SUAREZ 2 – ROONEY 1 : et pourtant elle tourne

Ma mère m’a toujours dit que si un jour j’avais la chance d’écrire un article, je ne devais pas commencer par parler de moi. Et pourtant, ce moment il est là : assis devant un match de foot de la Coppa, ordinateur allumé pour écrire le premier article de ma vie. Après des années d’efforts, d’abnégations, de souffrances et d’allégeances, de traitements, de thérapies et autres formations spécialisées, me voici enfin en position de journaliste ! Et pour CR en plus, un rêve se réalise finalement. Au programme, un match-clé : deux équipes qui ont déjà perdu, mais qui ne seront pas forcément éliminées en cas de défaite, et qui ont déjà remporté le grand trophée, bref du sport ! La grande classe !

1. Le résumé.Ah oui, juste un petit détail : je ne connais rien au foot ! Mais rien, de rien. Deux ou trois matches par années, au grand maximum, pour le reste je n’y comprends vraiment que dalle. Du coup j’ai invité un pote valaisan, entraîneur du club de F……, pour qu’il m’explique la combine. La tactique et les joueurs, il doit m’aider. Pour le reste, on s’en occupe. Le stade brésilien est rempli, à moitié blanc, à moitié bleu, mais avec un bon tiers de Brésiliens quand même précise le commentateur. Sortez les verres, la soirée peut débuter.
L’entraîneur aux 13 étoiles commence par la tactique : « Suarez est sur le terrain, sûr et certain. Mais t’as vu aller comment, le sélectionneur a complètement changé l’équipe… Ils ont pris la rouste contre le Costa Rica, peuvent pas continuer comme ça ! » Et chez les English ? « Roy a gardé les mêmes joueurs, mais il a replacé Rooney dans l’axe…  Mais tu peux être sûr qu’ils vont jouer avec le même système de bedjuis ! Avec rien, deux schémas et puis c’est tout. Ils peuvent juste compter sur les 2-3 cadors ! »
Et c’est justement Wayne Rooney, « l’attaquant anglais qui n’a jamais marqué un but de sa vie pendant une Coupe du Monde » qui ouvre les bouchons. Un coup-franc « à ça de dieu ! »   10e minute 0 à 0, l’expert en buvette-raclette est lancé, on peut se servir un truc à boire, c’est bien parti.
On ne voit pas des gestes géniaux, ni des actions splendides. « Tactiquement, ils se passent rien. Les Anglais gardent le ballon, ils avancent, mais à 2 km/h. Tu vois, ceux de la Céleste jouent plus rapidement. Ils font les contres et balancent les ballons, un peu à la manière de britishs ! Mais des choses pareilles ! » 30e minute, le match est plus calme, on ouvre une autre bouteille pour poursuivre l’analyse.
Gerrard tire un coup-franc sur la tête de Rooney qui trouve la barre transversale. Une malédiction selon le commentateur, « il arrivera jamais à marquer, ça fait 100 ans qu’il a le maillot, pas mis une ! » rajoute l’entraîneur valaisan. « Tu vas voir c’est Suarez qui va scorer ! Il est trop fort ».  Une analyse un tantinet péremptoire, mais évidemment prémonitoire. On remplit les verres.
39e minute, Gerrard perd le ballon au milieu de terrain, le contre est rapide. Depuis la gauche Cavani place le ballon sur la tête du plus Liverpoolien des Uruguayens : c’est l’ouverture du score. « Mais t’as vu aller comment ? Ils bougent pas les Britons, rien, pas un millimètre, sont morts ! » La tête de Suarez est remarquable, c’est logique. Rooney est hagard, Hodgson aussi. On sort la charcuterie.
La fin de la première mi-temps est plutôt à l’avantage des Anglais, mais rien de concret. Ils cherchent, provoquent, pour pas grand-chose au bout du compte. La défense uruguayenne ne semble pas exceptionnelle, mais l’attaque des Three Lions ne ressemble vraiment à rien de spectaculaire. « Des contres ou des exploits, mais rien d’autre ! »
Le début de la 2e est strictement identique, mais avec la manière Rooney. Il cherche, mais ne trouve pas. Provoque, mais « machin, il peut tirer 600 fois au but, il en mettra pas une ! » La malédiction se poursuit mais Rooney n’arrive rien à changer. Les premières raclettes arrivent.
Et puis viennent les exploits de Sturridge et ses dribles au milieu, de la passe de Johnson et de la conclusion dans le but vide de Rooney. Les Anglais égalisent à la 75e, « c’est la séquence émotion, il ne manque que la musique d’Ushuaia. » Rooney pleure presque, l’entraîneur valaisan aussi. 
La fin de match est un peu folle, les actions partent dans tous les sens. « Tu vois là, on en est vraiment à la manière du foot anglais des anciennes années… Et tu vas voir, ce sont les Célestes qui vont trouver le truc. Le plus british de tous c’est Suarez ! »
85e minute, Muslera dégage, Gerrard dévie de la tête au milieu, Suarez se retrouve seul, il marque, délire gigantesque dans le stade. L’Uruguay s’impose 2 à 1… « Tu vois là pour les émotions, c’est Beethoven musique ! » Le résultat est logique, Suarez a été meilleur que Rooney. L’Uruguay a simplement mieux maîtrisé le match tactiquement et physiquement parlant. Au cœur et au courage, un sentiment d’unité se dégage de la sélection. « Tu as raison pour l’équipe, mais ils doivent bosser un machin pour être au niveau des autres. » Les Anglais, eux, pleurent, sauf miracle on ne les verra pas en 1/8e. « On n’ose pas dire que c’est le syndrome Roy, mais à deux doigts quand même… »

Trois acteurs auront animé ce match : Rooney, Gerrard et Suarez. Rooney, un guerrier qui voulait marquer un but pour sauver son pays, mais un but qui n’a finalement servi à rien du tout. Gerrard, un capitaine des Three Lions qui a tout donné, qui a essayé de faire évoluer l’équipe, mais qui a offert la balle de match à l’adversaire. Et Suarez surtout, le blessé, l’opéré de dernière minute, le convalescent, mais tellement talentueux et buteur décisif. Le pays le moins peuplé à avoir remporté la Coupe du Monde, c’est l’Uruguay. Son nouvel héros se nomme Suarez. Pour fêter ça, on ouvre l’Abricotine pour la 3e mi-temps.
2. L’homme du match.
Suarez évidemment, il a touché cinq ballons et en a mis deux au fond. A chaque fois en fin de mi-temps, sur la vitesse, la technique, le placement ! Le talent pur. Mais du point de vue de l’entraîneur valaisan…. « Tu racontes n’importe quoi !!! On voit bien que c’est la première fois que tu écris un truc… Le meilleur ce soir c’était le gardien des Célestes : Muslera ! Il a tout arrêté, toujours bon sur les relances, bon placement, lui c’est un dragon ! »
3. La buse du match.
Roy Hodgson, clairement… Un système de jeu obscur, des joueurs tout le temps en train de discuter, de se replacer. Avec finalement des occasions uniquement sur des exploits individuels ou balles arrêtées. « Heureusement, il a une belle montre. Il l’a regardé son machin au moins 200 fois pendant le match ! »
4. Le tournant du match.
Le gardien Muslera dégage, Gerrard dévie de la tête, Suarez fusille. C’est la 85e, le but est splendide et relativise deux tonnes de théories tactiques. «Tu dis ça parce que t’as rien compris ! » me balance l’entraîneur valesco…
5. Le geste technique du match.
Le tacle de la tempe de Perreira pour arrêter Sterling dans les 16 mètres. Il arrive trois secondes trop tard et attrape la rotule de l’Anglais avec la tête. Il reste quelques secondes KO, mais se relève et veut reprendre le match malgré l’envie contraire des médecins. Envers et contre tous il termine quand même la partie à grands coups de tacles. Grandiose, crétin ou les deux ?
6. Le geste pourri du match.
Le tacle de bourrin, des deux pieds, de Gerrard. Un geste qui fâche l’éthique, l’ordre-moral, le bon comportement sur un terrain de foot, le respect, le fair-play, l’image du foot, les fabricants de chaussures, le jardinier du terrain de foot, l’éducation, le kiné de l’équipe d’Uruguay, la famille du joueur, ses amis, la bienséance, l’agriculture et le commerce brésilien, l’attitude, la formation des jeunes joueurs, l’état d’esprit, les organisateurs de la Coupe du Monde, la délégation anglaise, les entraîneurs de Liverpool, l’ambassade anglaise au Népal, le syndicat des défenseurs de droit populaire dans l’ouest de la Bordurie, les joueurs de pétanques asiatiques, les arbitres suisses, la fédération de peinture neuchâteloise, les artisans de Domat, les politiciens, les secouristes des stades de foot, les indécis, les maraichers, mais un geste qui m’a quand même bien fait rire…. 
7. Ce match m’a fait penser à…
L’entraîneur valaisan : «  Tu sais quoi ? Ce match, il m’a fait penser à Gravity, tu sais le film-là avec la Bullock. Tu sais très bien qu’elle va survivre un moment dans l’espace, c’est comme Rooney ! Puis après, elle essaie, elle avance, survit un peu, mais c’est pas un luxe non plus. Comme Rooney, la malédiction, comme disait machin de la télé avant… Et puis soudain c’est le but, il marque un but, c’est obligé, un goal ! Comme la Bullock dans le film, elle arrive sur la terre. Mais tu sais pas ? Tu sais pas si elle vivante, si elle arrive à marcher et à mettre des buts ? Comme Suarez ! Tu vois comme le Suarez ! Et machin il en plante deux. Et deux but d’expert, pas deux de barloukas ! Comme dans Gravity, pareil avec Suarez et Rooney dans le rôle de la Bullock ! Identique, la même chose ! »

8. L’anecdote.
Zlatan Ibrahimovic était présent lors de cette rencontre. Voilà encore un truc dont on se bat les corones mais qui a fait bien rire l’entraîneur valaisan : « machin il est venu avec le patron du PSG, tu sais toute cette équipe de là-haut, qui dirige tout là-bas. Mais tu peux être sûr qu’ils sont pas venus que pour soutenir Cavani, ils vont bien signer un ou deux trucs. Sûr ! »
9. Le tweet à la con.
ROONEY ? SYNTAX ERROR READY.
10. La rétrospective du prochain match.
L’Italie bat le Costa Rica et s’arrange ensuite avec l’Uruguay pour faire un match nul, vulgaire imitation du principe Allemagne – Autriche en 1982. Les Anglais gagnent leur match 8-0 pour rien. De dépit, les joueurs rentrent de manières dispersées pour éviter la presse. Roy, en plein doute, signe un contrat d’entraîneur avec le FC Sion. L’avenir est radieux.
L’Uruguay se qualifie pour les 1/8e, mais Suarez se blesse trois jours avant le match. Sera-t-il prêt pour la rencontre ? « faire une blessure comme ça, pour schinder l’histoire, c’est vraiment un truc de trou-du-cul. »

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2 Commentaires

  1. Haletant ce récit….mais just une chose, la soirée s’est bien terminée après l’abricotine ?
    Et pis, c’était Pierrot Carthoblaz ton coach de junior F ?

  2. Si l’Uruguay s’arrange avec l’Italie pour faire un match nul, ce serait amusant que le Costa Rica gagne dans le même temps contre les anglais.

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