore considérés comme des espoirs. Une défense qui panique à la moindre accélération de jeu. Et un jeune prodige qui se faisait secouer comme une boule à neige pour touriste par les défenseurs british.
Bien sûr il y a toujours deux latéraux talentueux (et on sait à quel point un latéral pèse quand il n’a personne pour suivre son élan) et un gardien très correct (qui a quand même ramassé quatre buts en deux jours). Mais la vérité, c’est que cette équipe n’a fait que décliner depuis la Coupe du Monde brésilienne, alors même qu’à l’époque, elle n’était pas flamboyante. Car le fond de la question est bien là. Oui, sans doute allons-nous fêter une qualification dans un mois. Se réjouir à juste titre de faire partie de cette famille des «toujours présents». Mais avec quelle sorte d’espérance attendrons-nous l’Euro ? Il n’y a même plus la place pour nos idiotes illusions de l’année passée ou de 2006. Aucun mirage qui peut offrir cette jolie naïveté qui fait apprécier les avant-matchs et la compétition.
Ce soir, Wayne Rooney n’a pas seulement laissé sa marque dans 150 ans de football anglais, il a aussi fermé la gueule à 11 ans de football suisse. Le test a échoué. Et l’on n’a même plus droit à la mention «peut mieux faire»…

Angleterre – Suisse 2-0 (0-0)

Wembley, 75’751 spectateurs, 0 ambiance.
Arbitre : M. Rocchi (It).
Buts : 67e Kane 1-0, 84e Rooney 2-0.
Angleterre : Hart; Clyne (68e Stones), Cahill, Smalling, Shaw; Milner, Shelvey (57e Kane), Delph (3e Barkley); Oxlade-Chamberlain, Rooney, Sterling.
Suisse : Sommer; Lichtsteiner, Schär, Klose, Rodriguez; Behrami (79e Dzemaili), Inler, Xhaka; Drmic (63e Embolo), Shaqiri, Stocker (72e Seferovic).
Cartons jaunes : 28e Milner, 71e Smalling.

A propos Robin Chessex 70 Articles
...

Commentaires Facebook

5 Commentaires

  1. Excellent commentaire ! Equipe nationale en régression constante depuis 1 an. Il est temps de changer plusieurs joueurs au rendement plus que famélique !

  2. Nulle cette Nati ! Y’avait vraiment moyen de faire au moins match nul face à cette Angleterre peu concernée et franchement médiocre. Attention à la peau de banane lors des deux derniers matchs, surtout le tout dernier en Estonie…

  3. Tu crois pas que t’y vas un peu fort quand tu dis que Rooney a fermé la gueule à 11 ans de football Suisse ? Déjà ils ont eu que 3 jours pour récupérer du match contre la Slovénie (merci l’UEFA) ensuite si Petkovic avait titularisé Embolo peut-être qu’ils auraient perdu que 1-2 voire fait 2-2. Je préfère retenir les 67 premières minutes qui étaient plutôt pas mal et oublier le reste.

  4. Il y’a quand même beaucoup d’aigreur dans ce papier,légitime dans le sens que l’on aimerait mieux ou s’attendrait à mieux avec la Nati,mais on pourra dire que la Suisse est vraiment nul à ch…le jour où elle terminera chacune de ses campagnes à la 5ème ou 6ème place(comme la Grèce présentement).
    Le monde évolue,le foot aussi.L’islande qui se qualifie pour sa toute première fois alors que pendant longtemps ils étaient bien naze.L’Autriche qui joue les terreurs! (1ère quali à l’Euro en dehors de 2008).Qu’est ce qu’on peut espérer encore ? un exploit à la Danemark ou Grèce ou Corée 2002,,mais cela resterait un fait exceptionnel,on ne sera jamais l’Allemagne,l’Italie,Le Brésil,L’Argentine, comme près de 200 nations sur cette planète quoi…Dans un très lointain futur je ne sais pas,mais actuellement c’est comme ça.NB:en effet attention à la peau de banane face à l’Estonie…si ça arrive lol ça va se déchâiner!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.