Veni, Vidi, Verratti

Le jeune Marco Verratti n’est plus le même : son statut de petit poucet, pêché au Delfino Pescara il y a trois ans et demi, est révolu. Ou presque, car il ne changera jamais ses 165 centimètres. Qu’on se mette tout de suite d’accord, le gamin abruzzese a gravi les échelons à grande vitesse, devenant un des meilleurs espoirs de la planète. Les Parisiens se sont bien marrés, à l’été 2012, quand l’ami Ancelotti décidait d’aller piocher en Serie B pour armer son milieu de terrain. Et bien, les temps changent, les chenilles deviennent des papillons et Paris est devenu bon.

Un Tchèque pour vaincre

Je n’ai pas une loupe, ni un ordinateur à la hauteur de Tamim ben Hamad Al Thani, l’émir qui possède tout le PSG et le Qatar Investment Authority. Tu sais, le fonds d’Etat qui s’est fait plus de 100 milliards en 7 ans. Mais grosso modo, de tout ça, il faut surtout mettre en évidence l’image d’un brillant joueur qui est quasiment passé du jeu semi-amateur de seconde division italienne au –  presque – sommet du jeu européen. Tout ça en très peu de temps ! Personne ne nous empêchera de le dire. On parle de Verratti.
Né dans le village de Manoppello il y a bientôt 23 ans, Marco Verratti est formé au monde des pros par le Delfino Pescara, un club habitué aux championnats inférieurs qui évolue néanmoins de nos jours en deuxième division. Le bambin italien y a vécu deux promotions avec les Delfini. La seconde, récompensant le titre de champion de Serie B, reste bien entendu la plus notable. C’est l’actuel coach tchèque du FC Lugano, Zeman, qui propulse la bande de Verratti au paradis en 2012. Fort d’une philosophie ultra-offensive, attention aux yeux, Zeman est un adepte du 3-1-6, favorisant le jeu sur les ailes et le hors-jeu presque à la ligne médiane ! Et aussi grâce à son trio d’étoiles, pépites, diamants, nomme-les comme bon te semble, Ciro Immobile – Lorenzo Insigne – Marco Verratti, que le Delfino Pescara de Zeman a donné un coup de pied au cul à tout un pays, émerveillé par les performances de ses futures stars. On va pas s’attarder sur le cas d’Immobile, qui malgré un bon passage au Torino, n’a pas eu les mêmes chances sous l’ère Klopp. On peut carrément dire qu’il a totalement foiré. A suivre chez les Andalous. Par contre, Insigne est rentré au bercail, au Napoli, avec lequel il a eu des hauts et des bas, mais il penche plutôt sur un haut, cette saison. Et au final, on a celui qui a des yeux énormes, un garçon sage qui ne s’est jamais emballé. Il a les pieds sur terre, il est humble, il ressemble un peu à un hibou, il est le gufo di Manoppello, il est Marco Verratti.

Le joli coup signé Ancelotti

C’est à partir de ce départ que l’histoire de ce talentueux joueur débute vraiment, au niveau mondial. Carlo Ancelotti, alors sur le banc parisien, a vu juste en demandant aux milliardaires qataris d’aller chercher un quasi-inconnu de 19 ans en Serie B. Et le tout pour 12 millions d’euros. De quoi rendre dingues les Italiens qui croyaient en sa venue dans leur championnat. La Juventus semblait l’équipe la plus propice pour lui, mais aussi le Genoa ou le Napoli ont tenté leurs chances. En vain, puisque ce sont les Parisiens qui ont été les plus forts, bouclant le transfert en 10 minutes !
L’Hexagone a critiqué, en a ri, jusqu’au moment précis où Ancelotti, nous a sorti que Verratti pourrait être le futur Andrea Pirlo. Un futur grand. La presse française n’a pas traîné pour comprendre la comparaison, on peut presque dire métaphore, puisqu’on parle d’une légende vivante du Calcio, Pirlo, qui a justement gagné ses plus grands titres avec Ancelotti. Maintenant, la France fête et rit avec Verratti. Déjà.

Une autre dimension

Les saisons filent, Paris grandit, les bons joueurs sont de plus en plus nombreux. De Sissoko, Ménez, Nenê, Lugano et Gameiro jusqu’à Pastore, Thiago Silva, Ibrahimovic, Cavani, Beckham ou encore Di Maria. La liste pourrait être bien plus longue. Les objectifs du club sont élevés. D’ailleurs, la saison passée a été la meilleure au niveau national, puisque les Parisiens y ont absolument tout raflé.
Dans cette panoplie de grands noms, Verratti n’a pas mis long pour flamber. Dès son arrivée, il s’intègre rapidement et partage sa chambre avec ses nouveaux potes Lavezzi et Ibra. Comme souvent, les talents précoces du calibre du jeune pescarese débutent avec un jeu simple, ne prenant pas trop de risques, préférant miser sur un jeu sécuritaire. A l’image de Sergi Roberto lors de ses débuts au Barça, par exemple, et qui aujourd’hui devient un très bon pion. Puis Verratti a progressé, à commencer par sa première vraie distinction qui a été celle de faire partie de l’équipe type de Ligue 1, puis celle de meilleur espoir, et de nos jours un statut de grand joueur prometteur et international. Après trois saisons et demie dans la banlieue parisienne, Verratti, est devenu une pièce incontournable au jeu possessif de la capitale. Formé de base comme milieu offensif, mais repositionné en regista (comme Pirlo) par Zeman, le nouveau Marco Verratti compte une belle moyenne de 90% de passes réussies depuis le début de son aventure au PSG. Un vrai métronome qui apporte la stabilité et la sécurité nécessaire au milieu de terrain de Paris. A la différence des autres écuries françaises, beaucoup trop instables et irrégulières. Et qui ont bien moins de ronds, mais ça ne change pas le statut de Marco, ça.

A Manoppello, un hibou s’est envolé…

Parti avant d’avoir fêté ses 20 bougies, Verratti laisse derrière lui un village, où il est devenu une idole, mais aussi sa famille et un pays, fier de lui mais qui regrette son départ à l’étranger. Tout le monde est heureux de l’épanouissement de son protégé, mais un léger goût amer reste après le fameux départ. Un peu de terre sèche collée à la botte italienne peine à se dispatcher. Il faut se rendre à l’évidence, chaque pays rêve de voir ses meilleurs joueurs évoluer dans son propre championnat. Heureusement qu’il existe des rencontres internationales et que l’Euro 2016 approche à grands pas. Mais pourquoi le jeune Marco est-il tant aimé ?
Petit déjà, sur les terrains de Manoppello, ses capacités sportives sont déjà au dessus des autres. Il dribble beaucoup, va de l’avant et marque. Au bonheur du maigre public. Malgré sa petite taille, Marco Verratti est d’abord le plus grand dans son village, puis dans sa ville, Pescara. Sa force est son côté humble, jamais emballé ou rebelle, ayant les pieds sur terre. Il devient le symbole de sa ville, aussi doué sur les terrains qu’avec ses amis ou sa famille. Le jour où Verratti, de son plein gré, refuse l’AS Roma, l’Inter ou encore la Juventus pour débuter en pro avec Pescara, est déclencheur de toute la fierté abruzzese.
Ses parents aussi l’accompagnent souvent aux entraînements. Il est appelé le nouveau Alessandro Del Piero au village. Enfant, le rêve du petit milieu offensif est de jouer pour Delfino Pescara. Un de ces amis du village, Mattia, raconte d’ailleurs que Marco est resté pour l’amour de sa famille et pour continuer de s’amuser avec les potes du quartier. Un adolescent qui a pour atout de ne ressentir que peu de pression au moment de jouer. Même à Paris, il s’amuse et joue comme s’il avait encore 8 ans. Sa mère Lydia est toujours surprise de le voir si calme, si tranquille balle aux pieds, si confiant, comme s’il avait la trentaine. Un gamin qui était bien pressé par contre de sortir du ventre de maman et qui lui donnait tout le temps des coups de pieds. Bref, parti de son club de coeur pour le Paris d’Ibrahimovic, comprenez maintenant pourquoi ses proches regrettent quelque peu le départ précoce de leur enfant sage, aimé de tous et qui savaient si bien préparer gli arrosticini (petites brochettes abruzzesi). Ses qualités humaines comptent largement dans son début de parcours grandiose.

Plutôt Pirlo ou Iniesta ?

On a parlé de brochettes, là on parle de passes, le point fort de Verratti. Présent dans le top 5 des meilleurs passeurs lors de l’actuelle Ligue des Champions avec 93% de réussite. Généralement, c’est ce qu’on connaît de ce joueur, si on ne le suit pas régulièrement. On comprend maintenant mieux pourquoi les gens le comparent avec le Maestro métronome, tambour battant Andrea Pirlo. Une comparaison simple, puisque les deux sont italiens et qu’ils jouent en milieu défensif. Point barre.
Par contre, quand on commence à creuser un peu et analyser à la loupe le jeu du gufo di Manoppello, on s’aperçoit qu’en fait il est également proche des caractéristiques d’Iniesta, le maître à jouer et capitaine espagnol. Pourquoi pas. Explications.
Tout comme Pirlo, la stratégie de Verratti consiste à garder le ballon, de jouer la sécurité, ça on l’a compris. Les deux Italiens s’avèrent être des créateurs, des déclencheurs, des organisateurs indispensables au milieu de terrain bien équilibré. Verratti aime les longues transversales pour les latéraux ou attaquants, ainsi que les passes en retraits pour ses deux centraux défensifs. Du coup, à ce moment là, le petit Parisien est un vrai Pirlo, n’est-ce pas ? Pourtant, Verratti ne tire pas de coups francs. Et bien au contraire du Maestro qui marque entre 5 et 10 buts par année, Verratti ne tire quasiment jamais au but : dans les 10 fois sur 5500 minutes !
Encore mieux, Verratti a tendance à ne jamais être d’accord avec l’arbitre, tu diras qu’il est italien, mais quand même, Pirlo ne recevait pas un carton tous les deux ou trois matchs. Par contre, le Parisien est un surdoué en termes de récupération de balle, habile des deux pieds, un génie dribbleur ambidextre, comme Andres Iniesta. De bons relanceurs, tout deux d’excellents tacleurs. A l’image de son superbe match contre Barcelone, la saison dernière en quart de finale.

Verratti lui-même se dit ressembler au génie barcelonais. Une philosophie où le plaisir du jeu ne se perd jamais, encore moins dans la défaite. Un style basé sur l’entraide, la solidarité, la construction propre, où le fait de dégager la balle n’importe où, en catastrophe, devient justement une catastrophe ! Verratti aime le jeu net, faut pas lui casser les cacahuètes avec ça : «Si le PSG veut que je change de mode de jeu, qu’ils en achètent un autre.» Et ce mode de pensée correspond à merveille au Barça, et non pas à la Serie A. Or, si Pirlo doit dégager cette foutue balle à la 94e pour garder le score pourri de 1-0, il le fait. Comme disait Mourinho lorsqu’il entrainait en Italie : «Peu importe la manière, seul le résultat compte. Dans 10 ans, on aura oublié que ton gardien prenait chaque fois quatre ans pour dégager, on s’en fout tu as gagné !» Quelque part, il a raison, mais Verratti ne prend pas les choses comme ça. Pour lui, le chemin est le but. Si tu gagnes 2-0, et bien tu te donnes et tu améliores le score. C’est la manière qu’on veut, bon sang.
Au final, certains diront que Verratti ressemble plus à Pirlo, d’autres à Iniesta. Les plus malins savent qu’il existe un mélange des deux. Laissons de côté les sosies calcistiques. Quoiqu’il en soit, le poste du désormais 6 de la capitale française est celui du regista Pirlo. Iniesta est plus polyvalent, même si milieu défensif de prédilection. C’est au niveau de l’esprit que ça se joue. Et là, Verratti est sans doute un véritable futur Iniesta. Encore une fois, les trois bonhommes sont proches. Des sages, des créateurs, respectueux, bosseurs, capables de s’en sortir dans une toile de joueurs. Toutefois, l’expérience manque au jeune hibou Marco, sa marge de progression est énorme. Quelle chance de pouvoir jouer titulaire chaque match dans un grand club comme Paris. Pour enfin gravir un jour, pourquoi pas, les marches du Camp Nou, emmenant la Nazionale vers les sommets, par la même occasion. Il est confiant, serein, Manoppello ne l’oublie pas.

A propos Thomas Christen 27 Articles
C'est dans la chronique FOOTURO, chers lectrices et lecteurs, que vous en apprendrez plus sur les perfs' actuelles des athlètes suisses qui ont joué les mercenaires du monde. A vous de voir : footuro ou footu pour la Nati ?

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