Un derby madrilène plutôt que zéro !

Aujourd’hui j’aimerais raconter aux lecteurs de CartonRouge.ch mon week-end à Madrid lors duquel j’ai emmené pour la première fois mon fils de 8 ans, ma fille de 6 ans et ma femme (toujours jeune – du moins j’imagine) au Santiago Bernabeu.

D’aussi loin que je puisse m’en souvenir, j’ai toujours été fan du Real Madrid. C’est certain que lorsque mon père vibrait aux exploits du Real alors que j’étais un enfant, j’ai probablement été conditionné et de là est née ma passion pour ce club. A l’époque (je situe cela vers 1985-1986) la télévision ne nous abreuvait pas quotidiennement de football et il n’était pas simple de voir des matchs du Real à la télévision, excepté bien entendu lorsqu’il s’agissait d’une finale de coupe européenne, mais cela n’arrivait pas souvent à l’époque pour mon club qui traversait une période difficile sur le plan international. Mon père depuis notre petit 3 pièces de la banlieue lausannoise s’asseyait sur son fauteuil préféré avec le poste de radio sur les genoux. Un poste de radio à l’ancienne avec plein de boutons poussoirs et des molettes permettant tant bien que mail d’essayer de moduler le son et la fréquence, et, miracle, il arrivait toujours à se caler sur une radio espagnole dont l’émission phare «Radio Gaceta Los Deportes» nous faisait vibrer entre trois grésillements ! Avec le recul je me dis que c’était horrible de suivre un match dans ces conditions mais pourtant que de bons souvenirs ! La radio a ceci de magique que l’on peut se créer les images soit même et écoutant les commentateurs décrivant les actions avec des détails incroyables et une vitesse d’élocution inimaginable. Finalement, l’imaginaire de la foule et du match fait que l’on se crée un monde à soi dans la tête et à force de suivre des matchs dans ces conditions, la passion pour votre équipe vous prend aux tripes et finit par ne plus vous quitter.

Cette époque est bénite car mon équipe préférée, en plus d’affronter des équipes bien connue, jouait aussi contre des équipes aux noms improbables tels que par exemple Vidéoton ! Qui s’en souvient ? Moi je m’en souviens car selon ce que m’avait expliqué mon père, il s’agissait de l’équipe de l’usine Philips aux Pays-Bas. Epoque incroyable où de tels affrontements pouvaient encore avoir lieu. Je vibrais aussi aux exploits de joueurs aujourd’hui entrés dans la légende du Real Madrid tels que Juanito (le roi du carton rouge….), Santillana qui marquait beaucoup de buts de la tête sur des centres de Juanito d’ailleurs, ou Stielike dont la hargne et l’envie de gagner étaient sans limite. Ce sont ces joueurs passionnés et passionnants qui ont définitivement forgé ma passion.
Aujourd’hui, pour voir des matchs à la télévision, tout est devenu plus (trop ?) facile est il est donc clair que je ne manque pas beaucoup de match du Real et puisque mon fils semble me suivre dans l’incoscience, je ne cache pas mon plaisir à me caler dans le canapé avec lui pour regarder des matchs. Cela a fini pas déteindre sur ma fille qui pour ne pas être en reste commence aussi à s’intéresser au football… Ma femme, elle, et bien ma fois elle suit….
Un jour, mon fils me dit «papa, un jour tu crois que c’est possible que tu m’emmènes à Madrid au Santiago Bernabeu voir un match ?». Depuis ce jour-là, je n’ai pas arrêté d’y penser. D’autant plus qu’en ma qualité de détenteur de la carte «Madridista» j’ai quelques privilèges comme celui d’avoir droit à des billets pour un match de mon choix… Au préalable, j’ai tout de même emmené mon fils voir deux matchs à la Pontaise, non pas pour le dégoûter du football, mais pour être certain qu’il soit aussi passionné que moi. Il faut quand même y aller par étapes !
Mon fils ayant fêté il y a peu ses 8 ans, j’ai décidé d’organiser une virée surprise pour lui et pour moi à Madrid pour voir le derby Real-Atletico mais je me suis dit que finalement ça serait plus sympa d’y aller en famille, alors nous sommes partis à quatre ! Comme m’a dit ma femme «on se demande pour qui est le cadeau…» En fait, il faut dire que mon anniversaire c’est le lendemain de celui de mon fils…. J’avoue que je me suis fait plaisir.

Nous voilà en route pour Madrid. Nous prenons l’avion le vendredi 12 septembre en fin d’après-midi après être allé chercher les enfants à la sortie de l’école. Bien entendu toute l’école savait que nous allions voir le match et j’ai eu droit à quelques sourires de papa et à des tapes sur l’épaule avec le commentaire de rigueur «hé ben on se fait pas chier quand même hein ?». Ben non, j’assume !
Le samedi matin, jour du match, nous avons visité Madrid et bien que nous avions déjà des écharpes, casquettes et maillots de l’équipe, on décide d’aller faire un petit tour du côté du shop officiel et on en ressort les bras chargés avec les nouveaux maillots, y compris un maillot d’un rose éclatant pour ma fille, des casquettes et tout le toutim !
Nous croisons beaucoup de gens, adultes comme enfants, portant le maillot du Real mais beaucoup moins de l’Atletico. Je dirais dans une proportion 90%-10%. Il faut aussi dire que dans le quartier de Madrid où nous sommes, tout près du stade du Real, cela paraît normal ; aux abords du Vicente Calderon, le stade du rival, il est probable que les proportions soient inversées.
Le match est à 20 heures mais nous décidons d’aller au stade à 18 heures afin d’humer l’ambiance et de profiter pour prendre des photos. On cherche la porte d’accès à nos places et on finit par faire tout le tour du stade à force de chercher…. C’est vrai que ce n’est pas la première fois que je vais au stade mais je suis toujours ébahi par la taille du bestiau ! Il est énorme, très haut, magnifiquement illuminé, bref : superbe. Nous prenons place est je vois le regard de mes enfants abasourdis par l’ampleur des gradins, ma femme trouve que c’est «pas mal» et «qu’à la télé c’est pas pareil c’est sûr». Avant le coup d’envoi, mon fils regarde, sans en perdre une miette, l’échauffement des joueurs en essayant de tous les reconnaître. «Papa, Modric, depuis qu’il s’est coupé les cheveux il est dur à reconnaître !»

Ce soir, non seulement c’est un derby, mais c’est également deux entraîneurs exceptionnels qui s’affrontent (même si Simeone est dans les gradins durant 10 matchs pour cause de suspension après avoir bousculé légèrement un arbitre, sanction trop sévère à mon avis) et qui affrontent également des problématiques différentes. Pour Simeone il s’agit de convaincre son président de club de dépenser de l’argent afin d’acheter des joueurs en vue de se renforcer ou du moins de ne pas s’affaiblir suite aux nombreux départs. Pour Ancellotti, il s’agit de convaincre son président de club de cesser d’acheter des joueurs à tout va car il n’y a bientôt plus assez de place sur le terrain pour tous ces grands noms…
Le coup d’envoi est enfin donné et le match démarre sur les chapeaux de roues. Domination du Real qui prend le jeu à son compte avec un Atletico organisé en lignes serrées défendant avec hargne et dureté (dureté très excessive il faut le dire, d’ailleurs 7 cartons jaunes seront distribués à l’Atletico !) en commentant des fautes assez grossières dans l’entre-jeu afin de casser le rythme du Real qui comme d’habitude s’appuie sur Ronaldo sur l’aile pour déséquilibrer l’adversaire. C’est réussi car en moins de 8 minutes le Real a déjà eu deux occasions nettes. Vers la 10e minute contre-attaque des rouges et blancs et dégagement en corner d’un Arbeloa un peu dépassé par la vitesse de l’attaquant. J’ai un peu la trouille car je ne sais pas pourquoi mais depuis plusieurs matchs le Real est très mauvais sur les balles arrêtées.  Ben j’ai bien fait d’avoir la trouille: on se prend un but de Tiago sur le corner. La défense est hors de position et Casillas ne peut rien faire. 0-1 sur la seule est unique incursion de l’Atletico dans notre camp ! 
Fernandez père et fils n’ont pas la tête des bons jours…. Ma fille pleure car elle trouve que c’est pas juste ! En plus elle a besoin de faire pipi. Ha oui, j’oubliais la joie d’aller au stade en famille, faut emmener les enfants aux toilettes au risque de louper une partie du match ! Ma femme fait des photos et elle apprécie l’ambiance.
Les blancs continuent sur leur lancée et attaquent à tout-va, Modric distille des passes au millimètre (quel joueur incroyable) et Kroos le nouveau venu récupère et fait le ménage au milieu du terrain. L’Atletico est étouffé dans son camp et défend toujours en commettant autant de fautes, l’arbitre est assez permissif. Finalement, à la 26e sur une incursion de Benzéma et de Ronaldo, c’est pénalty provoqué par Miranda qui crochète CR7, lequel se fait justice lui-même.

Egalisation méritée tant la domination des blancs est nette. Toutefois, on sent que l’Atletico prépare un coupr. Dès que les joueurs de Simeone se mettent à jouer un peu plus haut et décident de ne plus subir, la défense du Real est à l’agonie. Arbeloa joue très très mal, Ramos court dans tous les sens et ne domine pas en défense centrale. Coentrao lui joue bien et Pepe est égal à lui-même, il dégage les ballons et dès qu’il y a un peu d’agitation il est le premier à aller se fritter. Je suis pro Real mais je dois bien dire que je n’aime pas Pepe. Je ne l’ai jamais aimé et je l’aime encore moins depuis qu’il y a quelques saisons il avait pété les plombs et rué de coups de pied un adversaire. Quel honte, comment le Real ne s’est pas débarrassé d’un joueur aussi stupide ? Ça doit quand même être possible de le refourguer à bon prix au PSG ou à City non ? La mi-temps arrive et le Real domine toujours, deux occasions nettes de Benzéma et James font se lever le stade mais on en reste là.
La seconde mi-temps démarre toujours sur le même rythme. Ronaldo qui déborde, Benzéma qui a le syndrome Michel Blanc «j’ai plein d’ouvertures mais je conclus pas» et Bale qui essaie de galoper pour prendre de vitesse la défense adverse. Le problème est qu’il n’y a pas d’espaces pour galoper. Hé oui, ici c’est pas la Premier League. L’Atletico continue avec ses fautes méchantes puis survient à mon avis le tournant du match, Arda Turan (joueur turc exceptionnel, l’empereur du jeu chez les rouges et blancs) fait son entrée et là c’est une autre histoire. L’Altetico prend le jeu à son compte, le Real recule. Arbeloa est aux abois, il est d’ailleurs remplacé par Varane. Cristiano n’y arrive plus, Benzéma est sorti pour être remplacé par Chicharito qui est quand même plus un finisseur. Bale est absent et il est remplacé sans qu’on ne puisse avoir vu une once de son talent durant 70 minutes, ou alors à peine. Maintenant c’est le Real qui commet des fautes et prend des cartons. Bref quand l’Atletico joue et ne fait pas que défendre c’est un autre match qui commence et ce qui devait arriver ben arrive ! But de Arda Turan à la 76e. Le stade est muet, sauf mon voisin et sa femme qui sont de l’Atletico et qui s’embrassent ! Les 15 dernières minutes seront débridées avec le Real qui attaque à tout va, Chicharito a une occasion nette mais le gardien Moya fait un arrêt incroyable. Idem pour James qui voit son essai arrêté par le gardien (très bon, je ne le connais pas à vrai dire). Ramos essaie de monter pour placer sa tête, mais bon on ne peut pas toujours avoir le bol de la 93e minute comme en finale de la Champion’s….
La fin du match est sifflée, on est bien entendu déçu. La tension retombe et j’embrasse mes enfants et je les console un peu ou vice-versa, qui sait ? Le foot c’est aussi ça, on vibre, on hurle mais on doit aussi parfois serrer les dents quand on ne gagne pas. Là c’est dur car je me suis fait une fête d’emmener ma famille au stade et la victoire aurait été la cerise sur le gâteau mais il restera les souvenirs d’un excellent derby, de cette soirée dans ce stade magique. Puis je me rends compte au fil des minutes que le plus déçu de tous c’est moi. Les enfants arrivent bien à gérer la défaite, ils me parlent des buts, des gradins, des chansons du stade, des gens, des drapeaux et ils sont contents. Nous restons encore un peu dans le stade pour prendre des photos puis nous sortons pour aller prendre le métro et rentrer à l’hôtel.

Le lendemain il faut rentrer car lundi, c’est le retour à la réalité et je suis certain que mes amis et collègues ne vont pas me louper vu la défaite du Real.

Real Madrid – Atletico Madrid 1-2 (1-1)

Santiago Bernabéu, 80’000 spectateurs.
Buts : 10e Tiago (0-1), 26e C.Ronaldo (1-1), 77e A.Turan (1-2).
Real Madrid : Casillas, Arbeloa (76e Varane), Pepe, Ramos, Coentrao, Modric, Kroos, James, Bale (71e Isco), Benzéma (62e Chicharito) et Ronaldo.
Atletico Madrid : Moya, Juanfran, Miranda, Godin, Siqueira, Raul Garcia, Gabi (60e Arda Turan), Tiago, Koke, Raul Jimenez (63e Griezmann) et Mandzukic (77e Mario Suarez).

Écrit par Alberto Fernandez

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8 Commentaires

  1. « Vidéoton ! Qui s’en souvient ? Moi je m’en souviens car selon ce que m’avait expliqué mon père, il s’agissait de l’équipe de l’usine Philips aux Pays-Bas » N’importe quoi… Tu nous prends pour qui ?

  2. Salut Jean-Paul! Je ne fait que refleter les souvenirs de ma mémoire, je n afirme pas avoir raison, mais il se trouve que je suis certain que c est ce que m avait dit mon père à l époque. Ceci dit, après avoir recherché sur internet il se trouve que c est un club hongrois qui a joué une finale UEFA en 1984-1985 contre Real Madrid.

  3. Ah la mythique « Radio Caseta de los Deportes »…Que de souvenirs ! C’était en fait une émission généraliste de sport qui passait tous les soirs à la radio espagnole entre 18h et 20h.
    Je me rappelle même du nom de l’animateur Santiago Pellay (pas sûr de l’orthographe). Il y avait pour le live sur la « Cadena Ser » une ambiance de folie avec Antonio Martin Balbuena et Jose Ramon de la Morena.

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