Trilogie pascale : la Résurrection

Emmenés par les revenants Chikhaoui, Chiumiento et Gavranovic, le FC Zurich a mis fin à cinq ans de disette en remportant la Coupe de Suisse, son premier trophée depuis le titre en 2009. Mais entre gradins vides, débordements des supporters, match bloqué et polémiques sur l’arbitrage, cette finale «idéale» entre le FCZ et Bâle n’aura pas constitué la grande fête espérée du football suisse.

Après deux matchs avec à chaque fois six buts dans des ambiances superbes sous le chaud soleil d’Allemagne et de Hollande, il aurait été raisonnable de mettre à profit mon lundi de Pâques pour rentrer tranquillement au bercail plutôt que de me coltiner un pâle 0-0 dans un stade pas trop garni sous la grisaille et le froid helvétiques. Oui mais non… Autant j’ai de plus en plus de peine à m’avachir devant une télévision pour regarder du foot ou du sport, autant l’appel du match au stade finit toujours par l’emporter sur toutes autres considérations. Après, je ne te cacherai pas que j’ai maudit l’instant où j’ai négocié avec mon rédacteur en chef une accréditation pour cette finale de la Coupe de Suisse, lorsque le réveil a sonné sur le coup des 5h30 à Rotterdam histoire d’attraper le train pour Schiphol et le vol KLM qui devait m’amener à Berne via Bâle/Mulhouse.

C’est ça, la finale de rêve ?

Je trouve regrettable la propension qu’ont certains médias d’encenser systématiquement certaines daubes inintéressantes de foot étranger, notamment de Ligue des Champions ou une récente finale de Coupe du Roi, et de dénigrer tout aussi méthodiquement le football suisse, uniquement en raison du prestige des clubs et joueurs en présence, sans rapport avec ce qu’il se passe réellement sur et autour du terrain. J’espérais donc une belle finale, histoire de pouvoir écrire un peu de bien du foot suisse. Las…
La première mauvaise surprise vient des nombreux sièges vides du Wankdorf. Pourtant, on nous avait présenté ce choc entre les deux clubs ayant trusté les dix derniers titres de champion de Suisse comme la finale «idéale». Mais, manifestement, à force de voir toujours les mêmes truster titres et honneurs et de banaliser les affiches phares, que ce soit en Suisse ou en Europe, on finit par lasser tout le monde, y compris les supporters des clubs concernés. Ou les méfaits d’une conception élitiste et réductive du football. On peut critiquer le manque d’assiduité et le côté événementiel des fans romands mais au moins une finale Lausanne – Sion aurait rempli le Wankdorf. Et on aurait peut-être évité cette tension sous-jacente, sur et hors du terrain, entre joueurs et supporters rivaux qui traînent beaucoup trop de vieux contentieux issus de rencontres passées beaucoup trop fréquentes.

Presque un sans faute

Dans un contexte aussi tendu, dix jours après un Bâle – Zurich houleux et marqué par un énième arbitrage favorable aux Rhénans, la désignation du directeur de jeu prenait une importance toute particulière. On peut donc s’étonner que l’ASF ait décidé de confier cette rencontre à M. Patrick Graf, lui-même au cœur d’une controverse avec le FCB deux tours plus tôt dans cette même compétition lorsqu’il avait cédé assez complaisamment aux souhaits rhénans de ne pas exposer leurs starlettes fragiles aux frimas du mois de décembre sur les hauteurs du Mont-sur-Lausanne. Ou comment mettre une pression inutile sur un arbitre…
Pourtant, M. Graf s’en est plutôt bien tiré. Il ne s’est pas laissé abuser par les simulations de Valentin Stocker, a désamorcé plusieurs situations potentiellement explosives et n’a pas hésité à sortir le carton rouge qui s’imposait sur la faute de dernier recours de Sauro sur Etoundi. Un sans-faute pendant 99 minutes. Puis vint cette intervention litigieuse sur Giovanni Sio où M. Graf a vu une simulation plutôt qu’une faute, sortant un deuxième carton jaune lourd de conséquences pour l’ancien Sédunois. Le tournant du match, même si l’on ne pleurera pas une seule seconde sur le sort des Bâlois : ces clubs, souvent bleus et grenats d’ailleurs, qui font de la simulation une arme majeure de leur jeu et se précipitent sur le directeur de jeu en pleurnichant à chaque décision rendent impossible la tache déjà ardue des arbitres. Alors, si, une fois sur dix, ils pâtissent plutôt que profitent d’une erreur, ce n’est qu’un juste retour des choses. Au final, c’est même plutôt plaisant de ne pas voir le capitaine Stocker aller soulever la coupe et d’entendre bêler au scandale ceux-là mêmes qui nous expliquent à longueur de saison que les erreurs d’arbitrages qui ont construit leur palmarès sont des faits de jeu fortuits qu’il faut savoir accepter avec fair-play et stoïcisme.

Un éclair dans la grisaille

Avant cette fatidique 99ème minute, il y avait eu un match, pas très bon, entre deux équipes diminuées, qui se connaissent par cœur et qui avaient limité au maximum les prises de risque. Seul éclair dans la grisaille du Stade de Suisse : Yassine Chikhaoui. Tout ce qu’entreprend le Tunisien, en première mi-temps surtout, est marqué du sceau de la classe, tout est fait avec une telle facilité qu’il ne donne jamais l’impression d’accélérer et pourtant il ne perd pas un ballon. On est presque malheureux de voir les caviars qu’il distille galvaudés par un contrôle défectueux d’Etoundi ou un dribble hasardeux de Chiumiento. Chikhaoui amènera les deux meilleures occasions avant la pause, une illumination pour Gavranovic, contré in-extremis, et un centre-tir juste trop croisé. En face, Bâle se contente de frappes dans les bras du gardien Da Costa.
Cela s’animera un peu en deuxième période : Safari échoue seul devant le portier zurichois, Chikahoui (tout arrive) perd un ballon en centrant dans les bras de Sommer sur un trois contre deux. Puis vint l’expulsion justifiée de Gaston Sauro qui ne fera qu’augmenter la domination zurichoise, même si une frappe de Sio n’est pas loin de tromper Da Costa. De l’autre côté, Sommer réussit ses deux ou trois parades décisives habituelles, Gavranovic tire juste au-dessus et Chiumiento sur la transversale. Comme ça, en clôture d’un week-end assez éprouvant, c’est avec un enthousiasme disons modéré que j’ai accueilli le départ en prolongations.  

Ce n’était pas LS – St. Gall…

S’il ne s’en était fallu de quelques centimètres que Davide Chiumiento ne devienne le héros (et m’épargne la prolongation), c’est un autre joueur en quête de rédemption après quelques choix de carrière malheureux, Mario Gavranovic, qui va libérer le FCZ. L’ancien joueur de Schalke 04 reprend d’une tête croisée un service Teixeira pour enfin débloquer le compteur, à peine une minute après l’épisode Sio. Mené au score et en double infériorité numérique, cela devenait mission impossible pour le FCB. Au contraire, un autre revenant, après des blessures dans son cas, Yassine Chikhaoui, qui semblait pourtant très fatigué depuis quelques minutes, trouvera les ressources pour un ultime coup de rein qui laissera sur place ce qu’il restait de la défense rhénane avant d’offrir le but de la sécurité à Mario Gavranovic. Zurich tenait là un succès amplement mérité et sa huitième Coupe de Suisse, sans qu’il n’y ait rien à redire. Mais on ne gardera pas un souvenir impérissable de cette rencontre. Qu’elle paraissait loin la plus belle finale de l’Histoire de cette Coupe de Suisse, entre Lausanne et St. Gall, disputée seize ans plus tôt au même endroit, mais dans un stade légèrement différent, avec une météo beaucoup plus clémente, dans une toute autre ambiance et pour un tout autre spectacle.

FC Zurich – FC Basel 1893 2-0 ap. prol. (0-0, 0-0)

Stade de Suisse, 23’312 spectateurs.
Arbitres : M. Graf, assisté de MM. Pozzi et Brosi.
Buts : 100e Gavranovic (1-0), 114e Gavranovic (2-0).
Zurich : Da Costa; Teixeira, Kecojevic, Djimsiti; P. Koch, Chiumiento, Buff (86e Mariani), Chikhaoui, Rikan (110e Kajevic); Etoundi (91e Sadiku), Gavranovic.
Bâle : Sommer; Aliji, Sauro, Suchy, Safari; Callà (70e Ajeti), Serey Die, Elneny, Stocker (106e Diaz); F. Frei (60e Delgado); Sio.
Cartons jaunes : 47e Sio, 61e Chikhaoui, 62e Elneny, 83e Buff, 95e Kecojevic, 102e Serey Die.
Cartons rouges : 66e Sauro (faute de dernier recours), 99e Sio (deuxième avertissement).
Notes : Zurich sans Henrique, Benito, Schönbächler (suspendus), Kukeli, Chermiti, Nef ni Brunner (blessés), Bâle sans Adili, Ivanov, P. Degen, Schär, T. Xhaka ni Streller (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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8 Commentaires

  1. « Je trouve regrettable la propension qu’ont certains médias d’encenser systématiquement certaines daubes inintéressantes de foot étranger, notamment de Ligue des Champions ou une récente finale de Coupe du Roi… »

    Ca c’est le sommet, l’hôpital qui se fout de la charité à des dimensions stratosphériques, venant de quelqu’un qui nous fait passer à longueur de colonnes n’importe quel sous-match de douzième division allemande pour le match du siècle et ne peut s’empêcher de balancer à chaque article sa petite polémique sur le foot espagnol!
    Peut-être que les résultats respectifs des équipes allemandes et espagnoles en coupe d’Europe cette année devraient t’inciter à un minimum d’autocritique…

  2. « Une finale Lausanne-Sion aurait rempli le stade. » c’est certain. Cela dit tu peux remplacer Lausanne par n’importe quel club, alors que l’inverse n’est pas assuré.

  3. Faux.
    Depuis que l’ASF délégue la vente de la majorité des billets aux clubs, il suffit que l’un des finalistes n’écoulent pas son stock pour que le stade ne soit pas plein, même si l’autre club a dû refuser du monde.

  4. C’est vrai que si un club a les yeux plus gros que le ventre (ou préfère des sièges vides que des sieges « ennemis »)ça peut arriver.
    Par contre en 2011, Xamax avait commandé relativement peu de billets au départ, ce qui a permis aux deux clubs de coller à la demande et de remplir le stade.

  5. « Je trouve regrettable la propension qu’ont certains médias d’encenser systématiquement certaines daubes inintéressantes de foot étranger, notamment de Ligue des Champions ou une récente finale de Coupe du Roi… »

    Ça c’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité, de la plume de quelqu’un pour qui n’importe quelle sous-daube de douzième Bundesliga est prétexte à orgasme!

  6. « Je trouve regrettable la propension qu’ont certains médias d’encenser systématiquement certaines daubes inintéressantes de foot étranger, notamment de Ligue des Champions ou une récente finale de Coupe du Roi… »

    Sous la plume de quelqu’un qui nous fait passer n’importe quel match de banlieue de douzième Bundesliga pour le match du siècle, c’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité!

  7. « Au final, c’est même plutôt plaisant de ne pas voir le capitaine Stocker aller soulever la coupe et d’entendre bêler au scandale ceux-là mêmes qui nous expliquent à longueur de saison que les erreurs d’arbitrages qui ont construit leur palmarès sont des faits de jeu fortuits qu’il faut savoir accepter avec fair-play et stoïcisme. »

    J’adore !!

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