Simple et Funky, le Costa Rica

Les Ticos imitent le jeu grec pendant une heure. Puis les enfoncent à grands coups de péniches.

1. Le résumé.C’est pas le compte-rendu le plus simple à rendre, vu le merdier qui règne autour de moi. Je suis à San José et tout le monde a perdu son calme. 
Le pays presque entier est dans la capitale et l’ambiance est gigantesque. Vingt-quatre ans après le miraculeux huitième de finale en Italie, les Ticos entrent dans les huit meilleures équipes du monde (les vraies hein, pas le classement FIFA !). 
En ce qui concerne le match (ça fait longtemps, il y a eu plus ou moins 23 bières entre temps), je me souviens d’un round d’observation où chacun pose un peu son jeu et se rend compte que l’adversaire a le même. De Ticos qui ouvrent la marque et du monde qui semble s’effondrer autour de moi. D’une carte rouge au héros local, Oscar Duarte, puis d’un jeu de dupe durant lequel les Costaricains réalisent une folie : produire un foot grec. 
En face, contraints de construire, les bleus n’en croient pas leurs yeux. Le gardien tico Keylor Navas est de toutes les gonfles. Le match est terminé lorsqu’un Papastomachin-chose égalise. L’agonie tica dure encore une demi-heure et, aux pénoches, le petit gars de San José, Michael Umaña, marque le dernier qui envoie le Costa Rica dans la stratosphère. 
Ça n’a peut-être aucune gueule vu d’Europe (c’est peut-être aussi parce que personne n’aime regarder un match sans connaître un seul des joueurs. J’ajouterais même que ce football tactique et patient aurait probablement séduit s’il était pratiqué par plus capé, mais cette parenthèse a assez duré), mais vu d’ici, c’est une révolution ! Au moment du goal, on bondit dans la rue. Il est 21 heures, le match est terminé depuis 6 heures et des dizaines de milliers de personnes gueulent encore sous mes fenêtres. Un délire sud-américain de pays sous-estimé et complexé qui fait du bien à l’âme. 
2. L’homme du match.
Jorge Luis Pinto est le coach colombien du Costa Rica. Il fait des miracles avec sa troupe de sans-grades. Après les changements gagnants durant les poules, il livre le catenaccio contre la Grèce et offre le cinquième pénalty à un arrière-gauche qui n’a jamais quitté le championnat du Costa Rica. Ce soir, le peuple lui propose la nationalité costaricaine pour son aide à la patrie. Il a dit que ça sert à rien la nationalité costaricaine. C’est pas faux. 
3. La buse du match. 
Patrick Pemberton, gardien remplaçant du Costa Rica qui prend un jaune pour gueulage sur son banc. 
4. Le tournant du match.
Les hurlements orgasmiques dans mon bar au but de Bryan Ruiz. La mort qui rôde à l’égalisation. Et puis une sorte de grimpage aux rideaux collectif durant les tirs au but. 

5. Le geste technique du match.
Le penalty de Joel Campbell. Usé jusqu’à la moëlle après des centaines de kilomètres de courses inutiles pour défier des géants barbus sur des ballons balancés par ses copains de derrière, il chancelle mais marque. 
6. Le geste pourri du match.
Les commentaires condescendants sur les forums de la presse spécialisées d’imbus, certains de leur science qui vouent aux gémonies les héros grecs et costaricains pour la faiblesse du spectacle présenté. 
Le fait d’ignorer tout de deux équipes ne devrait pas faire nécessairement de leur football de la chair à canon. L’usure tactique célébrée par les mêmes connaisseurs chez des nantis et interdite ici aux équipes surprenantes m’a gavé. Cette réaction épidermique n’est pas très éloignée des complots qu’on attribue à la FIFA en arguant de la partialité de ses arbitres pour telle ou telle sélection. Pardon, ça devait sortir. 
7. Ce match m’a fait penser à… 
Un gâteau des rois un peu dégueulasse mais où tu chopes la fève quand même. 
8. L’anecdote.
La rencontre de deux mondes cet après-midi à San José. A midi, la gay pride défilait en ville. Toutes sortes d’hurlus et toutes sortes de berlues s’égayaient à poil sous les yeux véreux des ecclésiastiques au pouvoir. Le défilé rencontrait sur la place de la Démocratie la masse de testostérone nationaliste réunie pour encourager les beaux gosses de la sélection. La cordialité de cet affrontement laisse augurer des jours meilleurs pour un pays où sont interdits : le mariage gay, l’avortement, la fécondation in vitro et l’armée (cherchez l’intrus, il est à la fin). 
9. Le tweet à la con.
#COSGRE Il est trop fort ce Karagacaragothourougarakounigatournoupathapapoulosati. 
Ce message dépasse la limite de 140 caractères, veuillez le réduire.
10. La rétrospective du prochain match.
Face aux Pays-Bas, le sélectionneur tico rejoue le coup du mimétisme. Furie offensive, jeu long, débordements rageurs, les Bataves regardent les Ticos les imiter, rêveurs. A la troisième tentative, Bryan Ruiz parvient à refaire le plongeon-coup-de-casque de Van Persie, mais la balle passe au-dessus. Arjen Robben se fend la colonne vertébrale en simulant un attentat dans les seize mètres des Costaricains. Il sort sur une civière en emportant le ballon qu’il refuse de céder à qui que ce soit. Balles neuves. Egalité au bout des prolongations. Les Costaricains l’emportent 5 à 0 aux tirs au but, Keylor Navas est le meilleur gardien du tournoi, ça fait un mois que je vous le dis. 

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7 Commentaires

  1. « Le fait d’ignorer tout de deux équipes ne devrait pas faire nécessairement de leur football de la chair à canon. »

    Tout est dit. Au passage, si quelqu’un de la TSR passe par là, peut-il coller une baffe à Massimo de ma part ?
    Merci

  2. Carton Rouge a son envoyé spécial à San José et ça respire le vécu émotionnel

    la TSR a le sien en vacances à Rio et ça respire les stéréotypes de suffisance

  3. @Gregory
    Tu sais, je ne note pas mes propres commentaires.
    Ca doit etre un des journos de la RTS qui a du venir défendre son chef. ….on se soutient dans la grande maison si on veut garder ses avantages…

    parfait ton article. Le passage sur le geste pourri du match fait mal !!

    Come on you Costa Rica …

  4. @Paul
    Verstanden ! Merci pour l’éclaircissement. J’avais compris à rebours. Que CC notait l’article alors que c’était un visiteur qui notait le commentaire… bref, je débute.
    Pardon pour la gêne.
    Je regarderai la Suisse de mon bar favori, le Ciros (je jure que le bar s’appelle le Ciros…), à 10 heures du matin demain.
    Schwizer Nati é, alééééé

  5. En Grèce, un journaliste, reprenant ton excellent article, t’appellerait: « Grigoris Zaquette ». Comme quoi les noms…

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