Entretien avec Bernard Errandonea

Le Dakar, c’est des images uniques, des dunes à perte de vue, la magie et la beauté de l’Afrique. Le Dakar, c’est 245 motards, 185 voitures et 85 camions au départ (chiffres 2007) ; six pays traversés (Portugal – Espagne – Maroc – Mauritanie – Mali – Sénégal) pour 7’915 kilomètres à parcourir en 15 étapes. Le Dakar, c’est également des noms, des grands champions : Stéphane Peterhansel, Carlos Sainz, Ari Vatanen, Luc Alphand, Cyril Despres… Mais le Dakar, c’est aussi et surtout une compétition d’anonymes, de coureurs amateurs, de «fous du volant» animés par les mêmes passions : la vitesse, l’aventure, le goût du risque, les sensations fortes !

Bernard Errandonea fait partie de ces coureurs non-professionnels prêts à tout pour participer «au plus beau rallye du monde». Chaque année, il met tout en oeuvre et se bat pour réaliser son rêve : être au départ du Dakar. Ce Basque de 45 ans participait cette année pour la quatrième fois consécutive à cette course mythique ; il avait terminé à la 49ème place en 2004 avant d’abandonner en 2005 et 2006. Au volant de sa Buggy noire, «Beniat» – comme tout le monde l’appelle – et son coéquipier Jean-Pierre Garcin ont réalisé une double performance lors du Dakar 2007 : finir à la 12ème place du classement général autos et terminer ainsi en première position des pilotes non-professionnels ! Une performance de choix pour celui qui, comme nombre de ses compères, ne prend part qu’à un seul rallye par année, faute de temps et… de sponsors !En exclusivité pour Carton Rouge, nous avons joint Bernard Errandonea par téléphone la semaine dernière. Le «bouillant Basque» – autre surnom ! – a accepté de répondre à nos questions avec humour, franchise… et cet «assent bien de chez lui, hé cong» qui le rend si sympathique. Tenu par une équipe de copains bénévoles, CartonRouge.ch salue l’exploit de ce coureur amateur qui – comme nous – est prêt à défier toutes les citadelles ! Merci et chapeau l’artiste ! 

Carton Rouge : Deux semaines après l’arrivée de ce Dakar, quel est ton sentiment ?
Bernard Errandonea : Je suis extrêmement heureux, c’est un immense bonheur.
Tu termines à la 12ème place et tu es ainsi le premier pilote amateur dans la catégorie autos, c’est un véritable exploit, non ?
Non pour moi ce n’est pas un exploit, c’est une très belle performance mais ce n’est pas un exploit !
Qu’est-ce que tu retiendras de plus fort de ces deux semaines de course ?
L’arrivée à Dakar m’a particulièrement marqué. Tu viens du désert où il n’y a pas de population et quand tu arrives à Dakar, tu vois tout ce monde, c’est un peu le «bordel» ! (Rires) Sinon, au point de vue technique, il y a eu ma panne d’essence durant la première étape, ça c’est incontestablement un moment fort, mais négatif. Ma 8ème place pendant l’étape entre Zoueart et Atar devant des coureurs professionnels était fantastique. Le fait d’avoir évité d’être ensablé, c’est également un excellent souvenir !
Qu’y a-t-il de si spécial autour de ce Dakar ?
Déjà ces paysages magnifiques, ces grands espaces. Ensuite c’est vraiment une course difficile où tout basculer à n’importe quel moment. Même si tu n’as pas bien roulé ou subi un problème technique, tu peux te rattraper le lendemain parce que c’est de longues étapes. Un problème technique, une panne ou être ensablé peut arriver à n’importe quel coureur, un professionnel ou à un amateur comme moi, tu as donc toujours tes chances de bien figurer. Jusqu’au dernier moment, il peut se passer quelque chose !

De l’intérieur, le Dakar est-il si magique ?
C’est ce qui trouble un peu les gens, les pilotes qui veulent le faire. Ils voient des beaux reportages à la télé, des belles photos. C’est ça le côté magique. L’envers du décor, c’est évidemment la difficulté, c’est une course très très dure. C’est des heures de voiture tous les jours, un rythme d’enfer, pour les motards surtout. Et après si tu as une galère, les choses commencent à se compliquer et ce n’est plus trop magique…
Physiquement, c’est une course extrêmement difficile.  
Oui il faut une certaine préparation, il faut être prêt à rouler vite pendant 8 à 9 heures d’affilée par jour. Si tu veux garder le même rythme, il te faut une bonne préparation.
Financièrement, qu’est-ce que représente une course comme le Dakar pour toi ?
J’ai de la chance de participer au Dakar grâce – entre autres – à l’aide substantielle de quelques amis, dont je préfère taire le nom… mais ils figurent tous sur ma voiture ! (Rires)
Quel est l’encadrement pour un coureur non-professionnel comme toi ?
Nous avions deux camions d’assistance alors qu’un autre camion était en course pour trois voitures engagées : un Autrichien, un Américain et moi. En tout, ça fait 10 mécanos et un team manager.
Et au niveau du Dakar en général, nous imaginons que l’organisation est géante ?
Si tu prends le Dakar en général, c’est énorme, c’est une petite ville, on est chaque jour 3’000 personnes à manger, à se déplacer. Il y a l’organisation, les concurrents, les médias, les partenaires, c’est impressionnant mais très bien organisé.

Comment est l’ambiance au bivouac entre les participants ?
C’est plutôt sympa même si on n’a pas trop le temps de s’attarder. C’était ma quatrième participation au Dakar, je connais un peu certaines personnes. Evidemment pour le Dakar il y a beaucoup de nationalités, plein de nouveaux pilotes, on a chacun ses amitiés.
Quelle partie du Dakar as-tu préféré ?
J’ai beaucoup aimé la partie dans le sable, l’entrée dans la Mauritanie ; tu peux rouler 500 km sur du sable, tu as de grandes étendues. C’est moins agressif que le Maroc où tu dois rouler sur des cailloux. Rouler sur du sable c’est génial, c’est comme si tu faisais du snowboard, ça glisse ! L’Afrique noire je n’ai pas du tout aimé, les trois dernières étapes en particulier : tu roules entre les arbres, c’est sinueux, pas idéal pour ma voiture
Qu’as-tu pensé des nouvelles réglementations de vitesse sur le Dakar ?
Je suis d’accord avec le règlement de ne pas rouler à plus de 30 km/h dans les villages. Par contre il y a eu quelques choix de limitations de vitesse bizarres. Par exemple, les camions d’assistance ne pouvaient pas rouler à plus de 90 km/h, du coup les conducteurs s’endormaient presque au volant ! Et ils avaient des lignes droites de 1000 km à parcourir, eux ils ont souffert !

Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ?
J’aimerais bien trouver quelques sponsors !
Et devenir professionnel ?
(Rires) Non je suis trop vieux pour ça, j’ai 45 ans… D’un autre côté, Jean-Louis Schlesser, qui a fini troisième dans la catégorie autos, a 58 ans. Ce n’est pas mon principal objectif mais si on me le demandait, j’accepterais !
As-tu prévu de faire d’autres rallies cette saison ?
Peut-être l’Argentine au mois d’août… et sinon je vais préparer le Dakar 2008 qui sera d’ailleurs la 30ème édition.
Nathalie Simon, elle est comment en vrai ?
(Rires) Heu… elle est sympathique !
Gérard Holtz a-t-il manqué sur le Dakar cette année ?
Non non pas du tout ! (Rires)
Enfin… est-ce que tu aurais une anecdote rigolote à raconter aux lecteurs de Carton Rouge ?
Oui j’ai une anecdote sur Cyril Despres, le vainqueur de la course moto… J’avais fait un pari avec lui la dernière fois qu’il est venu chez moi. Je lui avais sorti un caleçon avec le drapeau basque et lui avais lancé : «Si tu gagnes, tu mets ce caleçon et tu le montres à tout le monde sur le podium à l’arrivée !» Il a gagné la course et il l’a fait ! L’arrivée était en direct sur Eurosport et on voit très bien son caleçon basque ! Les gens n’ont pas compris, c’était drôle…
Et toi, qu’as-tu prévu de faire si tu gagnes le Dakar, tu mettras un caleçon avec le drapeau suisse ?
(Rires) Ok si vous voulez, mais vous descendrez me voir à Dakar alors !
Chiche !


Cyril Despres, Cathy Errandonea et Beniat

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