Tétralogie septentrionale, acte IV

Le quatrième déplacement du Borussia Dortmund dans le Nord du mois de février aura été le plus abouti. Cinq minutes auront suffi au BVB pour prendre une sérieuse option sur la qualification contre une formation du Zenit Saint-Petersbourg à court de compétition et bien Neva-nescente.

Le quatrième déplacement du Borussia Dortmund au nord de ce mois de février était le plus septentrional mais aussi le plus important : le huitième de finale de Ligue des Champions aller à Saint-Pétersbourg. Même si tout est gelé, on nous apprend que la température est anormalement élevée pour la saison dans la région. Soit. Néanmoins il ne fait pas des chaleurs torrides dans ce stade Petrovskiy, situé sur une île avec des courants glacés qui remontent des canaux gelés voisins pour envahir de manière pénétrante les gradins de cette ruine antédiluvienne ouverte aux quatre vents. Gazprom est bien en train de construire une arène ultra-moderne de 70’000 places pour la modique somme d’un milliard d’euros mais les travaux, initiés en 2005, devraient tout juste s’achever pour la Coupe du Monde 2018 dont la cité des tsars accueillera une demi-finale. Lausanne n’a pas le monopole des projets qui s’éternisent même si les Russes, eux, au moins, ont une échéance en perspective…          

L’embuscade

La fermeture d’une tribune en sanction des débordements des fans locaux lors du tour précédent contre l’Austria Vienne, ainsi qu’une présence militaire et policière massive ajoutent au caractère un peu sinistre du décor. Autant on avait été ébahis il y a douze mois par la Donbass Arena à Donetsk, autant on ne gardera pas un souvenir inoubliable de ce stade Petrovskiy. Il semble que pour évacuer leur frustration d’être privés de stade, certains hooligans locaux aient décidé de faire la chasse dans les rues aux fans dortmundois, venus en masse, plus de mille, la plus forte invasion de supporters adverses pour un match de C1 à Saint-Pétersbourg. Je te rassure – ou en déçois certains, c’est selon – je ne fais pas partie de la cinquantaine de fans du BVB rentrés avec un nez cassé, des ecchymoses, diverses blessures ou une grosse frayeur après avoir goûté à l’hospitalité locale.
Pourtant, toujours fier de mes couleurs, j’ai souverainement ignoré les recommandations d’éviter de porter maillot, bonnet et écharpe du Borussia en ville avant le match et de ne pas se retrouver isolé en dehors des grandes artères. Mais la seule embuscade dans laquelle je suis tombé m’a été tendue par des fans bavarois du BVB et les seuls coups reçus ont consisté en quelques tournées de vodka suffisamment corsées pour que finalement la température du Stade Petrovskiy se révèle plus ou moins agréable (avec trois vestes, ça aide aussi). Les mecs ont fait 500 kilomètres depuis Augsburg pour prendre le charter des supporters à Paderborn mais ils ont, comme presque tout le monde, quand même décrété que j’étais « total verrückt ». Pas tellement à cause des quatre jours passés entre Hambourg, Hanovre et Saint-Pétersbourg mais bien parce qu’après un retour en Suisse le mercredi je planifie un nouveau départ pour la Ruhr le vendredi soir en vue de Dortmund – Nürnberg. Mais ça, c’est de la musique d’avenir.       

Le jour et la nuit

Zenit en huitième de finale, ça paraissait un bon tirage car les Russes, battus notamment par l’Austria Vienne, n’avaient pas laissé une impression transcendante au premier tour et devaient surtout leur qualification à un groupe peu relevé et à un sabordage du FC Porto, sous la forme d’une expulsion complétement idiote lors du match Porto – Zenit. Toutefois, ce club russe n’a rien d’un petit : après tout, à eux deux, Hulk et Witsel ont coûté plus cher que tout l’effectif du Borussia et on parle d’une équipe qui peut se permettre de remplacer Arshavin par le champion d’Europe Tymoshchuk après quinze minutes. Ceci dit, comme on l’avait déjà constaté contre un Donetsk a priori bien plus redoutable, c’est toujours un avantage de jouer ces formations de l’Est en huitièmes de finale, avant la reprise de leur championnat.
Démonstration en a été faite mardi dans l’ex-Leningrad : contrairement à l’entame de match timorée et dilettante qui nous avait exaspérés trois jours plus tôt à Hambourg, on retrouve le vrai BVB, agressif au pressing et déterminé à se projeter très vite vers l’avant. Cela suffira pour faire exploser un Zenit à court de rythme et de compétition et de surcroît mal organisé et peu concentré. Il paraît à peine possible que neuf des onze guerriers alignés au coup d’envoi par Jürgen Klopp sur les rives de la Neva avaient également débuté lors du naufrage des bords de l’Elbe le samedi précédent. Et pourtant… Cette agressivité et cet allant retrouvés du BVB allaient être vite être récompensés par deux buts : une percée de Marco Reus arrêtée irrégulièrement par Domenico Criscito mais conclue par Henrikh Mkhitaryan puis une triangulation limpide entre Henrikh Mkhitaryan, Kevin Grosskreutz et Marco Reus. C’est évidemment du délire dans le bloc jaune et noir, du moins parmi ceux qui ont réussi à traverser les contrôles de sécurité assez rapidement pour arriver à l’heure au stade. J’en faisais partie, après être même parvenu à sortir du cortège policier pour aller quérir une authentique écharpe du Zenit en cyrillique, une pièce sympa dans ma collection. En revanche, j’aurai échoué à faire entrer dans le bloc cet engin de mort que constitue un paquet de mouchoirs, va comprendre…     

L’Ecossais n’était pas avare

Après cinq minutes sur les cent huitante de la double confrontation, les Pöhler avaient déjà fait une bonne partie du chemin vers la qualification, surtout que la réaction russe s’est longuement fait attendre. Rien à signaler avant la pause, sinon une frappe de Mickey de Hulk facilement bloquée par Weidenfeller. Toutefois, pour avoir mal négocié quelques ballons de 0-3, notamment une frappe de Lewandowski détournée par le portier Lodygin, le Borussia a permis au Zenit d’y croire à nouveau, avec quelques poussées intéressantes du public malgré l’absence des ultras et un stade qui n’a rien d’un chaudron. Le Zenit reviendra par deux fois à une longueur. Tout d’abord sur une action confuse avec un contre favorable à mi-terrain, un hors-jeu oublié de Rondon, deux sauvetages dortmundois et une conclusion au forceps d’Oleg Shatov pour un but tellement chanceux qu’il serait tellement facile de faire un jeu de mot foireux avec le patronyme du buteur que je m’en abstiendrai. Puis sur un pénalty cadeau offert à Hulk par un quintette arbitral écossais guère avare de cadeaux envers la formation locale. 

Lewa mieux que Chappi

Heureusement, les Russes étaient également en veine de générosité et, après chaque réduction du score pétersbourgeoise, le BVB a pu profiter des largesses de la défense locale pour reprendre ses deux longueurs d’avance. Sur un contre rondement mené par le duo polonais Lukasz Piszczek et Robert Lewandowski, peut-être inspirés par la proximité de la mère patrie, pour le 1-3. Puis sur une relance exécrable de la défense du Zenit qui a permis à Marco Reus de lancer l’inévitable Lewandowski pour le 2-4. Et au passage, le Polonais devient le buteur le plus prolifique de l’Histoire en Coupe d’Europe du Borussia Dortmund, effaçant des tabelles un certain Stéphane Chapuisat. Des tabelles mais pas du cœur des supporters, même si, autant j’ai trouvé Lewa lymphatique et peu concerné à l’automne, autant l’annonce officielle de son transfert au Bayern Munich semble lui avoir paradoxalement redonné un peu d’intérêt pour la destinée actuelle du BVB. D’ailleurs, alors que certains joueurs sont rentrés directement au vestiaire après le coup sifflet final, lui semblait sincèrement heureux de faire partie de ceux qui ont bravé le froid pour venir faire quelques sautillements et chants avec nous. Cela aura au moins meublé trois des quarante-cinq minutes qu’il nous a fallu attendre après le match pour être autorisés à quitter ce stade glacial et désert. Les joies de la Coupe d’Europe.

     

La statistique du jour

Ces quelques minutes d’attente ne terniront en rien le bilan positif de ce petit déplacement dans l’ancienne capitale impériale. Un nouveau stade improbable à mon palmarès, une victoire de prestige contre un club sponsorisé par la même société que le rival Schalke 04 et une option intéressante sur la qualification en quart de finale, que demande le peuple ? Ce serait assez navrant de ne pas passer le cap après avoir pris un tel viatique au match aller. Et ce d’autant plus que, même si elle aura repris son championnat d’ici au match retour, cette formation russe, surtout sur le plan collectif, n’a rien d’un foudre de guerre. Statistiquement, les chances de se qualifier après une défaite 2-4 à l’aller à domicile doivent être assez faibles. De mémoire, je n’ai qu’un exemple qui me vienne à l’esprit : le FC Barcelone, vainqueur 4-2 à l’aller du 1er tour de la Coupe des Coupes 1984-1985 sur la pelouse du grand FC Metz, mais battu 4-1 au retour au Camp Nou. Et à ceux qui diront que cela vire à l’obsession, je les mets au défi de me citer, de tête, l’exemple d’un autre club éliminé après une victoire 4-2 à l’aller en déplacement. En tous les cas, si ça peut éviter à mon BVB de rejoindre les Catalans dans cette peu glorieuse statistique, je suis prêt à vivre un match retour sans suspense ni émotion. Comme le 95% des rencontres de cette Ligue des Champions en fait…  

Zenit Saint-Pétersbourg – Borussia Dortmund 2-4 (0-2)

Stade Petrovskiy, 15’099 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Collum.
Buts : 4e Mkhitaryan (0-1), 5e Reus (0-2), 57e Shatov (1-2), 61e Lewandowski (1-3), 69e Hulk (pénalty, 2-3), 71e Lewandowski (2-4).
Zenit : Lodygin; Anyukov (83e Smolnikov), Neto, Lombaerts, Criscito; Fayzulin (83e Kerzakhov), Witsel; Hulk, Shatov, Arshavin (15e Tymoshchuk); Rondon. 
 
Dortmund : Weidenfeller ; Piszczek, M. Friedrich, Papastathopoulos, Schmelzer; Kehl, Sahin; Reus (87e Hofmann), Mkhitaryan (70e Aubameyang), Grosskreutz (91e Durm); Lewandowski.
Cartons jaunes : 54e Anyukov, 69e Piszczek, 81e Fayzulin.
Notes : Zenit sans Shirokov, Ansaldi ni Danny (blessés), Dortmund sans Hummels, Subotic, Bender, Blaszczykowski, ni Gündogan (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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