Verra-t-elle seulement le jour ? La patinoire du Trèfle-Blanc dans la mouise

A la fin du mois de janvier 2012, le Genève-Servette HC et ses différents partenaires annonçaient pompeusement que le site du Trèfle-Blanc, sis sur la commune de Lancy, accueillerait la nouvelle patinoire cantonale. Depuis lors, aucune information n’a véritablement filtré sur le sujet et de nombreux fans se demandent ce qu’il en est. Lassé d’attendre vainement que les médias locaux fassent leur boulot, CartonRouge.ch a pris les devants et mené l’enquête.

La dernière fois que CR avait pris le problème de la nouvelle patinoire genevoise à bras-le-corps (voir ici et ici), il avait été calculé que, si les parties concernées faisaient correctement leur boulot, le premier coup de pioche pourrait être donné au mois de juin 2013. Or nous y sommes et pas l’ombre d’une pelleteuse ne vient offrir un répit mérité aux ouvriers suant sous le chantier ensoleillé du futur fleuron de la Cité de Calvin. Le projet serait-il tombé à l’eau ?Une chose est sûre : la brume qui entoure le dossier est épaisse et CartonRouge.ch a dû aligner les doublons – qu’il a heureusement en grand nombre – pour que les langues daignent quelque peu se délier, exclusivement sous le couvert de l’anonymat. Directeur du Service cantonal du sport, Olivier Mutter se veut néanmoins optimiste : «Le contexte est difficile financièrement et Genève ressent encore le traumatisme de la construction du Stade de Genève. S’il y existe toujours un risque que le projet capote, je préfère penser qu’il y a de bonnes chances qu’il se réalise.» Et de rappeler que la construction d’une nouvelle patinoire a été inscrit dans le Plan directeur cantonal… 2030 (sic). Est-ce à dire que le grand amphithéâtre lancéen ne pourra être érigé à temps pour les Championnats du monde 2019 ? De toute façon, la Suisse sera dans le groupe B à ce moment-là et, pour un bon Slovénie – Kazakhstan, nul doute que la patinoire de Morges fera largement l’affaire.

Toutes «langue de bois» qu’elles sont, ces déclarations se placent en contradiction avec celles que Christophe Stücki avait livrées au mensuel Top Hockey dans son édition de janvier dernier. Le directeur général du Genève-Servette y affirmait que la patinoire serait disponible au pire en septembre 2017. Contacté par nos soins, M. Stücki s’est refusé à tout commentaire après qu’une réunion avec les autorités a été annulée et repoussée à une date encore indéfinie. Néanmoins, le dirigeant a laissé entendre que le club grenat pourrait faire «cavalier seul» en fonction de ce qui sera alors décidé. Que se cache-t-il réellement derrière cette inquiétante assertion ? Mystère et boule de gomme.

Un rapport secret

L’optimisme affiché par Genève-Servette en début d’année était, à n’en point douter, lié de près à la récente parution d’une étude de faisabilité. Petit retour en arrière. En mars 2012, soit deux mois après la décision prise de bâtir le nouvel édifice au Trèfle-Blanc plutôt qu’aux Vernets, le GSHC, le Canton et la Ville de Genève mandatent, dans le plus grand secret, l’entreprise Icon Venue Group (IVG) pour dresser une étude de faisabilité du projet. Pour la petite histoire, IVG, c’est du lourd. La firme étasunienne a travaillé sur de nombreux projets d’infrastructures propres au monde du spectacle : de la rénovation du Staples Center de Los Angeles à la conceptualisation de la O2 Arena londonienne en passant par la réalisation d’un plan de développement du futur amphithéâtre des Edmonton Oilers.
Le rapport d’IVG, que CartonRouge.ch a pu consulter en graissant la patte d’un fonctionnaire peu scrupuleux, a été achevé au début du mois de décembre de l’année passée. A sa lecture, on constate que certains chiffres avancés dans la presse sont confirmés : on va vers une patinoire d’une capacité de 10’000 personnes (ou 9’857, 10’002 voire 10’317 selon les pages), comprenant 4000 places debout et 6000 assises, dont 2500 loges VIP exigées par le club. Outre l’amphithéâtre, le projet comprend la construction d’un complexe commercial et d’une salle communale. Selon une estimation de la planification des travaux, la construction pourrait démarrer en juillet 2015 pour s’achever en juin 2017. Le GSHC aurait alors sa nouvelle patinoire à disposition pour le début de la saison 2017-2018.
En parcourant les pages du rapport, on se laisse allègrement gagner par l’enthousiasme de cet objet qui nous permettra enfin de gagner un jour le championnat suisse. Prévu sur un site de 23’000 m2 que sépare en deux la ligne du tram n° 12, le projet du Trèfle-Blanc comprend la réalisation d’une esplanade permettant de relier la patinoire au complexe commercial/salle communale. La ligne du tram serait donc recouverte par la nouvelle infrastructure. Trois entrées pour le public sont prévues : la principale donnant sur le dépôt des TPG et la future station du CEVA, et deux secondaires localisées côté Grand-Lancy / Maison CIViQ / arrêt du tram «Trèfle-Blanc». A noter que l’exiguïté du site contraindra les autorités à construire un parking de deux étages en sous-sol, dont l’entrée se fera à l’est, soit vers le dépôt des TPG.

Une copie de la BernArena

Le rapport d’IVG ne constituant qu’une étude de faisabilité, les maquettes du projet (que nous n’avons pas été autorisés à reproduire ici) seront certainement sujettes à changement lorsque les autorités lanceront le traditionnel concours d’architecture. Néanmoins, on sent que le GSHC a ses propres idées du design qu’il souhaite donner à son futur terrain de jeu. Ainsi, on est frappé de la ressemblance avec la Post-Finance Arena de Berne : un côté longitudinal exclusivement dévolu aux VIP faisant face à un «mur de supporters». La seule petite différence apparente avec la patinoire bernoise réside dans la conceptualisation des deux côtés latéraux, exclusivement réservés aux places assises et dont la hauteur constante ne diffère pas de celle du «mur de supporters». Au final, le côté VIP sera plus bas que les autres et les meilleures places assises réparties dans un anneau proche de la glace, à l’image de ce qui se fait dans la capitale.

C’est sans ambages que le rapport déclare que l’attractivité du secteur VIP sera renforcée par la présence d’un kop de fans lui faisant face. Mais que ces derniers se rassurent : le club a également pensé à eux en installant la tribune presse juste en dessous ! M’est avis que les articles de la Tribune de Genève et autres reportages de la RTS vont soudainement gagner en qualité avec l’arrivée de la nouvelle patinoire… Force est par contre de constater que la configuration du projet Trèfle-Blanc lèse quelque peu les spectateurs voulant s’asseoir en-dehors des places VIP, car ils paieront cher pour une vue sur les filets de protection. Quant aux supporters adverses, ils iront voir le match au McSorley puisqu’aucun secteur ne leur est apparemment réservé.

Retour sur terre brutal

C’est vers la fin du rapport qu’apparaissent les premiers signes annonçant un retour brutal sur terre. Comme tout projet d’infrastructure sportive qui se respecte, l’estimation des coûts a pris l’ascenseur par rapport à celles établies en janvier 2012. De 130 millions de francs, on passe désormais à près de 163 millions pour la patinoire et 340 millions pour l’ensemble du complexe.
Mais pour se permettre le luxe de s’inquiéter des coûts de la réalisation, encore faut-il avoir à disposition un terrain sur lequel bâtir. Selon le planning exposé ci-avant, le plan localisé de quartier (PLQ) aurait dû être soumis à l’automne 2012. Autant dire qu’avec déjà presque 10 mois de retard, une livraison à l’horizon 2020 apparaît plus réaliste. Et encore : avant de lancer un PLQ, il convient d’avoir les terrains à disposition. Selon une source du Département de l’urbanisme, «les négociations pour la dernière parcelle privée n’ont pas beaucoup avancé». En d’autres termes, l’Etat n’a pas encore mis la main sur la totalité du terrain ! A vrai dire, il ne semble pas que ce genre d’achat constitue une priorité absolue pour une administration cantonale en manque de liquidités. «Les budgets sont bouclés et il n’y aura pas un franc à disposition avant 2016-2017», prédit ce contact, pour qui le projet «n’avance pas».
Si la parution du rapport d’IVG montre que Genève-Servette n’a pas laissé tomber le dossier, son lobbying auprès des diverses autorités n’a pas été très efficace. En effet, comme une année auparavant, le terrain prévu pour la patinoire du Trèfle-Blanc est toujours en «zone villas» (zone 5), comme nous l’a confirmé la Ville de Lancy et comme on le constate à la lecture de ce document. Pour que le Grand Conseil vote le déclassement obligatoire en «zone de développement», il convient tout d’abord que le Conseil municipal de la Ville de Lancy donne un préavis favorable, ce qu’elle ne fait généralement qu’en présence d’un PLQ déjà élaboré. Bref, c’est le serpent qui se mord la queue et, pour le moment, Lancy est suffisamment occupé avec d’autres projets urbanistiques pour que celui de la salle communale devienne une priorité.
Il n’empêche que, comme nous l’a dit M. Mutter dont le Service cantonal du sport est désireux d’augmenter les surfaces de glaces du canton, «tout le monde a intérêt à ce que le projet réussisse». Il n’y a donc a priori pas – ou peu – d’opposition idéologique. On est cependant dans le cadre d’une entreprise très coûteuse qui nécessitera indiscutablement l’apport du secteur privé. Il reste dès lors à espérer que l’immobilisme actuel n’est pas le résultat du désistement d’un partenaire majeur du GSHC dans le projet.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Commentaires Facebook

8 Commentaires

  1. depuis que Le temps a supprimé sa partie sport, j’ai plus le souvenir d’avoir lu d’articles aussi professionnels. Excellent boulot

  2. Waouw! enfin du journalisme d’investigation. J’espère que les journaleux de place en prendrons de la graine et feront référence à CR pour réactiver ce dossier dans les médias traditionnels… enfin j’y crois pas bcp…

  3. Enfin un qui se lance dans la nébuleuse du monde de la construction en Suisse romande… Très bon travail et on se rend bien compte maintenant que l’administration de nos cantons francophones ont un vrai problème de responsabilisation… ou de flèmingite. A choix!

  4. Bravo pour l’investigation, et MERDE aux politics! Budget bouclé, combien pour le grand théatre ? Ce dit théâtre qui est réservé à une caste de la population qui n’atteint même pas le dixième de fans de hockey aux vernets…

  5. Quand on sait qu’à Genève il faut compter dix ans pour une rénovation d’immeuble… faudra un peu plus pour construire une patinoire, pour autant qu’elle soit construite un jour… De Dieu bonnard c’t’ambiance !!

  6. I would also like to state that most people that find tlvsmehees without having health insurance can be students, self-employed and people who are not working. More than half with the uninsured are under the age of Thirty-five. They do not sense they are requiring health insurance since they’re young as well as healthy. Their income is frequently spent on real estate, food, as well as entertainment. Some people that do work either complete or part-time are not presented insurance via their jobs so they move without as a result of rising cost of health insurance in the country. Thanks for the tips you talk about through this blog.

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