Six pieds Suter

Nullissime. Il n’y a pas d’autres qualificatifs décents pour définir le bilan de la délégation helvétique lors de l’édition 2011 des Mondiaux de ski. Excessivement confiants et incapables de poursuivre les efforts réalisés lors de la bonne campagne de Val d’Isère deux ans plus tôt, les responsables de cette déroute vont devoir se remettre en question, et vite.

Une seule et maigrichonne médaille d’argent. Le résultat global de l’équipe suisse de ski a atteint un niveau du ridicule rarement égalé. Se plaçant derrière des nations telles que le Canada, la Slovénie ou encore la France, les Helvètes auront été la risée des championnats du monde de Garmisch-Partenkirchen, renforcée encore par l’accumulation du plus mauvais accessit, soit la médaille en chocolat. Entre sorties de pistes, chutes et contre-performances à profusion, la Suisse s’est surpassée dans le grotesque le plus total.
 
Seul coureur à échapper (un peu) à la critique, Didier Cuche. Ayant donné le maximum lors de la descente, il est toutefois passé à côté du géant et surtout du super-G. Reste qu’avoir comme meilleur élément dans sa délégation un coureur avec un pouce cassé et proche de la retraite, ça la fout mal. Les autres ? Silvan Zurbriggen s’est foiré comme jamais en collectionnant les éliminations avec une régularité de métronome ; Dominique Gisin et Fabienne Suter se sont montrées égales à elles-mêmes, c’est-à-dire insuffisantes. La dernière a même prétendue ne pas être faite pour les grands événements. À ce stade, autant prendre sa retraite sur-le-champ ! Beat Feuz s’est quant à lui mué en Joël Gaspoz ; Marc Berthod a encore prouvé qu’il était au bout du fart alors que la morale empêche de qualifier les performances de Marc Gini et de Sandro Viletta de manière non insultante. Ne pas figurer dans le top 20 est une chose, se faire surclasser par d’improbables skieurs tchèques, slovaques, japonais voire même argentins en est une autre.

N’oublions pas non plus le naufrage intégral de notre équipe lors de la Coupe des Nations. Si cette compétition est risible, inutile et conçue dans le seul but d’offrir une session de rattrapage aux pays qui n’ont pas assuré lors des vraies disciplines, on peut utiliser les mêmes adjectifs pour qualifier la «performance» de nos quatre représentants qui, faut-il le rappeler, ont réussi l’exploit de se faire laminer par la Suède. De son côté, Lara Gut, après avoir trop assuré en super-G et crevé au pied du podium, a cru bon d’attaquer à outrance dans le slalom du combiné. Résultat : une chute spectaculaire, une blessure stupide et une nouvelle désillusion en descente deux jours après. Quant à Carlo Janka, il lui a manqué d’évidentes qualités de cœur si chères aux Ajoulots pour prétendre à mieux. 
 
Mettre en évidence les blessures et le manque de chance comme justificatif de la débâcle de Garmsich serait prendre les gens pour de parfaits crétins. La Suisse s’est totalement foiré et les patrons de Swiss Ski auront des comptes à rendre. Le pire dans tout ça, c’est que certains essayent encore de leur trouver des excuses. Franchement, on aime bien William «un petit peu» Besse mais l’entendre dire que ce bilan n’est pas un échec a quelque chose de pathétique. Cela traduit un manque d’ambition dramatique pour un pays qui se doit d’être à la pointe du ski mondial. Alors oui, ces Mondiaux sont un échec sur toute la ligne et il n’y a pas de honte à le dire. Notre pays qui termine à la neuvième (!) place du classement des nations avec une misérable breloque, c’est comme si le Brésil était éliminé au premier tour de la Coupe du Monde. La Suisse est une nation de ski et ne peut pas se contenter d’un résultat aussi faible. Ne pas critiquer ce bilan reviendrait à se complaire dans la médiocrité, ce dont on a pourtant l’habitude…
 
Entendre Mauro Pini se satisfaire des places d’horreur (oui oui, d’horreur) acquises ça et là est prodigieusement consternant lorsque l’on sait que seuls les médailles comptent. La théorie de Bertrand Dubuis, qui considère que les attentes étaient trop grandes et que les médias mettent trop de pression sur les athlètes, est également à jeter à la poubelle. Les skieurs helvétiques ont toujours été attendus au tournant et très suivis par les médias. Ils savent vivre avec cette pression, ce n’est pas comme s’ils étaient dans l’ombre durant la saison régulière. Avancer cette excuse est donc aussi crédible qu’accuser la neige ou la déclinaison de la piste. Après, compte tenu du forfait de Défago et de la santé fragile de Janka, pourquoi les têtes pensantes de Swiss Ski n’ont-ils pas vu leurs ambitions légèrement à la baisse ? Plutôt que six breloques, il aurait été plus intelligent d’en viser quatre. Vu que le mental de nos skieurs est aussi solide que la situation politique dans le monde arabe, cela aurait peut-être décrispé certains. Mais c’était aussi sans compter sur les sempiternelles excuses d’un tracé trop difficile, trop dur, trop gelé, ou encore sur le matériel inadéquat. Cuisant aveu de faiblesse.

Bref, ce fiasco montre un fâcheux manque d’efficacité de notre fédération, elle qui a déjà démontré d’inquiétantes lacunes en matière de management et de gestion sportive du cas Lara Gut notamment. Le manque de profondeur de la relève ne finit pas d’inquiéter et on en est désormais à brûler des cierges pour que Didier Cuche ne termine pas sa carrière cet été. Aussi prometteurs soient-ils, les Justin Murisier, Reto Schmidiger et autre Wendy Holdener ne vont pas exploser tout de suite. Quant à Beat Feuz et Sandro Viletta, ils vont bientôt obtenir l’étiquette peu glorieuse d’éternels espoirs – à croire qu’ils été formés au LHC. Et inutile de dire que voir notre rivale l’Autriche sortir chaque année des jeunes talentueux et dominer à ce point ce sport est aussi frustrant que de mater un porno avec les mains attachées. Gageons dès lors que la débâcle de ces Mondiaux agisse comme un électrochoc et mette Swiss Ski devant ses responsabilités, soit de refaire de la Suisse la première nation du ski ! 

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10 Commentaires

  1. Après avoir trouvé notre TSR nationale d’une complaisance pour le moins surprenante, je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul pour qui les seuls qualificatifs convenables pour la prestation de l’équipe de Suisse sont honteux ridicule ou pathétique…

  2. @M.

    Doit-on rapeller une 7’802’842ème fois la teneur des articles de Carton Rouge ?!
    Si tu veux un compte rendu, lit le Temps et ne poste plus ici !

  3. En même temps, les résultats sont conformes à ceux de Coupe du Monde où seul Cuche se retrouve assez régulièrement sur le podiums. Janka vit une saison noire, Zurbriggen a eu un mois de folie mais depuis quelques semaines il enchaine les contre-performance. En slalom, on n’a personne. Et les filles font un podium de temps en temps, mais à part Gut en Super-G, aucun d’elle n’est dans le top 10 d’une discipline.

    Ce qu’on peut leur reprocher, c’est de ne pas avoir été capable de se surpasser pour l’évènement à l’image des Italiens.

    Après, faut bien constater que la relève n’est pas dense. Mais merde, même les Autrichiens aimeraient avoir Janka et Gut dans leurs rangs !! 🙂

  4. Il y a un grand fond de vérité dans cet article mais je suis quand même obligé de réagir sur certains points:

    « De son côté, Lara Gut « … » a cru bon d’attaquer à outrance dans le slalom du combiné. Résultat : une chute spectaculaire, une blessure stupide et une nouvelle désillusion en descente deux jours après »

    Ca se saurait s’il suffisait d’assurer et de skier avec le frein à main pour gagner une médaille.. Pour une fois qu’on a une sportive suisse qui a soif de victoire et qui ne veut pas se contenter de places d’honneurs, on critique.. On a bien vu avec Feierabend, la « grande spécialiste » du slalom, qu’est-ce qu’il arrivait quand on attaquait pas à outrance!

    Autre point de correction, le cas Beat Feuz. Un super skieur qui a depuis ces titres juniors été freiné dans sa progression par de graves blessures à répétition.. Cette année montre très clairement qu’il est en train d’atteindre un palier et il y a de fortes chances qu’il monte très prochainement sur des podiums. Son cas n’est de loin pas entendu… En ce qui concerne Villetta, je partage votre avis et je pense que l’on peut déjà lui coller la fameuse étiquette peu glorieuse…

  5. A j’oubliais:

    Un article demandant la démission de cet incapable de Urs Lehmann m’aurait semblé tout à fait actuel.. Il est dans tous les mauvais coups depuis qu’il est arrivé à la tête de Swiss-Ski…

  6. Je trouve quand même cet article un peu dur pour les athlètes. Je suis tout à fait d’accord que les espoirs de la fédération étaient trop élevés au vu de l’état des troupes. S’il y a un problème en Suisse c’est bien la formation! Quand on voit qu’il y a seulement 2 sports études plus ou moins dédiés au ski dans toute la Suisse dont 1 à Brigue qui a été mis sur place il y a seulement quelques années c’est peu en comparaison de l’Autriche!
    Donnons les moyens aux entraineurs juniors et mettons en place des structures viables avec des aides pour les coureurs prometteurs qui n’ont plus les moyens financiers de continuer la compétition!

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